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De promeneuse de chiens à grande tragédienne, 10 choses à savoir sur Dominique Blanc

L’actrice est devenue ce samedi 19 mars pensionnaire de la Comédie-Française. Elle y fera ses grands débuts, le 7 mai prochain, dans « Britannicus ».

1Virage

A peine Eric Ruf entrait-il dans ses fonctions d’administrateur général de la Comédie-Française qu’il proposait à Dominique Blanc de l’y rejoindre. Ce qu’elle a accepté. Belle prise ! Elle fera officiellement partie de la maison le 19 mars.

2Motivations

Pourquoi, en pleine gloire, déjà récompensée par quatre césars et deux molières, s’intégrer dans cette troupe ? Pour trois raisons. Primo : sa confiance en Eric Ruf, jadis son partenaire dans l’inoubliable « Phèdre », de Racine, monté par Patrice Chéreau. « Une belle figure d’homme. J’aime le comédien, le metteur en scène et le scénographe. » Secundo : « La Comédie-Française est une école d’excellence. » Tertio : « On y met à l’affiche de grands textes. »

Eric Ruf, 45 ans, prend la tête de la Comédie-Française

3Auteurs

Quels rôles lui a-t-on fait miroiter pour l’appâter ? On ne lui a rien promis d’autre que celui d’Agrippine, assure-t-elle. En ajoutant qu’elle ne fantasme jamais sur des personnages mais qu’elle a envie de jouer certains auteurs. Anton Tchekhov ou Bernard-Marie Koltès, par exemple.

4Femmes puissantes

Ce qui l’a attirée dans la mère de Néron ? « On dirait qu’un cycle a commencé pour moi : les femmes de pouvoir. Je viens de jouer Merteuil dans l’adaptation des ‘Liaisons dangereuses’, de Choderlos de Laclos, réalisée par Christine Letailleur. » Elle précise :

« Jusqu’ici, j’étais cantonnée aux victimes et voilà que j’aborde les perverses narcissiques ! »

5CDD

La comédienne est liée pour deux ans à la Comédie-Française, par son contrat de pensionnaire. « Ça permet de savoir si on y est bien ou pas. » Sa carrière de cinéma ne va-t-elle pas en pâtir ? « On verra bien si Eric me laisse tourner… »

Avec Benoît Poelvoorde dans « l’Autre Dumas », de Safy Nebbou. (UGC Distribution)

6Vocation

Cette Lyonnaise, fille d’un gynéco-accoucheur et d’une infirmière, est la seule de leurs cinq enfants à avoir attrapé le virus du théâtre. Imaginez leur consternation quand, à 20 ans, cette matheuse a quitté l’école d’architecture pour intégrer le Cours Florent à Paris. Et même pas fichue d’entrer à l’école de la rue Blanche ou au Conservatoire national d’Art dramatique, où elle s’est présentée à trois reprises !

7Petits boulots

Pour survivre, elle a enchaîné les jobs d’étudiant : femme de ménage, garde d’enfants, promeneuse de chiens, femme de service dans un hôpital, placière d’assurances par téléphone, habilleuse de défilés de mode pour Sonia Rykiel ou Guy Laroche. Le plus insolite : modèle pour un peintre japonais qui se prenait pour Renoir…

8Chéreau

C’est Patrice Chéreau qui lui a mis le pied à l’étrier. Admise dans la classe libre du Cours Florent, elle participait à un spectacle Tchekhov monté par Pierre Romans. Patrice Chéreau y assiste, la remarque et lui propose de jouer dans « Peer Gynt », d’Ibsen, en 1981. Aujourd’hui encore, elle conserve pieusement le message alors laissé sur son répondeur.

Avec Patrice Chéreau, au 51e Festival de Cannes en 1998, lors de la présentation du film « Ceux qui m’aiment prendront le train », pour lequel elle obtiendra le César du meilleur second rôle. (Guespin/SIPA)

9Succès

Le vrai démarrage de sa carrière théâtrale fut, en 1987, le rôle de Suzanne dans « le Mariage de Figaro », de Beaumarchais, dans la version de Jean-Pierre Vincent. Autres points forts, le film de Régis Wargnier, « la Femme de ma vie » (1986), et le téléfilm de Nina Companeez, « l’Allée du roi » (1995), d’après le roman de Françoise Chandernagor, où elle incarnait Mme de Maintenon.

10Vie privée

A 59 ans, elle se livre chaque matin à la méditation pour lutter contre le stress, suivant les préceptes, non pas d’un gourou, mais d’une neurologue de la Salpêtrière. Elle pratique la sieste. Elle réussit à merveille l’osso-buco. Elle a été intronisée dans la Confrérie des Chevaliers du Tastevin. Elle ne voyage jamais sans sa « mousseline » (le volume broché, mais pas encore relié) des œuvres complètes de René Char dans La Pléiade, cadeau de Marie-Claude Char. Elle vit en dehors de Paris, s’est mise au jardinage et adore trifouiller la terre. Elle a deux grandes filles, un beau-fils, une belle-petite-fille qui répond au doux nom de Paloma, plus une chatte couleur écaille de tortue qui s’appelle Mascara et a un sale caractère.

Jacques Nerson

Egypte: 13 policiers tués dans une attaque revendiquée par l’EI dans le Sinaï

Treize policiers égyptiens ont été tués samedi dans une attaque menée contre un point de contrôle de la péninsule du Sinaï, a indiqué un communiqué du ministère de l’Intérieur parlant d’une attaque au mortier.

Elle a été revendiquée par le groupe jihadiste Etat islamique (EI), selon qui un kamikaze s’est fait exploser à bord d’une voiture au poste de contrôle, qui a ensuite été attaqué par les jihadistes.

Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière depuis plusieurs mois dans le Sinaï, où la branche égyptienne du groupe jihadiste mène quasi-quotidiennement des attentats contre la police et l’armée.

Le ministère de l’Intérieur a précisé que l’attaque a eu lieu à un poste de contrôle près d’Al-Arich, chef-lieu de la province du Nord-Sinaï.

«Un obus de mortier a été tiré sur le point de contrôle de Safa (…) tuant 13 policiers», a indiqué le ministère.

L’EI a pour sa part affirmé qu’un kamikaze, présenté sous le nom de guerre «Abou al-Qaaqaa l’Egyptien», a fait exploser une voiture piégée au barrage.

