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« La France est vraiment un pays sexiste » : visite chez Annie Ernaux

Dans la voiture qui conduit chez Annie Ernaux, la radio passe une vieille chanson: «Etre une femme libérée, tu sais c’est pas si facile.» C’est une radio qui a du pif. Annie Ernaux rigole: «Je l’ai beaucoup chantée à mes fils quand ils étaient enfants. L’un d’eux m’a même un jour demandé d’arrêter… Ils sont plus féministes que moi, vous savez.»

Aujourd’hui, ses deux garçons ont eux-mêmes des enfants. Ils ont quitté la maison de Cergy où l’auteur des «Années» vit avec ses deux chats et ses souvenirs, qu’elle gratte jusqu’à l’os pour en tirer des livres limpides et complexes, singuliers et universels, qui racontent plus d’un demi-siècle d’histoire de France.

Elle les a presque tous écrits ici, à la main, depuis «la Femme gelée» jusqu’à «Mémoire de fille» en passant par «Passion simple» ou «l’Evénement», sur des feuilles volantes qu’elle classe dans d’épaisses chemises, avant de saisir la version définitive sur l’ordinateur. «Ça me prend beaucoup de temps», précise-t-elle comme si cet aspect artisanal, presque flaubertien, la raccrochait souterrainement aux lois laborieuses du café-épicerie que tenaient jadis ses parents à Yvetot, en Normandie.

Annie Ernaux est le nom d’un puzzle dont les pièces s’assemblent, livre après livre, pour former une des œuvres majeures de notre époque. Ses lecteurs ne s’y trompent pas, qui se comptent par centaines de milliers. Les universitaires non plus, qui multiplient les colloques sur son usage de la mémoire, les formes prises par son engagement ou sa fidélité à ses origines populaires. Elle a décidé de ne plus y assister:

« A une époque j’ai voyagé dans le monde. C’était agréable et ça ne me coûtait pas de payer mon écot… parce que c’est ça: vous voyagez mais il faut aller dans des universités, faire des choses comme ça. Comme dit Gérard Genette: ‘‘Les missions, c’est la façon la plus coûteuse de voyager gratis’’. Oui, j’ai bien aimé aller au Japon, en Chine… Maintenant je trouve que c’est trop coûteux en discours. Et puis je vieillis, voilà.»

Les critiques, eux, sont parfois passés à côté de son «écriture plate», qu’elle a forgée pour ne prendre personne de haut: «J’en ai pris plein la gueule, quand même», dit-elle en applaudissant le succès du jeune Edouard Louis, ce talentueux fils de prolo qui l’invoque comme un modèle: «Au moins, cette parole-là est désormais admise. On n’écrit pas forcément la même chose, et puis je suis une femme, mais c’est un écrivain d’avenir.»

“Une journée sans écriture, c’est une journée ratée

Dehors, le prunus est en fleur, et le silence à peine troublé par le passage lointain d’un tracteur. Annie Ernaux est arrivée ici en 1977, résume son journal, «avec un mari, une mère, deux enfants, un chat, une chienne». Elle a failli déménager quand son mari est parti en 1982, mais le Renaudot, remporté en 1984 avec «la Place», lui a permis d’acheter la maison. C’était l’époque où les prix littéraires et les prix de l’immobilier vivaient encore sur la même planète.

Depuis, elle a vu la ville nouvelle pousser et multiplier sa population par six ou sept. Au loin, les champs des maraîchers ont été remplacés par un étang artificiel qui, sous un ciel pommelé très anglais, prend doucement le soleil de mars. Plus loin encore, on distingue Paris, cette capitale si littéraire avec qui l’auteur de «Journal du dehors» a su garder ses distances. «C’est à 30 kilomètres à vol d’oiseau», dit-elle en indiquant la silhouette, maigre comme un clou, de la tour Eiffel. Ni vraiment en ville, ni tout à fait à la campagne, on dirait qu’Annie Ernaux a trouvé sa place – son «vrai lieu», pour reprendre le titre de ses entretiens avec Michelle Porte.

Elle ne peut pas écrire ailleurs. Et il lui faut sa dose quotidienne. «C’est la prière du jour. Enfin, la prière du matin, puisque j’écris le matin. Je ne me lève pas à 5h, non, mais je mets au travail vers 9h-9h30, et j’y reste le temps que j’ai envie d’y rester. Je dépasse rarement 2 heures de l’après-midi, quand même. Après, je peux vivre… Mais pour moi une journée sans écriture, ou sans réflexion sur le projet en cours, c’est une journée ratée, une journée à laquelle il manque quelque chose. Sans projet d’écriture, c’est simple, je ne peux pas profiter de la vie. L’écriture est une espèce de gaz qui se répand partout. Vivre, c’est me demander, à chaque fois que je pense quelque chose, pourquoi je pense ça, et comment je pourrais l’écrire.»

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Vive les putains

Ces dernières années, Annie Ernaux vient donc de les vivre en s’interrogeant sur une jeune fille qui lui était en grande partie inconnue («une étrangère qui m’a légué sa mémoire»). Cette fille s’est retrouvée une nuit, dans un lit et «dans le noir», avec H., le moniteur-chef de la colonie de vacances où elle avait trouvé son premier job d’été. Il lui a demandé de se déshabiller. Elle a obéi. Lui aussi s’est mis nu. Bientôt, «il force». Elle crie parce qu’«elle a mal». S’entend dire: «J’aimerais mieux que tu jouisses plutôt que tu gueules!»

Le lendemain, dans un mélange d’incrédulité et de passion naissante, la fille annoncera: «J’ai couché avec le moniteur-chef»; qui l’ignorera pour aller coucher avec une jolie blonde. Quelques soirées plus tard, passées dans les bras d’autres garçons, elle trouvera trois mots tracés au dentifrice rouge sur la glace de son lavabo: «Vive les putains». Et l’année suivante, sa candidature sera refusée par la colonie de vacances. Entre-temps, un jeune instituteur «à la peau grêlée» lui aura lâché des mots qui ne s’oublient jamais: «Tu ressembles à une putain décatie.»

La fille s’appelait Annie Duchesne. Sa nuit avec H. date de l’été 1958, «un été immense comme ils le sont tous jusqu’à vingt-cinq ans avant de se raccourcir en petits étés de plus en plus rapides dont la mémoire brouille l’ordre ne laissant subsister que les étés spectaculaires de sécheresse et de canicule. » Elle avait 18 ans. C’était «la première fois qu’elle quittait ses parents», qu’elle «sortait de son trou», qu’elle passait un 15 août sans aller à la messe, qu’elle découvrait l’ivresse de faire partie d’un groupe de jeunes gens coupés du monde, dans la bulle libertaire d’une colonie de vacances de l’Orne.

Annie Ernaux (Collection Annie Ernaux)

Annie Ernaux, quand elle s’appelait encore Annie Duchesne,

en 1958, l’année de ses 18 ans. (©DR, collection Annie Ernaux)

Le souvenir n’est pas la vérité

Aujourd’hui, Annie Duchesne s’appelle Annie Ernaux. Elle raconte tout cela, méthodiquement, dans «Mémoire de fille». Et voilà comment on se retrouve, en tête-à-tête, à parler de «perte de virginité» avec cette grande dame en noir, qui ouvre de beaux yeux bleu délavé:

« Ce garçon, H., devait penser le plus grand mal de ‘‘la fille de 58’’. Comme les autres. Mais il m’est impossible de savoir ce qu’il avait dans la tête. On ne peut imaginer de plus grande séparation dans la perception d’une même expérience. En tout cas je ne fais pas en sorte de le réduire à son sexe, à cette brutale sexualité. D’ailleurs par la suite, la fille va y consentir. Elle va même la désirer. Son désir d’appartenir à ce garçon va devenir aussi fort qu’un désir de viol. Si elle pouvait le violer, elle le ferait !… Mais c’est une fille, donc elle ne peut pas.»

