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Lucinda Childs et Trisha Brown, deux divinités de la « post modern dance »

Pour la toute dernière fois de sa déjà longue trajectoire (il fut créé en 1972 par Michel Guy), le Festival d’Automne affiche simultanément deux des plus prestigieuses compagnies de danse qui, avec celle de Merce Cunningham, ont écrit son histoire et fait sa renommée : la Lucinda Childs Dance Company et la Trisha Brown Dance Company.

Pygmalion

Cette dernière, hélas ! ne se produira plus désormais sur la scène des théâtres. Précipitée en quelques mois dans une maladie qui lui a fait perdre jusqu’à son identité et ce qui faisait son génie, la chorégraphe Trisha Brown ne crée plus depuis sa si belle mise en scène dansée de « Pygmalion » de Rameau pour le Festival lyrique d’Aix-en-Provence en 2010 et son ultime création au Théâtre de Chaillot en 2011, « I’m Going to Toss My Arms ».

Après les toutes dernières représentations sur scène, en février 2016, à la Brooklyn Academy of Music (BAM), puis à Seattle (Washington), non loin de la ville d’Aberdeen où naquit Trisha Brown en 1936, sa troupe de sept danseurs, qui veut demeurer soudée, ne se produira plus que dans les musées et autres galeries d’art lors d’événements permettant d’adapter certaines de ses chorégraphies à la configuration des lieux.

Mais pour ses adieux à Paris, au Théâtre de Chaillot toujours, des adieux forcément émouvants, sinon déchirants pour tous ceux qui suivent depuis plus de 30 ans les créations de la chorégraphe américaine, sa compagnie présente quatre compositions qui couvrent la trajectoire si éblouissante de la co-fondatrice du collectif du Judson Dance Theater : « Solo Olos » (1977), « Son of Gone Fishin’ » (1981), « Present Tense » (2003), ainsi que « Rogues » (2011).

Chant du cygne de l’une des artistes les plus exceptionnelles de la danse américaine, ultime occasion de découvrir le style inimitable de Trisha Brown, cette souplesse du mouvement, ce relâchement des corps fluides, cette allégresse au service de constructions à l’insaisissable subtilité, le tout servi par des interprètes d’une exceptionnelle valeur.

La voisine de Broadway

Longtemps voisine de Trisha Brown au 541, Broadway, à New York, dans un immeuble où à chaque étage vivait un artiste illustre, Lucinda Childs a pu rendre vie à sa propre compagnie à la faveur de la reprise et de la tournée mondiale d' »Einstein on the Beach ». La troupe revient précisément de Corée où achevaient de se donner des représentations du spectacle conçu par Robert Wilson.

L’an dernier déjà, durant deux semaines, au Théâtre de la Ville, Lucinda Childs présentait son chef d’œuvre absolu, « Dance » (1979), l’une des chorégraphies les plus belles et les plus puissantes de tout le XXe siècle. Et cela devant des salles combles de spectateurs qui pour la plupart n’étaient pas nés à l’époque de la création et qui, soir après soir, réserveront à « Dance » un accueil triomphal, comme si cette pièce emblématique rencontrait enfin son public et prenait désormais pleinement la place qui lui revient dans l’histoire.

Childs, Adams, Gehry

Available Light (Craig T. Mathew)

Cette année, le Théâtre de la Ville relève une nouvelle fois le flambeau. Avec « Available Light » (1983), autre ouvrage majeur, qui unit les noms de John Adams pour la musique (« Light Over Water »), de l’architecte Franck Gehry pour la scénographie, lequel l’a proposée sur deux niveaux distincts, et de Lucinda Childs évidemment pour la chorégraphie. C’est encore une merveille, un prodige d’intelligence, une composition où la virtuosité de l’écriture, la perfection de l’exécution conduisent le spectateur à l’ivresse, pour peu qu’il sache s’abandonner à la séduction lucindienne.