«Le poste de contrôle a par la suite été pris d’assaut», a-t-il ajouté dans un communiqué publié sur internet.

AFP

L’Angleterre décroche son Grand Chelem face à la France

Si ce France-Angleterre ne pouvait pas décider du vainqueur du Tournoi des six nations – les Anglais étaient sûrs de finir premier depuis une semaine -, il devait permettre de savoir si cette première campagne tricolore de l’ère Novès basculait d’emblée du côté obscur, après deux victoires et deux défaites.

Après avoir été menés assez tôt dans le match, la France a entretenu l’espoir pendant une bonne partie de la rencontre, en revenant régulièrement à portée des Blancs. Elle s’incline finalement 21-31 au Stade de France, laissant le XV de la Rose décrocher son 13e Grand Chelem, le premier depuis treize ans.  

Les Anglais ont inscrit trois essais par Care, Cole et Watson. Tous les points français ont été inscrits sur pénalités par Machenaud, qui a réalisé un sans faute au pied.

L’Angleterre triomphe ainsi dans le Tournoi, quelques mois après avoir quitté prématurément la Coupe du monde organisée chez elle.

La France termine à la cinquième place, dans la lignée des mauvais résultats obtenus les quatre saisons précédente dans cette compétition européenne sous la direction de Philippe Saint-André. Elle n’a plus remporté la compétition depuis 2010. 

Dans les autres matchs ce samedi, le pays de Galles a écrasé l’Italie 67-14 et l’Irlande a dominé l’Ecosse 35-25.

 

LIBERATION

Kendrick Lamar, Iggy Pop, Pete Astor… La sélection musicale de la semaine

Le choix de « l’Obs »

♥♥♥♥ « Untitled Unmastered« , par Kendrick Lamar (Interscope).

Ce disque de huit titres que Kendrick Lamar a sorti sur internet sans prévenir personne est composé de chutes de studio, de morceaux enregistrés ces deux dernières années que Lamar n’a pas pu sortir sur son dernier album, « To Pimp a Butterfly », soit parce qu’ils n’avaient pas été finalisés à temps, soit parce qu’il n’avait pas obtenu d’autorisations pour les samples utilisés. Pour autant, il ne faudrait pas voir « Untitled Unmastered » comme un disque mineur, un bootleg sauvé des eaux ou un simple interlude. Au contraire : c’est peut-être le disque le plus abouti du jeune rappeur de Los Angeles. Ces huit morceaux confirment qu’à 28 ans il est un des artistes les plus doués et les plus intéressants de sa génération.

Lamar ne se contente pas, comme beaucoup de rappeurs, de commander une poignée d’instrumentaux et de poser sa voix dessus, formule qui a pourtant produit d’excellents disques. Il construit des objets sonores complexes, mouvants, presque encyclopédiques : s’y versent les apports du jazz côte Ouest, de la soul, du gangsta rap ­californien, du hip-hop savant des années 2000 à la Madlib, et même de la musique contemporaine. Il s’entoure des meilleurs musiciens que l’on puisse trouver à Los Angeles, comme le saxophoniste et producteur Terrace Martin. On le sent planer au-dessus du grand foutoir collaboratif qui préside ordinairement à la fabrication d’un album de rap, et diriger ses invités comme un chef d’orchestre.

Sur « Untitled », Lamar radicalise son chant et utilise sa voix rauque et juvénile comme il ne l’avait jamais fait auparavant. Son rap capricieux et hyper-rythmé vire parfois à la transe, au cri et au sanglot, sans tomber dans le cabotinage. Dans « Untitled 07 », on l’entend travailler : sur une boucle de guitare minimale, entouré de son équipe qui rigole et commente, il improvise, construit ses ritournelles petit à petit, et ce qui pourrait n’être qu’un document sonore pour ses fans devient un vrai morceau. « Untitled Unmastered », quelque part entre l’album et le brouillon, entre le live et la session de studio, nous donne à voir un petit génie au travail.

Les autres sorties

♥♥ « Never Mind the Future« , par Sarah Murcia (Ayler Records).

JAZZ PUNK. En 1977, quatre voyous londoniens cassaient la baraque en massacrant « My Way » et « God Save the Queen ». Près de quarante ans plus tard, voilà les arroseurs arrosés : Sarah Murcia, anarchiste contrebassiste de jazz, joue avec le « Never Mind the Bollocks » des Sex Pistols comme avec un tas de pâte à modeler. Entourée par d’excellents musiciens, elle pastiche le gros grain de Steve Jones, calme le jeu là où on ne s’y attend pas, injecte des solos de saxo bien tordus, invite Benoît Delbecq à plaquer d’étranges accords sur son piano. Il était temps de maquer l’héritage de Johnny Rotten avec celui d’Albert Ayler. CQFD avec ce disque dadaïste. God save the punk.

♥♥♥ « Spilt Milk« , par Pete Astor (Fortuna Pop/Differ-ant).

ROCK. Une chanson avec des « sha la la » peut-elle être bonne ? On répond par l’affirmative quand il s’agit de « Brown Eyed Girl » (Van Morrison), de « Sha La La La Lee » (Small Faces), de « Mermaids » (Paul Weller). Et aussi quand il s’agit de « Mr Music », un des titres du nouvel album de Pete Astor.

Aujourd’hui maître de conférences à l’université de Westminster, il a décidé de reprendre sa guitare et son songwriting acéré trente-cinq ans après son premier groupe, The Loft. On voyait alors en lui le prochain Dylan. Désormais, avec l’aide de James Hoare d’Ultimate Painting pour la partie musicale, il tire des bords du côté du Velvet Underground, l’esprit de Lou Reed venant hanter ce disque de perles de velours. C’est à croire que les fantômes existent.

♥♥ « Tout Satie ! The Complete Edition« , par Erik Satie (10 CD Erato).

CLASSIQUE. Erik Satie n’est peut-être pas le meilleur compositeur français, mais il demeure un des plus importants historiquement. Ne serait-ce que par l’élaboration d’un arte povera tout à fait nouveau, et par l’influence qu’il a exercée sur Debussy, ou John Cage et ses suiveurs. Au milieu de pièces dont les enregistrements viennent du catalogue ancien, on trouve des joyaux comme « Socrate » ou la « Messe des pauvres ». C’est-à-dire des œuvres volontairement anémiques, où ne subsistent plus que l’os et le nerf de la musique.