Tant d’intimité, ça pourrait être embarrassant, même devant une délicieuse part de gâteau aux noix. Ça ne l’est pas plus que ça. Pas plus que le livre, en tout cas, qui du début à la fin est miraculeux de dignité, d’intégrité et d’intelligence:

« C’est un livre sur tout ce qui pouvait arriver à une fille en ce temps-là. Ce qui domine alors la vie des filles, c’est la virginité, avec la menace de la grossesse, qui est un déshonneur pour les familles et oblige à se marier. Le mot important, c’était ‘‘la conduite’’. Tout tenait dans ce mot-là: ‘‘Il faut que tu te conduises…’’ Nous sommes dix ans avant 68, mais c’est comme si c’était un siècle avant. Je voulais saisir cette fille dans ce monde-là, et faire sentir le décalage avec aujourd’hui, tout le temps. Cela posait un gros problème d’écriture.»

En effet. Annie Ernaux sait depuis bientôt trente ans qu’elle devait consacrer un livre à «la fille de 58», comme elle devait consigner son avortement dans «L’Evénement». Sauf que rien n’était simple. Dans «les Années», on se souvient bien d’une allusion furtive aux insultes du lavabo. Et en 2003 elle avait tenté une première version «qui ressemble à un lâcher de souvenirs, à un déballage, à une psychanalyse».

Mais l’auteur de «la Vie extérieure» n’a jamais confondu son œuvre avec un divan freudien. Elle sait, surtout, que «le souvenir n’est pas la vérité». Ce qu’elle voulait, ce n’était pas se souvenir, c’est «être la fille de 58», qu’elle a depuis longtemps complètement cessé d’être. «Rejoindre la fille que j’étais, ça veut dire que je voulais savoir ce qu’elle ressentait: les pensées se sont enfuies, mais il y a des sensations qui restent là, des paroles, toute une écume qui permet de la retrouver en faisant abstraction de ce qui s’est passé après.»

VIDEO. Annie Ernaux : où sont passées nos espérances?

Le grand privilège de la mémoire blessée

C’est ici que son récit, pour reconstruire ce «présent antérieur», se double d’une enquête fascinante. Parce que sa mère avait brûlé, en 1963, le journal intime dans lequel elle évoquait «les années clé», Annie Ernaux a examiné à la loupe ses rares photos de l’époque, et noté: «Plus je fixe la fille de la photo, plus il me semble que c’est elle qui me regarde.» Elle a remis la main sur les lettres qu’elle écrivait alors à deux amies, mais sans être dupe de la façon dont on se met en scène quand on écrit à des amies. Elle a retrouvé ce qu’elle lisait, chantonnait, pensait de la Guerre d’Algérie (elle était pour le maintien de l’ordre).

Elle a même minutieusement traqué, sur Internet, les jeunes gens qui l’avaient humiliée des dizaines d’années plus tôt. Sans exclure «le désir complètement pervers d’être leur jugement dernier», elle a été tentée de les appeler pour leur demander: «Est-ce que vous vous rappelez, Annie Duchesne? Elle était grande, elle avait des lunettes, de cheveux bruns, longs. Elle a été monitrice, pas très longtemps. Elle avait remplacé la secrétaire médicale…»

Elle s’est finalement retenue de «tester leur oubli». Comme si elle n’en avait pas besoin «pour éprouver ce pouvoir: eux ne se souviennent pas, mais moi oui. C’est le grand privilège de la mémoire blessée, peut-être.» Elle n’a donc pas écrit ce livre pour «lancer des appels de phares ou des signaux de morse à l’intention de certaines personnes», comme dit Patrick Modiano. D’ailleurs, son éditeur lui a fait retirer quelques détails permettant d’identifier H. C’est la première fois que ça lui arrive. Ça lui coûte «un peu».

Hollande, ce fossoyeur de la gauche

Parfois, elle s’interrompt pour indiquer des mésanges qui sifflotent sous la fenêtre – et que l’un de ses chats observe avec une passion suspecte pour l’ornithologie. Puis elle reprend : «‘‘Mémoire de fille’’, c’est une honte de fille, mais au départ il n’y a pas la honte. La honte vient l’année d’après, de l’extérieur, et paradoxalement de ma lecture de Simone de Beauvoir: elle démontre par A plus B que je me suis comportée en objet.» C’est une impression dont il reste toujours quelque chose.

Annie Ernaux, qui considère désormais François Hollande comme «le fossoyeur de la gauche», exclut de voter à nouveau pour lui un jour parce qu’elle a trop à lui reprocher, dans «une société plus inégalitaire, et surtout qui ne cherche plus à être égalitaire»: la «loi travail», ses propos sur les «sans-dents», l’attitude de la France à l’égard des réfugiés, la façon dont il a martelé le mot «guerre» à Versailles («alors que ce que disait Villepin était beaucoup plus sensé»).

Mais ce qui l’a aussi profondément «choquée, peut-être pour des raisons plus intimes, c’est quand il a répudié Valérie Trierweiler. Là j’ai vu que la France était vraiment un pays sexiste. J’ai été une des seules à prendre sa défense, dans un entretien à ‘‘Elle’’. Quand elle a souhaité reprendre ce que j’avais dit pour la quatrième de couverture de l’édition de poche de son livre, j’ai accepté. Je l’assume complètement.»

Etre une femme libérée n’est toujours pas si facile.

Grégoire Leménager

Mémoire de fille, par Annie Ernaux,

Gallimard, 160 p., 15 euros

(à paraître le 1er avril).

“Je voulais venger ma race” : grand entretien avec Annie Ernaux

Annie Ernaux, bio express

Annie Ernaux est née Duchesne, en 1940, à Lillebonne (Seine-Maritime). Prix Renaudot avec «la Place» (1984), elle a notamment écrit «Une femme» (1988), «Passion simple» (1992), «la Honte» (1997) et «les Années» (2008). Une grande partie de son oeuvre a été rassemblée, en 2011, dans un volume de la collection «Quarto».

Quand Annie Ernaux fait de la littérature de supermarché

Paru dans « L’Obs » du 24 mars 2016.

Les 1ères pages des « Années » d’Annie Ernaux

Maltraitance animale : Le Foll ordonne des inspections dans tous les abattoirs d’ici un mois

Stéphane Le Foll a ordonné mardi aux préfets de procéder d’ici un mois à des «inspections spécifiques sur la protection animale dans l’ensemble des abattoirs» du pays, après la diffusion de nouvelles images de maltraitance animale dans un abattoir de Mauléon-Licharre, dans les Pyrénées-Atlantiques. En cas de défaut avéré constaté à l’occasion de ces inspections», le ministre de l’Agricuture demande «la suspension sans délai de l’agrément de ces établissements», précise son communiqué. Mardi, cinq mois après une vidéo montrant à l’abattoir d’Alès, un mois après les actes de cruauté d’un autre établissement du Gard, à Vigan, l’association L214 a diffusé deux nouvelles vidéos de cruauté envers des animaux, cette fois à l’abattoir intercommunal de Soule, à Mauléon-Licharre, donc, une entreprise pourtant certifiée bio et label rouge.

Animaux mal étourdis ou brutalisés, moutons saignés alors qu’ils présentent encore des signes de conscience, voire agneau de lait écartelé encore vivant, les deux images sont particulièrement choquantes, y compris pour le directeur du site, Gérard Clémente qui, interrogé par l’Agence France Presse, semble découvrir ces pratique. «Je suis dégouté, c’est inadmissible», a-t-il déclaré se disant à la fois atterré et en colère, lui qui a reconnu dans les vidéos ses installations ainsi que deux employés, qu’il entend mettre à pied pour des actes «innommables». «J’ai la vétérinaire en pleurs».

Selon Sébastien Arsac, porte-parole de L214, les images ont été tournées «sur une semaine» en caméra cachée, «environ deux semaines avant Pâques», période d’activité intensive dans les abattoirs. Selon Le Monde, à l’origine de l’information, mardi, l’association doit déposer plainte dans l’après-midi auprès du procureur de la République de Pau pour maltraitances, sévices graves et actes de cruauté.