On y retrouvera ce qui fascine dans « Dance » : la rigueur d’une composition qui envoûte, le rythme qui ensorcelle, la beauté d’une chorégraphie qui apparaît comme irréelle. Et ces deux niveaux où fusent et tournoient les danseurs, un peu comme dans le film imaginé par Sol Lewitt en guise de scénographie pour « Dance », qui élargissait l’espace à l’infini, exaltait la performance des danseurs sur la scène.

Trisha Brown et Lucinda Childs lors d’un même Festival d’Automne. Un miracle qui, hélas ! ne se reproduira plus.

Raphaël de Gubernatis

Festival d’Automne

Lucinda Childs Dance Company ; du 30 octobre au 7 novembre. Théâtre de la Ville ; 01-42-74-22-77.

Trisha Brown Dance Company ; du 4 au 13 novembre. Théâtre de Chaillot ; 01-53-65-30-00.

A Berlin, comment Silvio S., 32 ans, a tué Mohamed, 4 ans

Tous les Berlinois ont vu cette affiche en octobre : le portrait d’un petit garçon brun aux grands yeux, un Bosniaque de 4 ans, avec cette question : «Qui a vu Mohamed Januzi ?»

L’enfant a disparu le 1er octobre devant le Lageso, le principal centre d’accueil et d’enregistrement des réfugiés de la capitale allemande, entre 12 et 13 heures. Depuis jeudi après-midi, un livre de condoléances a été mis à disposition devant le centre. Les Berlinois y inscrivent leurs noms et déposent des fleurs autour. Mohamed est mort. Et pour de nombreux citoyens, politiques et activistes, l’administration de la ville devrait assumer une part de responsabilité dans ce tragique événement.

16h30, 1er octobre, la disparition

Le 1er octobre, Mohamed Januzi attendait avec sa mère devant le Lageso, comme 4 000 autres demandeurs d’asile chaque jour. Trop de monde et trop peu de personnel… Le centre d’accueil et d’enregistrement est débordé et d’interminables files se créent devant ses portes, dans des conditions sanitaires déplorables. Pour les nouveaux arrivants, l’attente, simplement pour se faire enregistrer, peut durer cinquante-sept jours.

Arrivée de Bosnie, la famille Januzi est, elle, en Allemagne depuis un an. Ce jour-là, Mme Januzi a rendez-vous pour un entretien de conseil. Mais à 16h30, elle informe la police : le petit Mohamed a disparu. A Berlin, la fièvre de la recherche de l’enfant commence.

Le 2 octobre, des affiches sont accrochées autour du site du Lageso, puis dans le Moabit, un quartier central qui jouxte la gare principale, et enfin dans la ville entière. De ses grands yeux et sa frange biscornue, le petit garçon regarde les Berlinois de tous les coins de la ville.

L’administration mise en cause

La police reçoit de premières indications. Mais aucune trace de Mohamed. Le 10 octobre, elle diffuse une courte vidéo, enregistrée le 1er octobre, jour de la disparition, à 14h40. Elle montre un homme avec des lunettes, une barbe, un chandail en laine et un jean. Il tient Mohamed par la main.

La police se concentre sur la zone autour du Lageso, où un chien renifleur a trouvé une trace éventuelle. Les policiers perquisitionnent dans les arrière-cours, les caves, les greniers. Ils interrogent des habitants et les propriétaires de cafés et de boutiques. Une récompense de 20 000 euros est offerte pour des renseignements. La police reçoit plus de 350 informations.

Toute la ville parle de la disparition. Beaucoup de politiques s’expriment, se déclarant consternés. Certains accusent l’administration du Lageso. Christian Hanke, le maire de l’arrondissement Mitte, où se trouve le bureau pour les réfugiés, affirme que la situation confuse devant le Lageso a favorisé l’enlèvement de l’enfant. «Une femme qui attend toute la journée dans une queue ne peut pas surveiller ses enfants tout le temps», dit Hanke. Bettina Jarasch, présidente des Verts de Berlin, est elle aussi critique : «Ce qui me dérange, c’est que la situation chaotique au Lageso a facilité un enlèvement.»