Rock

♥♥ « Post Pop Depression« , par Iggy Pop (Caroline International).

Sexagénaire au torse sempiternellement nu, le vieil exhibitionniste de Detroit, le vétuste Nijinski qui aime à montrer son kiki revient avec un nouvel album qu’il a enregistré avec Josh Homme, guitariste des Queens of the Stone Age et membre intermittent des Eagles of Death Metal (il n’était pas sur scène au Bataclan le 13 novembre), mais aussi Matt Helders, le batteur des Arctic Monkeys. Est-ce par coquetterie ou par ruse commerciale ?

A 68 ans, l’ancien chanteur des Stooges, le rocker crooner au baryton interlope, a dit que ce disque serait peut-être son dernier, car il n’a plus « l’énergie » d’antan. (Iggy) Pop dépression ? La bonne nouvelle, déjà, c’est que Pop ne se donne plus le ridicule de massacrer « les Feuilles mortes » ou « la Javanaise ». Autre bonne surprise : on s’accorde à reconnaître que les deux meilleurs disques solo de l’Américain sont ceux que David Bowie a produits et, en partie, composés pour lui, à la fin des années 1970 : « The Idiot » et « Lust for Life » : on retrouve sur certains titres l’esprit génialement souillon de cette période avec sa basse grasse (« Gardenia », et dans une moindre mesure, « Break Into Your Heart » qui ouvre l’album).

Eagles of Death Metal à l’Olympia : deux heures de show total

Le plat de résistance, ici, c’est « Sunday » : attraction dansante et bringuebalante de six minutes, avec ses riffs vicieux, ses chœurs fantomatiques ou bubble gum, et son final orchestral un peu kitsch en forme de BO cinématographique. Le reste de l’album est bien foutu mais plus convenu. Sur le dernier morceau, Iggy Pop ou son personnage annonce qu’il s’en va vivre au « Paraguay » sans qu’on sache trop si c’est un heureux retraité qui parle, un misanthrope technophobe ou un vénérable nazi en cavale.

David Caviglioli, Grégoire Leménager, Frantz Hoëz, Jacques Drillon et Fabrice Pliskin

Qu’y a-t-il derrière #VendrediLecture? Rencontre au Salon du Livre

Les livres sont à la page, ils ont aussi leur hashtag. Chaque vendredi, #VendrediLecture fait partie des Trending Topics, les sujets les plus discutés sur Twitter. 1800 internautes de France et de Navarre se retrouvent sur les réseaux sociaux pour partager leur lecture du moment et commenter l’actualité littéraire.

Des bloggeurs, lecteurs avertis ou occasionnels, des bibliothèques, journaux, le Musée du Louvre, l’Opéra de Paris ou encore l’Education nationale, tout le monde peut partager un livre, une actualité, une remarque, une blague, une photo en rapport avec les livres.

Une #VendrediLecture, ça use, ça use.

Une #VendrediLecture, ça use l’inculture.

— VendrediLecture (@VendrediLecture) 17 mars 2016

#VendrediLecture se définit comme «le premier événement littéraire sur les réseaux sociaux», lit-on sur leur site internet. Confondu au départ avec les blogs littéraires, c’est avant tout «un lieu de partage, de discussion, mais pas un club de lecture. On ne veut surtout pas donner un avis, critiquer un livre, on veut que les gens discutent entre eux», explique Nathalie, présidente de l’association. L’idée, dans ce foisonnement de livres, c’est que les internautes regardent ce que les autres lisent, et le lisent à leur tour.

Le #VendrediLecture français est né en 2011. Il a été créé par deux bloggeuses qui participaient au #FridayReads américain. Le premier jour où elles lancent le hashtag français, plus de quarante personnes y participent. Désemparées par l’ampleur de l’événement, elles lancent un appel sur Facebook et recrutent quinze membres bénévoles de 20 à 60 ans. En 2013, une association de loi 1901 est créée pour pouvoir faire des partenariats avec des maisons d’édition telles que le Livre de poche, 10/18 ou Michel Lafon, qui envoient chaque semaine cinq à sept livres redistribués par tirage au sort à tous les participants de #VendrediLecture.

La présidente Nathalie, marseillaise de 35 ans, est venue au Salon du Livre pour rencontrer ses coéquipiers de #VendrediLecture, qui sont répartis dans toute la France, de Paris à Lyon, en passant par Albi, et même à l’étranger avec trois membres québécois. Pour gagner sa vie, Nathalie fait des compte-rendus de réunions pour des entreprises, mais le vendredi la bénévole met sa casquette #VendrediLecture et recense tous les participations, anime les comptes Facebook et Twitter, répond aux questions en tout genre des twitto-lecteurs. Nathalie n’a aucune formation littéraire ni de community management. «Je fais tout au feeling», avoue-t-elle. Et ça marche plutôt bien. Plus de 14.700 «j’aime» sur Facebook, et 18.560 followers pour #VendrediLecture sur Twitter.

Qui sont les #VendrediLecteurs ?

Les écrivains sont «plutôt frileux» lorsqu’il s’agit d’utiliser #VendrediLecture, explique Nathalie. Seuls Sire Cedric, Edouard Louis et Maxime Chattam utilisent quelquefois le hashtag dans leurs tweets.

Parmi les lecteurs, on compte une majorité de Français, mais aussi des Suisses, des Belges, des Québécois et des Français habitant à l’étranger, notamment au Japon et en Finlande.

Que lisent-ils ? Principalement des romans qui sont dans l’actualité, ainsi que des BD et mangas. En tête : Stephen King, «le Trône de fer» de George R. R. Martin, et Delphine de Vigan lors de la parution de son dernier roman «D’après une histoire vraie». Les prix Goncourt génèrent également beaucoup de tweets ainsi que les rentrées littéraires, les adaptations de films, et les décès d’écrivains célèbres.

Il est rare qu’un tweet déclenche un buzz considérable. Une exception tout de même : cet été, quand Nicolas Sarkozy a tweeté une photo de lui lisant Hemingway: «Un bon livre pour l’été, l’idéal pour se reposer et se ressourcer. Bon vendredi à tous ! NS #VendrediLecture». Le tweet a été moqué, repris et détourné, faisant au passage une bonne pub à #VendrediLecture.