Le maire de Mauléon-Licharre, Michel Etchebest, a annoncé dans un communiqué prononcer «la fermeture de l’abattoir pour une durée indéterminée, à titre conservatoire» afin qu’une enquête puisse faire la lumière sur ces pratiques. Le ministre de l’Agriculture avait exigé dans son communiqué «la suspension immédiate de l’activité de l’abattoir».

LIBERATION

Avion d’Egyptair détourné à Chypre : le pirate de l’air arrêté

À chaud

Les passagers de l’avion détourné sur l’aéroport de Larnaca ont pu sortir sains et saufs.

Un avion de ligne de la compagnie Egypt Air transportant 81 passagers (dont 21 étrangers) a été détourné mardi par un inconnu, et a atterri à Larnaca, à Chypre. Un «Airbus A-320 transportant 81 passagers entre Alexandrie et le Caire a été détourné, son pilote a affirmé qu’un passager assurait détenir une ceinture d’explosifs et l’a obligé à atterrir à Larnaca», a annoncé dans la matinée le ministère égyptien de l’Aviation civile, dans un communiqué. 

Le pirate de l’air a contacté la tour de contrôle de l’aéroport de Larnaca à 8h30 (7h30 à Paris) et l’avion a été autorisé à atterrir à 8h50, a précisé la police chypriote. L’appareil a été isolé sur le tarmac du principal aéroport de Chypre. Un peu plus tard, le preneur d’otage a autorisé plusieurs passagers à descendre de l’avion. Il retenait toujours à bord à la mi-journée trois membres de l’équipage, un officier de sécurité et trois passagers. La prise d’otage s’est achevée peu avant 14 heures avec l’arrestation du preneur d’otage. tous les passagers ont pu sortir sains et saufs.

Le pirate de l’air, qui selon des médias grecs serait un professeur d’université en plein chagrin d’amour, a demandé l’asile à Chypre et réclamé de voir son ex-femme chypriote. Ce détournement n’est «pas lié au terrorisme», selon le président chypriote.

Suivez l’évolution de la situation en direct (si le live ne s’ouvre pas dans votre application cliquez ici)

15:02Le pirate de l’air est «psychologiquement instable» selon les autorités

EgyptAir.

On l’évoquait plus tôt en quelques mots : le pirate de l’air ayant détourné un avion d’EgyptAir à Chypre a agi individuellement et est «psychologiquement instable», a indiqué le ministère des Affaires étrangères chypriote.«Ce n’est pas du terrorisme. Il s’agit de l’action individuelle d’une personne psychologiquement instable», a déclaré Alexandros Zenon, un haut responsable du ministère.

14:38

EgyptAir.

Le pirate de l’air est un «déséquilibré», annonce le ministère chypriote des Affaires étrangères.

14:34

Message de service.

J’attends que tous les amoureux se désolidarisent du preneur d’otages pour montrer qu’ils sont contre l’amour radical #EgyptAir#islamodebat

29.03.16Karim marxx. @karim_marxx Suivre

14:20

«Sains et saufs».

Les passagers et l’équipage de l’avion qui a été détourné vers Chypre sont tous sains et saufs, annoncent les autorités égyptiennes peu après que l’homme à l’origine de ce détournement a été arrêté.

13:55

Egyptair.

Le pirate de l’air qui avait détourné un avion sur Chypre a été arrêté, annonce le gouvernement chypriote.

13:39

Relâche.

Au moins quatre nouvelles personnes ont quitté l’avion Egypt Air détourné lundi. Il ne devrait donc rester que trois otages dans l’appareil. Trois personnes sont descendues par la passerelle tandis qu’une quatrième a été vue sortir par un hublot du cockpit de l’Airbus stationnant sur le tarmac de l’aéroport.

12:51«Il y a toujours une femme derrière une affaire comme ça», lance le président chypriote

Vu à la télé.

«Au moins 49 passagers ont été libérés. Nous faisons notre maximum pour libérer en toute sécurité les passagers», a déclaré lors d’une conférence de presse le président chypriote Nicos Anastasiades, qui n’a pu s’empêcher une boutade un brin beauf : «Cette affaire n’est pas liée au terrorisme. Vous voyez ce que je veux dire ? Il y a toujours une femme derrière une affaire comme ça…»

11:56

«Chagrin d’amour».

Le preneur d’otages de l’avion d’EgyptAir serait un professeur d’université en plein «chagrin d’amour, selon des médias grecs. Du côté des autorités, c’est la confusion, plusieurs noms et nationalités ayant été attribuées au preneur d’otages.

Côté aviation civile égyptienne, on dit « ne pas être en mesure de dire s’il est Libyen ou Egyptien ni de confirmer son nom » #Egyptair (3/3)

29.03.16Jenna Le Bras. @JennaLBs Suivre

11:48

Otages.

Le pirate de l’air qui a détourné hier vers Chypre un avion d’EgyptAir retient toujours à bord à la mi-journée trois membres de l’équipage, un officier de sécurité et trois passagers, a annoncé le ministre égyptien de l’Aviation civile Cherif Fathy.

11:04EgyptAir : le «terroriste» n’en était pas un

Idiot.

Selon la chaîne de télévision saoudienne Al-Arabia, le preneur d’otages serait de nationalité égyptienne. Le ministre des Affaires étrangères chypriote a précisé à son sujet qu’il ne s’agissait pas d’un «terroriste», mais d’un «idiot». Quelques minutes plus tôt, le président chypriote Nicos Anastasiades avait affirmé que le détournement de l’avion n’étaient «dans tous les cas pas lié au terrorisme», alors que les motivations du pirate de l’air, qui a demandé à voir son ex-épouse chypriote, ne sont toujours pas claires.

10:44Le pirate de l’air qui a détourné l’avion d’EgyptAir veut voir son ex-femme chypriote

Amoureux.

Le pirate de l’air qui a détourné l’avion de la compagnie EgyptAir vers l’aéroport de Larnaca, à Chypre, a demandé à voir son ancienne épouse chypriote. La femme habite dans le village d’Oroklini, proche de l’aéroport, selon une source du gouvernement. Quelques minutes plus tôt, l’homme avait demandé l’asile à Chypre.

Cinq autres personnes ont par ailleurs été libérées de l’Airbus.

10:14Les passagers d’Egypt Air libérés à Chypre quittent l’avion

Vu à la télé.

L’individu qui a détourné mardi le vol d’Egypt Air sur Larnaca à Chypre aurait libéré tous les occupants de l’appareil à l’exception de quatre passagers étrangers et les membres de l’équipage, comme en témoignent ces images diffusées sur Euronews. L’aéroport a été fermé et tous les vols déroutés vers celui de Paphos, plus à l’ouest. L’Airbus d’EgyptAir est isolé sur le tarmac.

09:24

Avion détourné.

Dans un tweet, la compagnie EgyptAir indique que «tous les passagers» ont été libérés, «sauf l’équipage de cabine et cinq étrangers» (des non-Egyptiens, donc).

(Mise à jour : un nouveau tweet en anglais, supprimé depuis, a fait état de quatre passagers étrangers, en plus de l’équipage, restant dans l’avion.)

09:10Un passager a menacé de faire exploser une ceinture d’explosifs

Avion détourné.

Un passager de l’avion d’Egypt Air détourné mardi sur l’aéroport de Larnaca à Chypre a menacé de faire détonner une ceinture d’explosifs, selon le ministère égyptien de l’Aviation civile. «L’Airbus A-320 transportant 81 passagers entre Alexandrie et le Caire a été détourné, son pilote a affirmé qu’un passager assurait avoir une ceinture d’explosifs et l’a obligé à atterrir à Larnaca», indique le communiqué du ministère.

09:02

Avion détourné.

Selon les autorités chypriotes citées par l’Associated Press, les pirates de l’air de l’avion égyptien détourné vers Chypre ont autorisé les femmes et les enfants à descendre – certain-e-s seraient en train de le faire.