Le tueur présumé reconnu par sa mère

La police continue de chercher, mais pendant deux semaines, il n’y a aucun progrès. Puis, ce mardi, rebondissement : la police publie une photo, prise le 1er octobre, à 13h30, par une caméra d’un magasin d’une rue située à 600 mètres du Lageso. Sur la photo : l’homme de la vidéo – sans Mohamed.

90 kilomètres plus au sud, à Niedergörsdorf, une commune de 6 000 habitants, une mère reconnaît son fils de 32 ans sur la photo. Il vit avec elle. Elle lui demande des explications. Mercredi soir, il lui avoue l’homicide. Sa mère appelle la police jeudi matin.

Pendant que la police l’interroge chez elle, le fils arrive en voiture et s’arrête devant la porte. Dans son coffre, les policiers trouvent une bassine, avec le corps de l’enfant, couvert de litière pour chat. Le fils, identifié comme Silvio S., n’oppose aucune résistance à son arrestation.

La nouvelle se propage rapidement sur le site du Lageso et dans tout Berlin. Jeudi après-midi, des activistes et des réfugiés expriments leurs condoléances en respectant une minute de silence pour Mohamed. On s’interroge : y a-t-il un mobile raciste ?

Un deuxième meurtre avoué

Vendredi matin, lors d’un interrogatoire, le suspect avoue qu’il a violé et tué Mohamed, le 2 octobre, un jour après l’enlèvement. Et il avoue un autre meurtre sexuel : celui d’Elias, un garçon de 6 ans disparu cet été à Potsdam, près de Berlin. Le 8 juillet à 17h30, Elias avait dit «à tout à l’heure !» à sa mère, devant leur maison dans le quartier résidentiel Schlaatz de la capitale du Brandebourg, pour aller au terrain de jeux. A 18h45, elle veut l’y récupérer pour le dîner. Mais Elias n’y est plus. Malgré des recherches sans précédent, il n’a pas été retrouvé.

Selon les déclarations de son meurtrier présumé, Elias est enterré dans un site de jardins familiaux à Luckenwalde, près de Berlin. La police y effectue actuellement des recherches, et tente de savoir s’il peut y avoir d’autres victimes.

Fabian Federl

56Kast #58 : Réinventons la pub et chiffrons nos échanges

VIDÉO

Présenté par Camille Gévaudan, le 56Kast, émission hebdomadaire de Libération et Nolife, revient sur l’actualité numérique. Elle accueille dans son Quartier libre des chroniqueurs spécialisés dans le domaine public, le Web, les logiciels et les savoirs libres. Et, chaque semaine, le Potager du Web, où l’on surveille de près la culture web.

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Cette semaine, le grand bureau de la publicité en ligne fait son mea culpa et Tristan Nitot, de CozyCloud, revient sur les déclarations de Manuel Valls pour nous expliquer les bienfaits du chiffrement dans nos communications électroniques. Dans le potager du web, on revit les missions Apollo en vidéo.

 

De quoi on parle ?

L’actu :Ça bouge dans le secteur de la publicité en ligne. En Allemagne, exaspéré, le tabloïd Bild interdit l’accès de son site aux internautes utilisant un bloqueur de pubs. De son côté, l’Interactive Bureau of Advertising se rend compte qu’il est peut-être allé trop loin dans l’invasion de nos écrans, et fait son mea culpa en annonçant un nouveau format de bannières respectueuses.

Virgule WTF : La chanson du monstre du Loch Ness. Parce que.

Quartier libre :Il y a deux semaines, le Premier ministre Manuel Valls semblait sous-entendre qu’il existe – ou existera bientôt – une forme de cryptographie illégale. Tristan Nitot de CozyCloud nous rappelle que tout  chiffrement est aujourd’hui autorisé, et pourquoi il doit même être encouragé.

Potager du web : Deux internautes se sont approprié les photos des missions Apollo, récemment renumérisées par la Nasa, pour les mettre en mouvement et rejouer le voyage Terre-Lune en vidéo.