#VendrediLecture affiche un certain éclectisme. «On varie les tons, des recettes de cuisine aux blagues en passant par la littérature classique et l’actualité littéraire, le but est de ne pas trop se prendre au sérieux», explique Nathalie qui évoque un «complexe de la lecture» chez les Français, lié à un certain snobisme. Elle constate que beaucoup d’internautes lui envoient des messages concernant leurs lectures, ne se sentant pas légitimes d’évaluer un livre ou complexés par leurs choix. «Mon rôle est de calmer ceux qui sont trop sûr d’eux et se considèrent comme l’élite, et de rassurer ceux qui ont des complexes», développe la présidente.

Avec leurs slogans, «VendrediLecture c’est TOUTES vos lectures» ou «Mettez de la confiture dans votre culture», l’association veut rassembler ceux qui ne se seraient jamais rencontrés sans avoir lu le même livre. «Ce qui marche, c’est qu’on est très nombreux et très différents, indique Nathalie. Les gens qui lisent la même chose à la même heure se croisent sur la toile alors qu’ils sont parfois dans des mondes totalement opposés.»

#VendrediLecture a d’ailleurs la cote, au sens propre du terme. Il est très utilisé par les community managers, surtout dans les bibliothèques qui conseillent un ouvrage sur Twitter avec la cote du livre.

#SloanWilson décrit la société américaine des années 50 à travers Tom, « L’homme au complet gris » (cote 813.5 WIL Sh) #VendrediLecture

— BU Droit-Lettres (@DijonBUDL) 11 mars 2016

Une fois par mois, VendrediLecture lance son club de lecture 2.0 sur Facebook. A bientôt 37 ans, Virginy la vice-présidente qui vient du Sud-Ouest près d’Albi, anime une fois par mois le #ClubVL sur Facebook. «On est loin de la jeune bloggeuse parisienne de 20 ans, pas vrai?», s’amuse celle qui propose tous les mois des thèmes avec une liste de lecture. Les gens discutent à l’intérieur d’un «événement Facebook». Sur Twitter, l’exercice est plus complexe à cause de la limite des 140 caractères, ce qui n’empêche pas quelques lecteurs de faire une critique express en utilisant le hashtag #ClubVL.

À chaque #vendredilecture j’aurais envie de recommander Internet… c’est quand même le livre imagier et animé le plus grandiose jamais écrit.

— Zéphyrin Touristryon (@Zestryon) 18 mars 2016

Pas de polémique, un retour sur le fil d’actu toutes les semaines, un mot clef accueillant, et à l’arrivée une bonne crédibilité, #VendrediLecture est cité comme modèle par Twitter France. Il a aussi inspiré le hashtag #MardiMusique, qui s’est évidemment inspiré de sa réussite. «Le hashtag n’appartient à personne, n’importe qui peut se l’approprier, c’est ce qui fait sa force», conclut l’actuelle présidente qui donnera les clefs à un autre membre l’année prochaine.

Au Salon du Livre de Paris, tout le week-end, Nathalie va chercher des partenariats avec des éditeurs, distribuer les marques-pages de #VendrediLecture, et surtout tweeter.

Virginie Cresci

Salah Abdeslam arrêté en Belgique avec quatre autres personnes

L’homme le plus recherché d’Europe, Salah Abdeslam, acteur-clé des attentats de novembre à Paris, a été arrêté vendredi à Molenbeek, au cours d’une vaste opération policière, lancée après la découverte d’empreintes du fugitif dans un appartement de l’agglomération bruxelloise, ont confirmé à Libération des sources policières. 

Salah Abdeslam, qui était jusque-là en fuite et activement recherché par la police franco-belge depuis les attentats du 13 Novembre, a été blessé à une jambe. Selon un journaliste de la télévision publique belge RTBF, il a été transféré vers un hôpital.  Quatre autres personnes ont été arrêtées, a annoncé le parquet fédéral belge : un homme nommé Amine Choukri, qui «avait été contrôlé en compagnie d’Abdeslam à Ulm en Allemagne en octobre 2015», et trois personnes ainsi désignées : Amid A., Siad A., et Jemilah M.

Le président français, François Hollande, et le Premier ministre belge, Charles Michel, ont indiqué vendredi soir lors d’une conférence de presse que Salah Abdeslam avait été arrêté avec deux complices. François Hollande a indiqué que la France allait très rapidement demander son extradition. Il a annoncé une réunion, samedi matin, du conseil de Défense, estimant que «si cette arrestation est une étape importante, elle n’est pas la conclusion définitive». 

À lire aussiL’homme tué mardi à Bruxelles est «vraisemblablement» l’un des logisticiens des attentats de Paris

Selon Le Soir, la localisation de Salah Abdeslam à Molenbeek, dans une maison de deux étages de ce quartier de Bruxelles d’où il est originaire, a été le résultat des indices recueillis dans l’appartement de Forest, théâtre mardi de fusillades après une perquisition menée dans le cadre du volet belge de l’enquête sur les attentats de Paris. A Libération, une source proche du dossier a précisé que l’adresse exacte de la planque a été connue par la police après une information obtenue mardi auprès d’une personne contactée par Salah Abdeslam. La rue des Quatre-Vents était, depuis, sous surveillance. L’opération de police, qui était initialement prévue pour se dérouler plus tard, a été avancée après des fuites dans la presse, selon lesquelles des traces d’ADN de Salah Abdeslam, ainsi que ses empreintes, ont été retrouvées dans l’appartement de Forest, après les fusillades lors desquelles quatre policiers ont été blessés et un assaillant abattu, Mohamed Belkaïd, un homme qui avait apporté un soutien logistique au commando du 13 novembre, sous l’identité de Samir Bouzid.

LIBERATION

Les Vingt-huit expulsent le droit d’asile

Derrière les grandes proclamations sur le respect des droits de l’homme, du droit international et du droit européen, la réalité est brutale : les vingt-huit États européens vont bel et bien enterrer le droit d’asile accusé d’attirer des centaines de milliers de réfugiés. Le plan germano-turc, présenté lors du sommet européen du 7 mars, et qui prévoit le renvoi quasi-automatique de tous les migrants, économique ou demandeur d’asile, vers la Turquie, a été adopté aujourd’hui par les chefs d’État et de gouvernement, une nouvelle fois réunis à Bruxelles.

· Comment l’Union va-t-elle supprimer le droit d’asile tout en respectant la légalité internationale et européenne ?