Notez par ailleurs que selon la compagnie EgyptAir sur son compte Twitter, il y aurait 81 passagers, et non 63 (qui était le nombre donné par des responsables de l’aéroport).

08:50

Avion détourné.

La compagnie EgyptAir annonce qu’elle va très prochainement communiquer sur le détournement d’un de ses avions, que le ou les pirates ont fait atterrir à Chypre.

Our flight MS181 is officially hijacked. we’ll publish an official statement now. #Egyptair

29.03.16EGYPTAIR. @EGYPTAIR Suivre

08:32Un avion égyptien détourné atterrit à Chypre

Dernière minute.

Un Boeing 737-800 de la compagnie égyptienne EgyptAir a atterri il y a quelques instants à l’aéroport de Larnaka, à Chypre, après avoir été détourné par des inconnus, annoncent les autorités chypriotes, citées par l’agence américaine AP. L’avion faisait la liaison entre Alexandrie et Le Caire, indiquent pour leur part les autorités égyptiennes.

Les pirates n’ont pas fait de demandes dans l’immédiat et une cellule de crise a été déployée à l’aéroport.

BREAKING: Cyprus official says hijacked Egypt plane has landed at Larnaka airport, bomb suspected on board

29.03.16The Associated Press. @AP Suivre

EN IMAGES. Dessine-moi un cauchemar

L’exposition « Intrigantes Incertitudes » au Musée d’art moderne et contemporain (MAMC) de Saint-Étienne, explore l’étrange, l’angoissant et l’onirique à travers les dessins de 42 artistes.Ici, « Walking with them », de Jim Dine, 2011.Technique mixte sur papier, 96 x 76,5 cm.Né en 1935 aux Etats-Unis, Jim Dine est l’un des derniers artistes du Pop Art encore vivant. Le cœur est son motif favori, au point d’être devenu sa « marque de fabrique », mais le personnage de Pinocchio apparaît dans nombre de ses œuvres.

(Jim Dine / Courtesy Galerie Daniel Templon, Paris et Bruxelles)

Jim Harrison, l’écrivain qui parlait aux ours est mort

Jim Harrison : Les Françaises ont les plus belles fesses du monde

Le Nouvel Observateur.Quels livres vous ont influencé le plus, et à quel moment de votre vie?

Jim Harrison. C’est quand nous sommes jeunes et vulnérables que nous sommes le plus influençables. A l’époque, je lisais Dostoïevski, ainsi que les poètes symbolistes français, et je ne m’en suis toujours pas remis. Apollinaire aussi: je vais souvent visiter sa statue près de l’église Saint- Germain-des-Prés.

A part le vin et le fromage, quelle est pour vous la spécialité des Français?

J. Harrison. J’adore la cuisine française, et aussi celle de l’Italie du Nord. Depuis mes 14 ans, je m’intéresse à la littérature française. Les Françaises peuvent aussi se targuer d’avoir les plus beaux culs.

Quel est le meilleur vin que vous ayez jamais bu?

J. Harrison. Pour moi, le meilleur est le romanée-conti 1953, à égalité avec le petrus 1985. Malheureusement, ces vins sont le luxe des plus fortunés. Aujourd’hui, je préfère le Domaine Tempier Bandol.

I comme Ivrogne : petit abécédaire littéraire du vin

Jim Harrison (Sipa)
Jim Harrison en 1996 (©Baltel/Sipa)

Quels sont vos paysages favoris ?

J. Harrison. Les denses forêts de la péninsule nord du Michigan, qui ont tendance à déprimer la plupart des gens. J’aime aussi les montagnes du Montana, où les neiges qui fondent se transforment en rivières, rivières qui donnent naissance aux truites, mon obsession…

Comment expliquez-vous que vous soyez si populaire en France?

J. Harrison. Je ne sais pas… Pourquoi un pays choisit-il d’adopter un écrivain étranger? Peut-être est-ce parce que je parle de territoires sauvages et que les Français n’ont pas besoin d’entendre parler de New York, vu qu’ils ont déjà Paris (ville tellement plus intéressante que New York).

Parlez-vous aux chiens, aux chevaux, à d’autres animaux?

J. Harrison. Oui, je parle aux chiens, mais aussi aux ours, et ce depuis mon enfance. Pas plus tard qu’hier soir, à 3 heures du matin, j’ai eu envie d’écrire à ma chienne Zilpha pour lui expliquer pourquoi je n’étais pas là pour sa promenade matinale. Normalement, elle me répond d’un sourire, comme une belle femme qui ne peut pas parler parce qu’elle vient d’un pays qui n’a pas encore été inventé!

Préféreriez-vous manger en compagnie d’Homère, de Heidegger ou du grand cuisinier espagnol Ferran Adrià?

J. Harrison. Plutôt avec Catulle ou Virgile ! Mais en aucun cas avec Adrià. En effet, si je veux manger de la mousse, je préfère aller en Angleterre et boire quelques gouttes d’océan…

Avez-vous beaucoup de livres en projet?

J. Harrison. Ne plus écrire, c’est inconcevable pour moi. L’écriture représente une grande partie de ma vie. C’est ce que je suis, ma colonne vertébrale. Je suis un pasteur, un rabbin du langage. Oui, je souhaite écrire encore beaucoup de livres. En ce moment je travaille sur des essais portant sur des écrivains qui comptent énormément pour moi. Ce ne sont pas forcément les meilleurs, mais ce sont ceux qui m’ont le plus aidé. Je vais souvent visiter les lieux où ils ont vécu. L’année dernière, je me suis rendu à Isle-sur-la-Sorgue, où j’ai vu la tombe et le café de René Char, que je vénère et que j’ai étudié lorsque j’avais 19 ans.

Etes-vous un bon cavalier ?

J. Harrison. Avant, j’étais un cavalier plutôt médiocre, mais je me suis blessé le dos lors d’une chute de cheval, et depuis je ne peux plus monter. Mais j’aime observer les chevaux et leur parler.

Etes-vous jamais tombé amoureux de l’un de vos personnages?

J. Harrison. Oui, j’admets être tombé amoureux de Dalva, qui m’est apparue pour la première fois dans un rêve, nue. C’était extrêmement excitant, c’est le moins qu’on puisse dire. Il faut faire attention à l’amour; dans mon dernier roman, «Une odyssée américaine», mon vieux Cliff tombe amoureux de l’une de ses anciennes étudiantes et sa vie tourne au cauchemar: il doit acheter des médicaments pour son pauvre pénis! Cela est arrivé à bon nombre d’entre nous lorsque nous essayons, terrifiés, de satisfaire le désir des femmes.

Vous préoccupez-vous de votre santé?

J. Harrison. Bien sûr que oui ! Dès le matin, je commence la journée avec 9 cigarettes et 9 cafés ! Ma santé n’est pas très bonne. J’ai du diabète, de l’hypertension, des problèmes cardiaques, des calculs rénaux, et un état de mélancolie permanente!

Jim Harrison (Andersen-Sipa)JIM HARRISON (1936-2016), ici en 1998. (©Andersen / Sipa)

Allez-vous souvent au cinéma?

J Harrison. Je suis obsédé par les films depuis que je suis jeune ! J’ai grandi dans un petit village où la place de cinéma ne coûtait que 12 pennies (12 centimes de dollar !). Je n’ai pas de télé chez moi, mais j’ai un projecteur et je termine souvent une longue journée en regardant un film.

Croyez-vous au surnaturel?

J Harrison. Naturellement j’y crois. J’ai reçu des instructions spéciales directement envoyées par les dieux. J’ai publié un livre aux Etats-Unis intitulé «A la recherche des petits dieux». Un seul Dieu ne peut, à lui seul, créer 19 milliards de galaxies. D’ailleurs, s’il existe 19 milliards de galaxies, pourquoi moi, je n’aurais pas une âme? Aussi infiniment petite soit-elle. Peut-être aussi petite qu’un photon, ou encore mieux, que l’un de mes neurones? Ne pas croire en la résurrection a toujours été inconcevable pour moi. Mais je constate de plus en plus les dangers du monothéisme en ce bas monde.