A poils :Flower Crashes Cat.

 

En vidéo, c’est où c’est quand ?

Le 56Kast est diffusé sur Nolife le mercredi à 20 heures.

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Et vendredi sur Libération.fr.

« Mein Kampf » à nouveau dans les librairies allemandes ?

Article paru dans « le Nouvel Observateur » du 10 novembre 2009.

De notre envoyée spéciale à Berlin.

L’idée donnera peut-être la chair de poule. A partir de 2015, les Allemands pourront acheter en toute liberté une nouvelle édition de «Mein Kampf» en allemand. Il ne sera plus nécessaire de se procurer la bible du national-socialisme rédigée par Adolf Hitler sur les marchés aux puces ou chez un bouquiniste, ni de la télécharger dans sa version anglaise.

Il suffira d’aller sur Unter den Linden, les Champs-Elysées berlinois, qui aboutissent à la porte de Brandebourg, d’entrer dans l’un de ses immenses magasins de souvenirs où l’on trouve aussi bien des livres de recettes made in DDR, à côté d’une Trabant grandeur nature, que de grandes tables surmontées du panneau «IIIeme Reich». Et là, entre le journal du philologue allemand Victor Klemperer, les souvenirs de Sebastian Haffner, la biographie de Hitler par Ian Kershaw, on pourra trouver des piles entières de «Mein Kampf». Théoriquement.

Car les autorités allemandes veulent tout faire pour empêcher que le manifeste antisémite ne devienne un best-seller, comme cela fut le cas lors de sa réédition en Turquie (2005) et en Indonésie (2007). Cela risquerait de ruiner trois quarts de siècle d’efforts considérables pour travailler ce passé aussi douloureux que honni.

Le 31 décembre 2015, soixante-dix ans après le suicide de Hitler dans son bunker (30 avril 1945), l’Etat de Bavière ne pourra pourtant plus interdire la publication de «Mein Kampf» car il ne disposera plus des droits de copyright que les Alliés lui avaient transmis après la guerre. Ce texte, partiellement dicté à Rudolf Hess par un Hitler en pleine dépression dans sa geôle de Landsberg après sa tentative de putsch avorté en 1923, tombera dans le domaine public.

De tous les textes nazis, «Mein Kampf», un pavé indigeste de 700 pages dans lequel Hitler a exposé sans fard sa théorie de l’«ordre nouveau», est le seul à ne pas avoir été republié en allemand depuis sa sortie, en 1927, puisque l’Etat de Bavière l’avait totalement interdit.

Depuis plusieurs années, les historiens allemands se querellent par tribunes interposées dans les grands journaux. L’enjeu du débat : doit-on considérer «Mein Kampf» comme un simple document historique, au risque de le banaliser? Ou bien doit-on continuer à lui donner un statut à part, au risque de le mythifier? A mesure que l’on se rapproche de la date fatidique de 2015, la nécessité de passer du débat théorique à une décision s’impose.

Horst Möller, historien conservateur, proche de la CSU (petite soeur bavaroise de la CDU, chrétiens-démocrates) et directeur de l’Institut d’Histoire contemporaine de Munich, mène le front d’une «réédition critique». «Il n’est évidemment pas question de publier une édition de poche, précise-t-il. Il ne s’agit pas de faire une édition commerciale, mais d’apporter un éclairage scientifique sur les origines et les inspirations de ce texte qui revêt une forte valeur symbolique en Allemagne. Une édition de cette nature n’a aucune chance d’intéresser les néonazis. Elle a un but strictement pédagogique.»