« Nous respecterons le droit européen et la Convention de Genève, ce n’est pas possible de faire autrement », a martelé, hier, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. « En tant qu’Européen, nous ne pouvons tourner le dos à l’asile, nous avons l’obligation d’aider les réfugiés », a surenchéri, Frans Timmermans, le vice-président de l’exécutif européen. En réalité, la souplesse du droit permet de rendre légal ce qui est moralement indéfendable.

Contrairement à ce que suggérait la chancelière Angela Merkel, qui a brusquement et sans concertation avec ses partenaires européens, changé son fusil d’épaule, il n’est pas question de renvoyer immédiatement les migrants arrivant dans les îles grecques. La Commission, mais aussi le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU, a expliqué que cela serait illégal, tout demandeur d’asile ayant le droit de voir son dossier examiné. Tel sera bien le cas, assure la Commission, en application de la directive européenne du 26 juin 2013 « relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale ».

Si un étranger demande l’asile, il aura la garantie que l’office grec compétent examinera son dossier sur place. Et une procédure d’appel devant un juge, jusqu’à présent inexistante, sera organisée. En attendant la réponse, le candidat réfugié restera confiné dans un camp (ou « hotspot »).Jusque-là, rien à dire : les demandeurs d’asile seront simplement obligés de demander protection à la Grèce, ce qu’ils font peu actuellement, préférant se rendre en Allemagne ou en Suède.

Mais, pour pouvoir renvoyer massivement les demandeurs d’asile, la Commission propose d’organiser l’irrecevabilité de ces demandes en s’appuyant sur l’article 33 de la directive qui prévoit que l’asile sera refusé si l’étranger provient d’un « pays sûr » ou est passé par un « premier pays d’asile ». Un « pays sûr » (articles 36 à 39), c’est un statut accordé par chaque État membre à un pays tiers, comme vient de le faire la Grèce à l’égard de la Turquie : il faut simplement que, dans ce pays, le réfugié ne risque pas d’être persécuté au sens de la Convention de Genève de 1951 et qu’il puisse y obtenir le statut de réfugié. Le « pays de premier asile » (article 35), c’est celui où il peut jouir « d’une protection suffisante ». Certes, chaque demandeur d’asile pourra contester que le pays tiers soit sûr dans son cas (par exemple un kurde syrien), mais il faudra l’établir… Surtout, si l’asile est accordé, il le sera seulement en Grèce.

L’examen étant ainsi individualisé, il n’y aura pas « d’expulsion collective », une pratique bannie par le droit international et la charte européenne des droits de l’homme à la suite des barbaries nazies et soviétiques, mais des expulsions individuelles groupées… Le secrétaire général du Conseil de l’Europe, le Norvégien Thorbjorn Jagland, s’est dit satisfait de ce tour de passe-passe juridique qui revient, en réalité, à refuser l’asile en Europe à toute personne ayant traversé un « pays sûr » ou un « pays de premier asile ».

En décidant d’appliquer massivement ces articles, l’Union régionalise le droit d’asile : il est rare qu’un réfugié n’ait pas, au cours de son périple, traversé des pays où il ne risque rien, la persécution étant souvent limitée à son pays d’origine. Avec ce principe, aucun Cambodgien ou Vietnamien n’auraient obtenu l’asile en France dans les années 80, puisqu’ils ont d’abord séjourné en Thaïlande, un pays sûr. Désormais, il reviendra aux pays se trouvant autour des zones de conflit ou de dictatures de gérer le problème des réfugiés. En réalité, on se demande à quoi sert encore le protocole de 1967 étendant la protection de la convention de Genève de 1951, jusque là limitée à l’Europe, à l’ensemble de la planète.

Quels sont les problèmes pratiques que cette solution soulève ?

Le problème est que la Turquie n’a pas ratifié le protocole de 1967 : le statut de réfugié est réservé dans ce pays aux seuls Européens… Il va donc falloir qu’elle le ratifie ou que l’Union modifie la directive de 2013 pour se contenter d’un statut « équivalent », ce qui est la voie la plus simple. Côté grec, il va falloir installer dans les cinq hotspots chargés de recenser les arrivants, des « officiers de protection » chargés d’examiner les demandes d’asile et surtout prévoir des juridictions ad hoc pour statuer sur les recours, ce qui s’annonce pour le moins difficile quand on connaît le temps que prennent les réformes en Grèce… Il faudra que ces juges spécialisés travaillent non stop afin de statuer au plus vite, sauf à prendre le risque de voir les réfugiés coincés pendant de longs mois dans les îles avec tous les problèmes (santé, éducation, etc.) que cela posera. Enfin, la question éminemment pratique des retours de dizaines de milliers de personnes n’est absolument pas abordée : il faudra sans doute mobiliser l’armée pour assurer le calme et affréter des norias de bateaux chargés de ramener les réfugiés et les immigrés sur les côtes turques. Les images risquent d’être particulièrement choquantes.

Est-ce que l’abandon du droit d’asile va interrompre le flux de migrants ?

Les réfugiés ne représentent qu’environ la moitié, voire moins, du flux actuel. Autrement dit, les migrants économiques tenteront toujours d’entrer par d’autres voies. Pour les réfugiés, l’Union promet d’appliquer le principe du « un pour un » : pour chaque demandeur d’asile renvoyé, elle s’engage à un prendre un réfugié statutaire installé en Turquie. Mais à y regarder de plus près, il n’est pas question d’accueillir des centaines de milliers de personnes. Les Vingt-huit s’engagent seulement à accueillir, sur une base « volontaire », des réfugiés dans la limite du plafond des 160.000 personnes qui doivent être relocalisées comme ils l’ont décidé en juillet dernier. Sur ce contingent, il reste 18.000 places et les Vingt-huit sont prêts à ajouter 54.000 places. Soit 72.000 réfugiés… On est loin du « un pour un » qui ressemble fort à un attrape-gogo destiné à calmer les ONG de défense du droit d’asile. C’est donc bien d’un abandon du droit d’asile qu’il s’agit.

N.B.: Article paru dans Libération du 18 mars.

La conclusion de sommet fait l’objet de cet article, par ici.

Spécial Salon du livre: voler des bouquins, est-ce immoral ?