Vieillir, est-ce un problème pour vous?

J Harrison. Pas du tout. Comment peut-il en être autrement? De toute façon, les plus belles femmes du monde peuvent être séduites avec une montre chinoise bon marché!

Propos recueillis par Didier Jacob,

traduction Dana Burlac

Une Odyssée américaine, par Jim Harrison,

traduit de l’anglais par Brice Matthieussent,

Flammarion, 320 p., 21 euros.

Du même auteur, «Retour en terre», 10-18, 330 p., 8 euros.

« Dieu a trop à faire en Syrie pour surveiller notre vie sexuelle » : grand entretien avec Jim Harrison

Jim Harrison (Sipa)
Jim Harrison en 2004 (©Baltel/Sipa)

Ce que raconte Jim Harrison dans « Une Odyssée américaine »

Ancien prof de lettres, Cliff vient d’être largué par sa femme après trente-huit ans de mariage. L’occasion d’un amour sabbatique? Il noie son chagrin avec Marybelle, une étudiante qui a perdu depuis longtemps sa timidité. Mais Cliff se console surtout dans les bras de l’Amérique, qu’il traverse de part en part de manière hélas non écologique (il roule dans un gros 4 X4 Tahoe).

C’est l’occasion d’un nouveau roman d’aventures en Technicolor, où l’hommage aux grands écrivains le dispute à l’évocation des horizons immenses, et où Harrison démontre une nouvelle fois que nul ne parle mieux que lui de cette vie qu’il aime tant, quand il raconte par exemple une partie de pêche à la mouche et décrit ce geste d’une infinie douceur – celui de rendre à la rivière fabuleuse, comme on couche un enfant qui s’endort, la truite de trois livres, à peine prise, qui s’éloigne tranquillement.

Source: « le Nouvel Observateur » du 26 mars 2009.

Le génie est-il dans la bouteille ? Enquête sur les écrivains et l’alcool

Les 1ères pages d' »Une odyssée américaine » de Jim Harrison

Pakistan: au moins 72 morts dans un attentat-suicide à Lahore

Au moins 72 personnes sont mortes dans un attentat-suicide dimanche soir près d’un parc bondé de Lahore, grande ville de l’est du Pakistan, où des chrétiens célébraient les fêtes de Pâques. 

L’attentat a été revendiqué par les talibans pakistanais, qui ont déclaré avoir visé spécifiquement la communauté chrétienne. Mais selon l’inspecteur de police adjoint Haider Ashraf, la majorité des victimes sont musulmanes.

Le bilan s’établissait tôt lundi matin à 72 morts, a-t-il dit à l’AFP. Selon un responsable des services de secours, 29 enfants ont été tués, ainsi que 7 femmes et 36 hommes.

Le puissant chef d’état-major, le général Raheel Sharif, a indiqué avoir présidé une réunion de haut niveau afin de coordonner la réponse à cet «attentat-suicide» et «d’amener devant la justice les assassins de nos frères, soeurs et enfants». 

«Nous avons perpétré l’attentat de Lahore car les chrétiens sont notre cible», a déclaré à l’AFP par téléphone Ehsanullah Ehsan, le porte-parole du Jamaat-ul-Ahrar, une faction des talibans. 

«Nous commettrons d’autres attentats de ce type à l’avenir», a-t-il ajouté. «Les infrastructures de l’armée et du gouvernement pakistanais, les écoles et les universités figurent aussi parmi nos cibles», a-t-il dit. Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier commis cette année au Pakistan. 

«Explosifs très puissants»

La déflagration s’est produite dans un parking près du parc Gulshan-e-Iqbal, proche du centre-ville. «C’était une explosion très forte et des explosifs très puissants ont été utilisés», a indiqué à l’AFP un responsable de police, Haider Ashraf. 

«Le parc était bondé», a-t-il ajouté, soulignant que des billes métalliques ont été retrouvées sur place.

Un médecin a décrit des scènes d’horreur à l’hôpital Jinnah où il opère. «Nous les soignons (les blessés) par terre et dans les couloirs, et il continue d’en arriver», a-t-il ajouté.

Le Premier ministre Nawaz Sharif a condamné cet attentat, et a reçu un appel de son homologue indien Narendra Modi exprimant sa sympathie. La Maison Blanche a également condamné un «effroyable acte terroriste».

La jeune lauréate pakistanaise du prix Nobel de la paix Malala Yousafzaï s’est dite «accablée par cette tuerie dénuée de sens». Un deuil de trois jours a été décrété dans la province du Pundjab, dont Lahore est la capitale.

«Des cris et de la pousièe partout»

Le parc Gulshan-e-Iqbal était particulièrement bondé en ce jour de printemps où la minorité chrétienne célébrait le dimanche de Pâques à Lahore, ville de dix millions d’habitants. 

Javed Ali, un habitant de Lahore dont la maison est située juste en face de l’entrée du parc, a raconté à l’AFP avoir entendu «une énorme explosion (qui) a fait voler les fenêtres en éclats». «Tout tremblait, il y avait des cris et de la poussière partout».

«Dix minutes plus tard je suis sorti. Il y avait de la chair humaine sur les murs de notre maison. Les gens pleuraient, je pouvais entendre les ambulances», a-t-il poursuivi.

Le parc, où il se trouvait lui-même quelques heures plus tôt, était «plein de monde à cause de Pâques, il y avait beaucoup de chrétiens là-bas. Il y avait tant de monde que j’ai dit à ma famille de ne pas y aller».

Au Pakistan, des groupes islamistes armés ciblent parfois la minorité chrétienne qui représente environ 2% de la population de ce pays majoritairement musulman sunnite de 200 millions d’habitants.

Au cours des dernières années, des églises ont été la cible d’attaques à Lahore, fief du Premier ministre Nawaz Sharif dans la province du Pendjab.

Quelques chrétiens ont aussi été accusés d’avoir offensé l’islam, un crime passible de la peine de mort au Pakistan, selon une loi controversée sur le blasphème.

Des heurts ont par ailleurs éclaté dans la capitale Islamabad et sa ville jumelle de Rawalpindi entre la police et des milliers de partisans d’un islamiste pendu le mois dernier, Mumtaz Qadri.

Quelque 25000 d’entre eux s’étaient réunis plus tôt dans la journée à Rawalpindi pour des prières commémoratives, avant d’avancer, armés de pierres, vers la capitale quadrillée de centaines de policiers et de paramilitaires.

Munis de boucliers et de bâtons, les policiers ont tiré des gaz lacrymogènes. L’armée a été déployée dans la capitale pour «contrôler» la situation et assurer la sécurité de la zone autour du Parlement, où des manifestants se sont rassemblés dans la soirée, selon un porte-parole de l’armée. 

Ils s’y trouvaient toujours tard dimanche, criant des slogans, a constaté un journaliste de l’AFP. Des négociations étaient en cours pour qu’ils quittent les lieux, a indiqué la police.

L’exécution le 29 février de Mumtaz Qadri avait été perçue comme un moment charnière dans la lutte contre l’extrémisme religieux dans ce pays musulman.

Mais elle a aussi ulcéré nombre de courants islamiques qui avaient érigé Mumtaz Qadri au rang de héros pour avoir abattu en 2011 Salman Taseer, gouverneur du Pendjab, qui s’était déclaré favorable à une révision de la loi sur le blasphème, défendue bec et ongles par les conservateurs.

AFP

Pays-Bas: interpellation d’un Français suspecté de préparer un attentat

La police néerlandaise a arrêté dimanche à Rotterdam un Français de 32 ans suspecté d’avoir été impliqué dans la préparation d’un attentat, a indiqué le parquet, soulignant que l’opération avait été menée à la demande de Paris.