Le livre est un objet fréquemment protégé par des principes: «Je ne prête jamais un livre», «Je finis toujours un livre», «Je ne corne jamais les pages d’un livre», «Je le referme toujours le soir»… Et bien sûr, l’on entend: «Je ne volerais pas un livre», et à l’inverse: «Je ne vole rien, sauf des livres.» C’est un vol qui s’avoue: «J’ai volé un livre de Cioran dans une librairie de Nantes», dit tranquillement Eric Chevillard, qui ne confesserait certes pas publiquement qu’il a dérobé une voiture ou le manteau d’un petit vieux nécessiteux.

L’objet est si particulier, par ce qu’il véhicule depuis des siècles, comme s’il était la forme la plus concentrée d’humanité, cet objet est si sacré que glisser un volume dans sa poche sans verser la contrepartie habituelle passe pour une sorte de viol religieux, la transgression presque érotique de l’interdit social par excellence. Le livre efface le vol. Voler un livre, ce n’est pas tout à fait voler, pense le voleur, petit Prométhée qui croit dérober le feu. «Notre prof de français, raconte un internaute, nous a même fait un jour l’éloge du voleur de livres car, pour lui, voler un livre c’est beau !»

«Pour un livre, je ne dis jamais voler, dit une jeune femme, je dis piquer. Je pique des livres, c’est tout.» Sartre dit que le «Journal du voleur», de Jean Genet, était une «cosmogonie sacrée». Lequel Genet, au juge qui lui posait la question alors qu’il venait de voler un livre: «En connaissiez-vous le prix ?» répondit sèchement: «Non, mais j’en connaissais la valeur.»

L’acte s’accompagne toujours de l’espoir qu’un livre volé porte en lui plus de vérité qu’un livre acheté, une révélation. Louis Calaferte racontait: «Chez un bouquiniste, rue de Provence, j’ai volé un livre de Cendrars, je devais avoir 18 ans. A partir de ce moment-là, j’ai cessé de lire des romans, des choses sans intérêt. J’ai compris qu’il y avait deux littératures.»

C’est pourquoi le voleur qui lit le livre volé et celui qui le revend ne sont pas du même monde. Le premier jette l’opprobre sur le second. Mais sa morale n’en est pas moins d’une souplesse inévitable: ce livre n’était pas cher, la Fnac est une grosse enseigne qui vole tout le monde, un livre est aussi indispensable que le pain, celui que vole Jean Valjean… C’est une sorte de sport – d’ailleurs le vol de livres est une étape de certains jeux vidéo. Tel grand critique parisien raconte assez fièrement :

J’ai écumé toutes les librairies du quartier Latin. J’en volais des tonnes. Mon plus beau coup, c’est chez Maspero : j’ai emporté les vingt-quatre volumes de l’édition anglaise de Freud. J’ai dit que je reviendrais payer, mais je ne suis jamais revenu.»

On «oublie» de rendre, on choisit («Je payais les petits livres, je volais les gros», dit une journaliste nostalgique), on en emporte sans le vouloir («Je suis un salaud et un sombre crétin/Sans le faire exprès j’ai piqué un bouquin» écrit le Russe Nikolaï Oleïnikov, dans «Un poète fusillé»), ou alors on prétend prendre sa revanche contre tous les vols impunis dont on serait victime, on le fait par refus politique du travail, du marché, de la société. Des raisonnements comparables à ceux de l’ivrogne qui ne peut arrêter de boire et feint de ne pas le vouloir, à ceux du pickpocket de Bresson : la société me le doit bien – une morale liée à l’âge, une morale postpubertaire.

Le vol de livres, c’est la fausse monnaie de la morale. Même l’endurcissement de cette morale est simulé: «Je ne vole que dans les petites librairies, dit un jeune homme, celles qui ont de la peine à survivre. C’est seulement là que j’ai l’impression de vraiment faire le mal. L’idéal, c’est d’être en plus très ami avec le libraire, qui vous fait confiance. Voler un quasi-banquier me laisse parfaitement froid.»

D’ailleurs Maurice Sachs, écrivain brillant, traître professionnel, escroc, juif collaborateur quoique résistant marron, saint patron des voleurs de livres, disait: «On ne trahit bien que ceux qu’on aime.» Godard volait des livres aux membres de sa famille, à ses amis, et Genet revolait les livres qu’il avait offerts. Comme si la honte valait pénitence.

Ou alors, c’est la veulerie, justement, qui serait la forme exemplaire du courage – voir Gide, qui écrit dans «les Nourritures terrestres»: «J’ai souvent songé que voler, plus encore que prendre, est le vrai bonheur.» Et dans «les Faux-Monnayeurs», il raconte que le jeune Georges vole un livre sous les yeux d’Edouard, tout en sachant qu’il est vu. Edouard raconte la scène dans son Journal, qu’il donne à lire plus tard à Georges, retrouvé par hasard, pour lui faire honte. Mais le jeune homme hausse les épaules: l’acte seul compte, l’acte seul est enseignement.

“POUR LE VOL TOTAL DU LIVRE”

En 1976, dans une émission de radio, Marguerite Duras disait: «Je suis pour le vol total du livre. Mais je n’y arrive pas. Je me sens très mal de ne pas le faire. J’ai une peur, une peur panique du vol – je pense que c’est la peur du flic qui se déplace. J’ai fait des choses beaucoup plus dangereuses que cela, pendant la guerre d’Algérie, pendant la Résistance. Ce ne serait rien pour moi.»

Elle souffre de ne pas voler, mais explique qu’elle n’en a pas besoin, qu’elle peut payer: «Ce serait d’une gratuité un peu gidienne. Il faudrait que j’essaie de voler pour quelqu’un. J’accompagne mes amis dans les librairies, je les enlace tendrement pour qu’on les voie avec moi, et que, si on les arrête, ils puissent se servir de mon nom.» Elle se justifie : «L’étudiant est celui qui lit le plus dans la société, et qui en a le moins les moyens.»

Régis Debray commente cette déclaration avec dégoût: «Anarchisme snob, dégueulasse ! Maspero , libraire et éditeur , a été la victime des salopards qui pouvaient le voler en toute sécurité, et prétendaient pour se donner bonne conscience qu’il “se faisait du fric sur le dos de la révolution”. On a tous piqué un livre quand on avait 15 ans, mais en tirer orgueil, en faire presque une vocation, c’est vraiment dégueulasse.»

Qui vole des livres ? «Tout le monde, dit une vendeuse de la Fnac. Quand j’étais dans une librairie du VIIe, il y avait des dames chics qui emportaient les best-sellers. Cela devait les exciter , comme tromper leur mari. Ici, il y a les étudiants, de tout. D’ailleurs rappelez-vous, le Dr Petiot, condamné ensuite pour vingt-quatre assassinats, sur les soixante-trois qu’il revendiquait, a été arrêté pour un vol de livres chez Gibert.»

Parfois l’occasion fait le larron: «A La Joie de lire [Maspero] , je les lisais soit dans l’escalier, soit chez moi, quand je pouvais partir sans payer. Je ne les abîmais pas : je les rapportais, il fallait faire attention, j’avais encore plus la trouille.» Comment font-ils ?

«J’avais un grand manteau, avec de grandes poches, répond un écrivain. J’allais vers un rayon, et j’en prenais huit ou dix d’un coup. Un ami avait un cartable fendu, il les glissait dedans. Ce n’était pas un loser, il ne volait pas du BHL ! Il avait réussi à se faire une collection complète de la Pléiade. Il restait longtemps à l’intérieur, pour donner le change, mais aussi parce que c’est dehors qu’on devient voleur.»

Pour passer les portiques, certains petits malins glissent les livres magnétisés dans des pochettes d’aluminium, dans des briques de lait, qui les rendent indétectables, d’autres (plus grands malins) les mettent sous leur chapeau, de manière à les faire passer au-dessus des détecteurs, qu’ils franchissent alors sans encombre et tête haute. En France, les livres les plus volés sont les petits formats (mangas, poches) et les Pléiade, qui se revendent bien. Et puis, les essais à la fois difficiles et chers: Heidegger, Kant, la psychanalyse, la sociologie.

Quand il pince un voleur, le libraire ne fait pas toujours appel à la police: «Soit il paie le livre, dit-on chez Gibert, soit il le rend. Et on se contente de prendre son identité. S’il recommence, et c’est arrivé, parce qu’il y a des petits voleurs qui sont envoyés en service commandé, qui ont du chiffre à faire et qui donc n’ont pas le choix, ou bien alors s’il s’agit de livres chers, nous appelons la police. Mais elle ne se déplace pas pour un vol d’un montant inférieur à 150 euros.» Au commissariat du Ve , on proteste, bien sûr: «On se déplace quel que soit le montant. On est un service de police, qu’est-ce que vous croyez ?»

Les petits libraires n’ont pas les moyens des grands, qui cumulent vigiles, caméras et antivols, du moins sur les livres chers, car les bandes magnétiques collées sont hors de prix. Certains bluffent, et installent des portiques factices, qui ne sonneront jamais. Dans cette grande librairie parisienne, une vendeuse explique en souriant: «Quand nous prenons un voleur, nous lui disons : “Vous avez sans doute oublié de payer… ” C’est plus élégant que de le traîner chez les flics par la peau du cou. Il sait que nous savons… Et je peux vous dire qu’il ne recommence pas.»

« ILS VIENNENT SOUVENT À DEUX »

Les libraires se désespèrent. Il est impossible d’obtenir une statistique officielle, mais dans une grande enseigne, on compte que la «démarque inconnue» représente 1% du chiffre d’affaires ; chez Gibert, on l’évalue à un jour complet de vente par an. Surtout, l’atmosphère créée est désastreuse: «On n’est pas des flics ! On a du travail, on renseigne les clients. On n’a jamais empêché quelqu’un de prendre des notes, jusqu’à fournir papier et crayon. C’est ça qui est agressant: on ne sait jamais s’il n’y en a pas un qui nous fauche, pendant qu’on en renseigne un autre. Ils viennent souvent à deux. On devient méfiant, c’est très pénible.»

Les grandes chaînes suivent des protocoles, avec gradation dans les sanctions. La Fnac en applique un, mais refuse de le communiquer. Il faut se retourner vers le voleur (qui l’a raconté sur un site):

Je me suis fait prendre ce soir à la Fnac en possession de trois livres (pour un montant de 28 euros). J’ai sonné au portique de sécurité et le vigile a appelé son supérieur. J’ai été amené dans une pièce à part, questionné vivement, on m’a demandé d’avouer (ce que j’ai fait rapidement). Je n’avais pas le moyen de régler les livres. Ils ont pris ma carte d’identité et ont rempli un papier que j’ai dû signer. La police a supervisé de loin tout ça dans le local des vigiles (je n’ai pas été emmené au poste de police). On m’a remis un récépissé de dépôt de plainte (où il n’y a même pas le numéro de registre de la déclaration de plainte). J’ai également observé que la personne qui a signé le papier l’a annoté après que je l’ai signé ( je n’ai pas pu voir ce qu’il a rajouté sur la feuille)…»

Un autre: «J’ai été emmené chez le directeur. Quoi, à votre âge, tout ça, le sermon de morale. Il a réfléchi cinq minutes, et m’a donné à choisir: soit les flics, soit ramasser les papiers autour du Monoprix. J’ai choisi de ramasser les papiers.»

Jacques Drillon

Remerciements à la librairie Voyelle (Paris-15e ) pour la prise de vue.

Article initialement paru dans « l’Obs » du 17 mars 2016.

Exclusif. Pourquoi Edouard Louis se trouve pris dans une tourmente judiciaire

Une œuvre littéraire peut-elle constituer une pièce à conviction dans une affaire pénale? Voici un des enjeux de l’affaire sur laquelle plancheront le 18 mars les magistrats de la 17ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris. Héros malgré lui du dernier livre d’Edouard Louis, «Histoire de la violence», Reda B. vient d’assigner en référé le jeune écrivain et son éditeur pour «Atteinte à la présomption d’innocence» et «Atteinte à la vie privée». Il demande l’insertion d’un encart dans chaque exemplaire du livre ainsi que 50.000 euros de dommages et intérêts.

L’histoire commence le 7 janvier dernier, lors de la sortie d’«Histoire de la violence» aux Editions du Seuil. Encensé par une partie de la critique, le livre raconte le viol qu’affirme avoir subi Edouard Louis lors du réveillon de Noël 2012. «Dans ce livre, il n’y a pas une seule ligne de fiction», déclare alors l’écrivain dans un entretien à «Livres Hebdo». Le violeur est identifié sous le diminutif de Reda, kabyle d’une trentaine d’années, qui accoste Edouard Louis place de la République, à Paris.