Cet homme est soupçonné d’avoir été mandaté par l’organisation jihadiste Etat islamique (EI) pour commettre un attentat en France avec Reda Kriket, interpellé jeudi en banlieue parisienne, a indiqué une source policière française.

Selon cette source, le suspect arrêté à Rotterdam était parti en Syrie pour le jihad, à une date indéterminée.

Un mandat de recherche avait été émis par la France à l’encontre de ce natif de la région parisienne le 24 décembre 2015 pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, selon la même source.

«Les autorités françaises ont demandé vendredi l’arrestation de ce Français» qui est suspecté «de préparation d’un attentat terroriste», avait indiqué le parquet néerlandais plus tôt dans un communiqué.

L’homme sera livré à la France «sous peu», a ajouté le parquet, sans préciser si ce suspect était concerné par les attentats de Paris ou non.

Cela peut prendre «plusieurs jours», a précisé à l’AFP le porte-parole du parquet, Wim de Bruin, refusant de fournir des détails sur le suspect: «il s’agit d’une enquête française», a-t-il ajouté.

Trois autres suspects ont été interpellés, dont deux hommes de 43 et 47 ans d’origine algérienne, ajoute le parquet. Aucun détail n’est encore connu sur la troisième personne interpellée. Le Français séjournait chez l’un d’entre eux, assurent les médias néerlandais. 

Des perquisitions ont eu lieu dans le quartier de Rotterdam-Ouest, dans deux rues distinctes. Selon des images diffusées par la télévision publique NOS, la police a d’abord envoyé un chien dans les logements où se sont déroulées les perquisitions, à la recherche d’explosifs.

Plusieurs maisons aux alentours ont été évacuées «par précaution», souligne le parquet. 

Reda Kriket, 34 ans, avait été interpellé jeudi à Boulogne-Billancourt, ville de l’ouest parisien, pour un projet d’attentat en France «à un stade avancé», selon le ministre français de l’Intérieur Bernard Cazeneuve.

Des fusils d’assaut et des explosifs avaient été retrouvés dans son appartement, situé dans une autre commune de la région parisienne.

Reda Kriket avait été condamné en son absence à Bruxelles en juillet 2015 avec Abdelhamid Abaaoud lors d’un procès d’une filière jihadiste vers la Syrie. Tué cinq jours après les attentats de Paris, Abaaoud est suspecté d’avoir eu un rôle-clé dans les attaques du 13 novembre.

Né à Courbevoie en région parisienne, Reda Kriket résidait à Ixelles, commune cosmopolite de Bruxelles, lorsqu’un mandat d’arrêt international a été émis contre lui en mars 2014. Il a également été condamné plusieurs fois en France pour des délits de droit commun, a indiqué une source proche de l’enquête, sans donner de détails.

AFP

Shlomo Sand : “Il y a une décadence de la pensée française”

L’autre jour, à l’occasion d’une visite médicale, on a découvert une anomalie cardiaque à Shlomo Sand, 69 ans. Inquiet, il demande au médecin s’il risque d’en mourir. «A priori non. En tout cas, moins que d’une attaque nucléaire iranienne», promet ce dernier. L’Iran ayant récemment mis un peu d’eau dans son vin concernant ses menaces de vitrifier Tel-Aviv, nous voilà rassurés.

Mais on retiendra de cette anecdote racontée par un Shlomo Sand mi-figue mi-raisin que son destin personnel est lié, qu’il le veuille ou non, à celui d’Israël. Drôle de paradoxe pour un homme qui doit sa renommée internationale à sa critique virulente de l’Etat hébreu, du sionisme et de leurs mythes fondateurs. Une veine dont il s’écarte dans son dernier livre «la Fin de l’intellectuel français?» (La Découverte), qui vient de paraître, et dans lequel il règle leur compte aux «intellectuels médiatiques».

« Il y a une décadence de la pensée française. Qui, aujourd’hui, traduit Finkielkraut ou BHL comme hier Sartre et Foucault? L’hégémonie des clercs conservateurs est une trahison de la tradition de critique du pouvoir par les intellectuels», explique cet historien spécialiste des idées politiques françaises qu’il enseigne à l’universit&eacute

« Des femmes », ces irréductibles qui luttent contre la dictature du phallus

Ce 18 mars, au Salon du livre de Paris, des portraits de femmes grandeur nature trônent sur le stand des éditions Des femmes. On reconnaît Clarice Lispector, Hélène Cixous, Ana Maria Machado, Assia Djebar ou encore Patricia Rodriguez, psychiatre mexicaine venue dédicacer son dernier livre, «À la recherche de l’utérus perdu».

Entourées de plusieurs bénévoles, «militantes de longue date», nous dit-on, les deux codirectrices de la maison, Michèle Idels et Christine Villeneuve, interviennent tour à tour pour retracer l’histoire de cette institution du féminisme français. L’ambiance effervescente a le charme old school des manifs d’antan. Il y a deux ans, la fondatrice, Antoinette Fouque, est morte. Son absence ne se sent pas. Son nom surgit dans toutes les phrases. Son esprit plane au-dessus du stand, peut-être parce que son nom est placardé partout. On comprend vite qu’elle est une sorte de divinité païenne, un totem anti-phallique. La maison d’édition qu’elle a dirigée pendant quarante ans a pris son nom, et s’appelle désormais «Des femmes – Antoinette Fouque». Les codirectrices perpétuent la tradition militante et innovante d’une maison d’édition où les femmes parlent de leur condition.

Cofondatrice du Mouvement de Libération des Femmes (MLF), Antoinette Fouque a créé les éditions Des femmes en 1973, pour promouvoir une «écriture qui ne serait pas phallocentrée», comme elle le dira dans un entretien de 1990. La maison prend racine dans la «démarche de lutte» chère au MLF. Dans son «Acte de naissances», en 1974, Fouque écrivait: «Aujourd’hui, nous sommes devenues poètes et nous écrivons nous-mêmes notre condition.»

Antoinette Fouque à l'imprimerie

Antoinette Fouque et les militantes, en1974. / ©Des femmes

Nous étions sexistes. Nous voilà bien accordé.e.s

Du MLF aux FEMEN

Depuis la fondation du MLF, en 1968 ou 1970 (la datation du mouvement est l’objet d’une polémique âpre chez les féministes), la situation des femmes s’est améliorée, sans changer tout à fait. Dans le monde de la culture, les discours sont plus paritaires que la réalité: selon des chiffres de 2013, 88% des centres dramatiques nationaux sont dirigés par des hommes, et seuls 3% des concerts et des spectacles sont dirigés par des femmes.

Le féminisme lui aussi a changé. Peu avant de mourir, Antoinette Fouque a adressé un soutien remarqué aux FEMEN. Dans la préface du «Dictionnaire des créatrices», l’antique brûleuse de soutiens-gorge rendait un hommage vibrant aux militantes torse nu: «La poitrine nue des héros, ici, n’a rien d’impudique: aujourd’hui les FEMEN exposent leur dignité bafouée.» Des femmes et les FEMEN, même combat? «On dialogue avec elles, on soutient leurs actions, on les admire, on les accueille, dit Michèle Idels. Elles lèvent une chape de silence. Antoinette Fouque disait d’elles qu’elles étaient le front médiatique du MLF.»

Le problème avec le féminisme islamique

L’impérialisme du phallus

Des femmes est né d’un constat fait par Antoinette Fouque pendant Mai-68: il était alors difficile d’être publiée quand on était une femme. «Celles quiavaient une parole libre étaient refoulées des éditeurs traditionnels», dit Michèle Idels. La féministe Colette Aubry avait créé une collection consacrée aux femmes chez Denoël, et c’était tout. «Plutôt que de nous limiter à dénoncer l’industrie littéraire, nous traçons notre petite-bonne-femme de route», disait Antoinette Fouque.