Sous le charme, Louis l’invite à son domicile. Les deux hommes font l’amour plusieurs fois, avant que la relation ne dégénère, Reda volant le téléphone portable d’Edouard Louis, puis le violant sous la menace d’un pistolet. Histoire similaire à celle relatée par Eddy Bellegueule – le premier nom d’Edouard Louis -, dans sa déposition faite à la police le 25 décembre 2012. Une plainte qui, jusqu’à la sortie d’«Histoire de la violence», n’avait pas permis de retrouver le fameux Reda.

Les illusions éperdues d’Edouard Louis

Et voilà que, par un drôle de hasard, le Reda en question se voit interpellé à Paris le 11 janvier, soit quatre jours après la sortie du livre, pour une affaire de stupéfiants. Il est sans papiers mais le relevé de ses empreintes permet de l’identifier: des traces ADN avaient en effet été prélevées dans l’appartement d’Eddy Bellegueule après la plainte de ce dernier. Selon J.D., le petit ami de Reda, que nous avons rencontré cette semaine, ce dernier aurait nié tout acte de violence à l’encontre d’Eddy Bellegueule.

« Il avait complètement oublié cette histoire, jusqu’à ce qu’on lui présente des photos de l’écrivain, dit-il. Il reconnaît avoir passé la nuit avec lui, mais il ne l’a jamais violé et n’a jamais eu d’arme en sa possession. De sa vie, il n’a jamais été mis en cause pour une histoire sexuelle.»

Malgré les dénégations de Reda, le Parquet requiert sa mise en détention provisoire. La juge des libertés va dans le même sens et, de manière surprenante, cite dans son ordonnance la parution du livre comme une circonstance aggravante justifiant le placement en détention:

« La détention de X (…) constitue l’unique moyen de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public qu’a provoqué l’infraction en raison de sa gravité, des circonstances de sa commission, de l’importance du préjudice qu’elle a causé, en ce que la qualification vise un viol sous la menace d’une arme; que l’une des victimes est écrivain et qu’à l’occasion de la sortie de son dernier roman « Histoire de la violence » sous la signature d’Edouard Louis se sont trouvés évoqués publiquement à nouveau ces faits dont les conséquences préjudiciables ont pu être réactualisées, alors que le mis en cause est interpellé plusieurs années après les faits mais au moment de la parution du roman.»

Plus prudente, la Cour d’Appel de Paris, saisie par les avocats de Reda, confirmera la mise en détention, mais sans reprendre l’argument de la parution du livre d’Edouard Louis.

« En France, mieux vaut ne pas être violé quand on est pédé! »

Autre bizarrerie dans cette affaire, l’inertie des services de police trois ans durant. Riahd B., le vrai nom de Reda, était tout sauf un inconnu. Déjà condamné pour des faits de vol, il avait été incarcéré plusieurs mois en 2014. Aucun lien n’avait pourtant été établi à ce moment-là avec la plainte déposée par Eddy Bellegueule. «En France, mieux vaut ne pas être violé quand on est pédé !, s’emporte Emmanuel Pierrat, l’avocat d’Edouard Louis. La justice et la police se réveillent quand une histoire de viol devient un best-seller.»

La pierre angulaire du dossier repose maintenant sur cette question : les éléments disséminés dans Histoire de la violence permettent-ils l’identification de Reda? J.D. dit avoir reconnu son ami dès les premières lignes: «son nom, mais aussi sa description physique, sa façon de parler, son orientation sexuelle, le quartier où il traîne, ses origines kabyles.»

Accusations balayées par Me Pierrat : «Reda est un des dix prénoms les plus donnés dans le monde maghrébin pour les garçons de cette génération ! Louis délivre dans son ouvrage les mêmes éléments que ceux qu’il a donnés aux policiers. Aujourd’hui encore, personne ne sait qui est Reda: dans les documents judiciaires qui nous ont été transmis, il est présenté sous trois identités différentes.»

Sollicités par «L’Obs», Thomas Ricard et Matthieu de Vallois, les avocats de Riahd B., n’ont pas souhaité réagir.

Vérité littéraire et vérité judiciaire

Au-delà de l’identification d’un personnage réel dans une œuvre littéraire, se pose surtout la question du respect de la présomption d’innocence. Dans «Histoire de la violence», Edouard Louis présente Reda comme son violeur. Pour l’heure, c’est une vérité littéraire. S’accordera-t-elle avec la vérité judiciaire, c’est-à-dire le jugement qui tranchera cette histoire?

Voici en tout cas la partie civile Eddy Bellegueule devant composer avec l’écrivain Edouard Louis. Lequel, énième paradoxe, explique dans son ouvrage qu’il n’avait pas eu l’intention de porter plainte:

« Je pensais J’ai peur de la vengeance (…) et j’ajoutais (…) que c’était pour des raisons politiques que je ne voulais pas porter plainte, que c’était à cause de ma détestation de la répression (…), parce que je pensais que Reda ne méritait pas d’aller en prison»

Puis : « je disais seulement que je ne voulais pas que cette histoire s’étire sur les mois à venir, j’expliquais qu’une procédure me forcerait à me répéter encore et encore, que ce qui s’était passé deviendrait d’autant plus réel.»

Etrange immixtion de la réalité dans un romanesque qui n’en manquait déjà pas, comme si, se poussant du col, elle venait réclamer la part de lumière qui lui était due. Etrange confusion aussi, un livre devenant potentiellement un élément à charge – ou à décharge – dans une instruction pénale.

David Le Bailly

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Les 1ères pages de « Histoire de la violence »

Histoire de la violence publié par seuil

Renaud Lavillenie en cinq sauts victorieux

BEST OF.

Renaud Lavillenie a conquis cette nuit son deuxième titre de champion du monde en salle de saut à la perche. Le Français s’est imposé à Portland (Oregon, USA) avec un saut à 6,02m, le dix-huitième de sa carrière au-dessus de la barre des 6,00m.

L’occasion de revenir sur une carrière couronnée d’or. De son premier record de France à Leiria (Portugal) en 2009 à son record du monde sous les yeux de Serguei Bubka, en passant par son titre olympique aux JO de Londres, rétrospective de sa carrière en cinq sauts qui ont bâti sa légende.

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