« C’est important que des femmes écrivent, car les femmes ne se voient pas comme les hommes les voient», dit Michèle Idels, qui a vu naître la maison d’édition. En 1968, l’année de ses 18 ans, elle a rejoint le MLF, puis le collectif «Psychanalyse et Politique», animé par Antoinette Fouque, avant de participer à son aventure éditoriale. La maison compte aujourd’hui cinq salariées et une dizaine de bénévoles. Michèle Idels dit miser sur des textes qui lui semblent «nécessaires pour accroître la connaissance». La politique de la maison n’est pas «dictée par un but capitaliste», dit-elle. Financé au départ par la mécène et réalisatrice Sylvina Boissonnas, la maison vit grâce à une aide financière des militantes, pour qui Des femmes est bien plus qu’une maison d’édition.

La maison est logée rue Jacob, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, où on trouve aussi une librairie et un «Espace des femmes», qui sert de galerie d’art, de lieu de rendez-vous pour débats et lectures. Antoinette Fouque disait de cet endroit qu’il était «un lieu d’engendrement et de création incessante», à la fois «terre d’asile et d’hospitalité». Dans le monde de l’art, les femmes artistes ne représentent que 5% des acquisitions des musées et 1% des expositions. La galerie «Des femmes», elle, expose des femmes artistes depuis 1981.

La maison entend «mettre les femmes en lumière», dans tous les domaines de la création. En 2013, elle a publié le «Dictionnaire universel des créatrices», vieux projet qu’Antoinette Fouque évoquait déjà il y a quarante ans dans «le Torchon brûle», le journal du MLF.

L'annonce de la maison d'édition dans le "Torchon brûle", le journal du MLF.

L’annonce de la création de la maison d’édition dans « le Torchon brûle », le journal du MLF en 1973. / ©Des femmes

Le «Dictionnaire» a fait des émules. La même année, les éditions EpOke publient le catalogue des expertes à destination des journalistes. En 2015 se sont lancées les Journées du Matrimoine. Selon Christine Villeneuve, le «Dictionnaire», soutenu par l’Unesco, «va permettre à des générations d’accéder à des connaissances dont ils étaient privées», et souligne que les femmes sont peu présentes dans les programmes scolaires. Michèle Idels estime quant à elle que «la haute culture académique est complètement misogyne».

C’est ce qu’Antoinette Fouque nomme «l’impérialisme du phallus», un concept qu’elle a employé pour expliquer la misogynie d’un monde dicté par un «Universalisme monosexué à tous les niveaux, économique, sexuel, politique et symbolique» («Si c’est une femme», 1999). C’est d’ailleurs le thème du prochain livre qui sort en avril de la maison, tout simplement intitulé «l’Impérialisme du phallus». Roger Dadoun, Jean-Joseph Goux et Laurence Zordan reviennent sur ce concept matriciel de l’anti-patriarcat. Pour Michèle Idels, c’est «le plus long et le plus universel des impérialismes, et le moins attaqué sans doute».

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La solidarité comme ligne éditoriale

En 2013, Antoinette Fouque décrivait le sens de son travail, toujours munie de son solide lyrisme fouquien: «J’ai depuis longtemps la passion de cette épopée des survivantes, des migrantes, qui, malgré la guerre immémoriale qui leur est faite, malgré l’esclavage domestique et sexuel non abolis, continuent de mettre le monde au monde.» Publier des livres serait aider les femmes à mettre au monde leur texte. Un travail de sage-femme, une aide à la gestation. «Il y a toujours eu une articulation entre création et procréation», explique aujourd’hui Christine Villeneuve. Mais les hommes n’en sont pas pour autant exclus. Joseph Bougot ou Jacques Derrida ont été publiés, «soit parce qu’ils écrivaient sur les femmes, soit parce que leur démarche était innovante», poursuit-elle.

Publier est aussi un acte politique. Des femmes publie des femmes pour «leurs droits mais aussi pour la démocratie», dit-elle. La maison édite plusieurs auteures en danger dans leur pays. Au temps du soviétisme, des femmes russes menacées par le KGB pour leur «Almanach Femmes et Russie». En 1979, les fouquettes vont manifester à Téhéran aux côtés des Iraniennes auxquelles on impose le voile. En 1995, Antoinette Fouque rencontre Aung San Suu Kyi qu’elle a publiée et soutenue durant toute sa détention dans sa maison de Birmanie.

En 1994, Taslima Nasreen, médecin, journaliste et écrivain du Bangladesh, condamnée à mort pour son livre «Femmes, manifestez-vous!», publiée en France par les éditions Des femmes, écrit une lettre à Antoinette Fouque. Elle lui dit: «Je suis en grave danger. Les fondamentalistes peuvent me tuer à tout moment. S’il vous plaît, sauvez-moi.» Fouque mobilise aussitôt la communauté internationale. Quelques mois plus tard, Talisma Nasreen est extradée en Suède. Elle enseigne aujourd’hui à Harvard. «C’est les protéger que de leur permettre d’exister», dit Christine Villeneuve.

Le militantisme passe aussi par l’éducation. En 1974, les éditions ont publié un essai de la pédagogue féministe italienne Elena Gianini Belotti, «Du côté des petites filles», qui traite des stéréotypes de genre, avant l’essor des études de genre aux Etats-Unis. Face au succès du livre, qui reste aujourd’hui l’un des plus vendus de la maison, les éditrices créent en 1977 une collection éponyme d’ouvrages consacrés aux petites filles pour les aider à se construire sans la contrainte qu’impose leur sexe.

Au début des années 2000, les éditions Des femmes entrent dans un processus de traduction de femmes du monde entier, des féministes jamais traduites en France alors qu’elles connaissaient un succès retentissant dans leur pays. «Nous voulons publier les grandes femmes, réparer cette injustice», affirme Michèle Idels. Comme «le Féminisme irréductible» de Catherine MacKinnon, juriste qui défend les femmes violées, et fait passer la loi sur le harcèlement sexuel aux Etats-Unis.

Cette redécouverte des grandes femmes se traduit aussi par une collection classique. George Sand, Anaïs Nin, Madame de Lafayette, Madame de Staël, Virginia Woolf sont rééditées. Les éditrices estiment que le féminisme a parfois été expurgé de leurs œuvres. Par exemple, «Trois guinées», le texte le plus politique de Virginia Woolf, n’a jamais été traduit en français, et n’apparaît même pas dans La Pléiade. À un journaliste qui lui demande ce qu’elle ferait avec trois guinées pour éviter la guerre, l’Anglaise répond qu’elle les utiliserait pour l’éducation des filles. L’absence de ce texte interpelle les éditrices, qui publient une traduction en 1977. «Elle est châtrée de sa position politique de femme», dit Michèle Idels.

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Féministes mais pas que

Aux Etats-Unis, il existe un équivalent à la maison, «Feminist Press», créé en 1970 (qui ne publie toutefois pas de fiction). Antoinette Fouque, étonnamment, était réticente à se dire féministe. Elle se qualifiait de «féminologue». «Féministe c’est restrictif, c’est une idéologie», explique Michèle Idels. Raison pour laquelle la maison s’appelle Des femmes.

« On ne veut pas non plus coller une étiquette aux femmes qui sont publiées, dit Christine Villeneuve. Il y a des textes féministes, mais pas que.» Ce qui ne les empêche pas de chanter toutes deux en cœur: «Mais bien sûr que nous on se considère comme féministes.» D’ailleurs, les actions «Des femmes» lancées par l’hebdo «Des femmes en mouvement» de 1977 à 1982 avaient largement une visée féministe.

L'hebdo "Des femmes" le 8 mars 1982.

La une du magazine « Des femmes en mouvement » le 8 mars 1982./ ©Des femmes

« Antoinette Fouquepensait que le féminisme était une étape nécessaire, mais qu’au-delà du féminisme, il y avait des femmes», souligne Michèle Idels. C’est là que réside son désaccord célèbre avec Simone de Beauvoir, qui lui a valu une certaine marginalité dans le mouvement. Pour Beauvoir, les femmes sont «le Deuxième sexe», et l’idéal politique à atteindre est l’égalité. Pour Fouque, ce projet revient à faire de l’homme un modèle. Elle voit dans le féminin une essence autre, liée à la procréation – idée qui semble aujourd’hui désuète, et qui est même combattue par les féministes.

« Éditer les femmes, dit Michèle Idels, c’est leur permettre de sortir de la victimisation, sans nier l’existence du génocide féminin qui se perpètre actuellement, tout en affirmant que c’est la force des femmes et leur créativité qui est visée, et non pas un deuxième sexe faible. La démarche du MLF était d’affirmer que ce monde fait par des hommes ne nous convenait pas. L’idée n’était pas de devenir comme les hommes mais de fabriquer un autre monde, où les femmes existeraient.» Ce monde nouveau, disait Antoinette Fouque dans sa préface testamentaire au «Dictionnaire universel des créatrices», serait «une civilisation d’amour et de gratitude».

Virginie Cresci

Le site des éditions Des femmes est ici.

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La Belgique résiste à l’état d’urgence

Au soir des attentats les plus meurtriers qu’ait connu la Belgique, le 22 mars, nulle déclaration martiale déclarant la guerre à Daesh, nul coup de menton pour proclamer l’état d’urgence ou la « fermeture des frontières », comme l’a fait François Hollande le 13 novembre dernier, alors que Paris était encore ravagée par les tirs des terroristes. Le petit Royaume de 11 millions d’habitants a, au contraire, choisi la retenue, le refus de la stigmatisation : « Dans ce moment noir pour notre pays, je veux appeler chacun à faire preuve de calme, mais aussi de solidarité. Nous devons faire face à cette épreuve en étant unis, solidaires, rassemblés », a déclaré Charles Michel, le Premier ministre belge (libéral francophone), évoquant, avec émotion, « des vies fauchées par la barbarie la plus extrême ».« Face à la menace, nous continuerons à répondre ensemble avec fermeté, avec calme et dignité », a pour sa part déclaré le chef de l’Etat, le roi Philippe, dans une brève adresse au pays : « gardons confiance en nous-même. Cette confiance est notre force ».

Même les nationalistes flamands de la N-VA, actuellement au pouvoir avec les démocrates-chrétiens néerlandophones et les libéraux francophones, pourtant habitués aux sorties sécuritaires à l’emporte-pièce et aux propos peu amènes à l’égard de la communauté musulmane, ont évité tout dérapage. « En Belgique, nous n’avons pas la même culture politique qu’en France, un pays où l’on aime les déclarations définitives et fracassantes », analyse la députée socialiste francophone Ozlem Özem : « on est plus calme, on réagit plus à froid et c’est tant mieux ». L’hymne national belge, la Brabançonne, qui ne parle pas de « sang impur », ne se termine-t-il pas par ces mots : « le Roi, la loi, la liberté » ?

« Nous n’avons pas eu de dérive sécuritaire à la française », se réjouit Manuel Lambert, conseiller juridique de la Ligue des droits de l’homme : « Charles Michel, depuis le début de la vague d’attentats, a répété que la Belgique agirait dans le cadre de l’Etat de droit et qu’il n’était pas question d’adopter un Etat d’urgence à la française ». De fait, il n’existe aucune loi équivalente dans le droit belge, pas plus d’ailleurs que dans les autres législations européennes, l’Etat d’urgence étant un héritage de la guerre d’Algérie. « Alors que la France a notifié au Conseil de l’Europe, en novembre dernier, la suspension de plusieurs articles garantissant le respect des droits de l’homme, comme on peut le faire en cas de danger public menaçant la vie de la nation, la Belgique ne l’a pas fait et n’a pas l’intention de le faire ».

Interrogé mercredi matin sur la RTBF, Jan Jambon, le ministre de l’Intérieur, membre de la N-VA, a balayé d’un revers de main l’instauration de « pouvoirs spéciaux » qui permettraient à l’exécutif de statuer sans passer par le Parlement (sur le modèle des ordonnances à la française) : « ce n’est pas dans la culture de notre démocratie. Je ne sais pas ce que ça rapporte. On a pris beaucoup de mesures (…) Je pense qu’on doit rester cool, vraiment maîtriser la situation et voir si on doit ajouter des mesures ».Bart De Wever, le leader du parti nationaliste, est sur la même longueur d’ondes, comme il l’a déclaré dans le journal L’Écho de samedi : « Ce serait une erreur que d’annoncer de nouvelles mesures après chaque attentat ».Bref, rien à voir avec la frénésie législative française depuis les attentats de Charlie Hebdo.

Pour autant, « tout n’est pas rose en matière d’équilibre entre sécurité et liberté », tempère Manuel Lambert : « l’appareil répressif se développe depuis quelques années et on cherche, comme en France, à dépouiller le juge judiciaire, un juge indépendant, de ses prérogatives au profit du parquet qui est soumis à l’autorité politique du ministre de la justice ». Dans le cadre de la réforme des codes belges, poétiquement appelée « pot pourri » (PP), des mesures d’exception ont été adoptées sans guère de débats. Ainsi, depuis le 1er mars, les perquisitions peuvent avoir lieu 24h sur 24 et sont désormais ordonnées par le parquet et non par un juge du siège, les écoutes téléphoniques obtenues illégalement seront toujours valides ou encore le jugement des terroristes relèvera des tribunaux correctionnels qui pourront prononcer des peines allant jusqu’à 40 ans de prison et non plus des cours d’assises… « Ce n’est pas une loi antiterroriste, mais la lutte contre le terrorisme imprègne la réforme du Code pénal », constate Manuel Lambert. Une loi antiterroriste a cependant été adoptée le 20 juillet 2015 afin de rendre punissable le fait de sortir ou d’entrer dans le pays avec une « intention terroriste », de faciliter la déchéance de nationalité si elle ne crée pas d’apatridie ou encore de permettre la confiscation des papiers des personnes soupçonnées de vouloir partir combattre à l’étranger.

D’autres mesures coincent devant le Parlement : « la détention préventive doit être confirmée par la chambre du Conseil (un juge) tous les mois, ce qui oblige le juge d’instruction à faire avancer son dossier. Le gouvernement voudrait faire passer ce délai à deux mois, ce qui n’est pour l’instant pas passé », explique Ozlem Özem, membre de la commission justice de la chambre des députés. De même, la prolongation de la garde à vue en matière terroriste de 24 h à 72 h, qui nécessite une modification de la Constitution, est toujours dans les tuyaux législatifs, tout comme le port d’un bracelet électronique par les personnes fichées par les services de renseignements…

« Je préfèrerais, à tout prendre, qu’on ait un état d’urgence à la française, plutôt que de toucher au corps même de notre droit pénal, car cela menace l’Etat de droit et donc la situation de l’ensemble des citoyens », tranche Christophe Marchand, un avocat pénaliste qui défend de nombreux « returnees », c’est-à-dire les combattants rentrant de Syrie et d’Irak. « La situation est effrayante, ces jeunes ont subi un lavage de cerveau et beaucoup d’entre eux ont commis des crimes de guerre : il faut des mesures exceptionnelles, mais qui s’appliquent seulement à eux, car le risque est gigantesque », insiste ce ténor du barreau bruxellois. Le danger, il en convient, est que l’état d’urgence devienne le droit commun, comme en France, où le gouvernement veut introduire dans le Code pénal les principales mesures de cet état d’exception. « Même si les dérives sont pour l’instant limitées, rien n’est écrit pour l’avenir », met en garde Manuel Lambert. D’ailleurs, le gouvernement belge envisage bien de proposer l’instauration d’un niveau d’alerte 5 (4 actuellement) afin de créer une sorte d’état d’urgence « light » pour une période limitée permettant d’interdire les rassemblements, d’instaurer un couvre-feu ou encore d’assigner administrativement à résidence des personnes fichées… La mesure est en discussion entre les partenaires de la majorité gouvernementale.

N.B.: version longue et mise à jour de mon article paru dans Libération du 24 mars.

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