Pour l’institut de Munich, le temps presse. Car un travail de cette importance nécessiterait de trois à cinq ans. Cette réédition constituerait un morceau de choix. L’institut a déjà établi l’édition critique des Journaux de Joseph Goebbels en vingt-neuf volumes, et regroupé les discours, les écrits, et les instructions de Hitler en treize volumes. A son grand désespoir, Horst Möller n’a pas encore obtenu l’autorisation de l’Etat de Bavière, tétanisé par la crainte d’assister à un emballement médiatique. La Bavière a d’ailleurs signalé qu’après 2015 elle se réservait la possibilité d’attaquer en justice toute édition non critique en utilisant la loi contre le racisme et les discours de haine.

« Totalement indigeste »

Cet été, l’Institut d’Histoire contemporaine a pourtant reçu un appui soutenu de la communauté juive. Stefan Kramer, secrétaire général du Conseil central des Juifs d’Allemagne, a plaidé pour la republication d’un ouvrage critique et érudit. Une grande première. «Les Allemands ont besoin de notre tampon juif», s’exclame l’écrivain provocateur Rafael Seligmann, auteur d’une biographie de Hitler. Il fut le premier intellectuel juif à lancer la polémique, il y a cinq ans, en prônant la réédition de «Mein Kampf».

«Dans ce livre, Hitler apparaît clairement comme un ennemi de la démocratie qui veut la guerre avec la Russie et la France et souhaite la destruction des juifs, explique-t-il. Quand il sera réédité, tout le monde l’achètera en moins d’une semaine. Il sera en haut de la liste des best-sellers pendant deux mois? Et alors ! Ce sera un signe de maturité de l’Allemagne.»

Directeur du Centre de Recherche contre l’Antisémitisme de l’Université technique de Berlin, Wolfgang Benz se montre nettement moins enthousiaste. Comme une bonne partie des intellectuels de gauche. «Je ne vois pas à quoi servira une telle édition, à part faire de la publicité autour du livre, bougonne-t-il. C’est un texte totalement indigeste et illisible. Même moi, je n’ai jamais lu les 700 pages en entier ! L’édition critique fera 1500 pages… Ceux qui ont besoin de le lire ou de l’étudier peuvent très facilement se le procurer en bibliothèque. Dans notre centre, nous en avons sept exemplaires.»

Et le voilà qui sort un exemplaire quasiment neuf. Le brûlot ressemble en effet à une Bible, avec son écriture gothique devenue aujourd’hui illisible pour le commun des mortels.

Près de 12 millions d’exemplaires de «Mein Kampf» ont été vendus du vivant de Hitler. Ce qui a d’ailleurs contribué à son enrichissement personnel, car les livres étaient vendus fort cher et beaucoup de communes étaient vivement incitées à en commander de grandes quantités pour les offrir aux jeunes mariés. Les Alliés ont demandé aux Allemands de s’en débarrasser. Mais tous ne l’ont pas fait. Et il n’est pas rare que des quadragénaires aujourd’hui soient tombés un jour sur une édition originale planquée au fond de la bibliothèque de leurs grands-parents.

Ces dernières années, s’agissant de son rapport à Hitler, l’Allemagne a connu une grande évolution. En 1998 déjà, bien avant que les Japonais ne donnent dans le manga hitlérien, le caricaturiste Walter Moers avait remporté un vif succès avec «Adolf», une bande dessinée décapante sur la vie du Führer.

En 2004, le producteur de cinéma Bernd Eichinger avait réussi avec «Der Untergang» («la Chute») à sortir le premier film sur Hitler fait par des Allemands. Et, trois ans plus tard, le réalisateur Dani Levy signait avec «Mein Führer» un film déjanté sur le sujet. Les Allemands se sont arrogé le «droit» de ne plus s’intéresser seulement aux victimes du nazisme, mais aussi à ses bourreaux.

« Disneyland chez les nazis »

Ces débats rejoignent les polémiques engendrées par la volonté d’inscrire les lieux de mémoire maudits – ce que les Allemands ont appelé les Böse Orte – dans le patrimoine allemand. Ainsi, il a fallu des années de débat avant que la ville-Etat de Berlin n’accepte de transformer en mémorial la Villa Wannsee, où eut lieu en 1942 la conférence décidant des modalités de la solution finale. Les autorités redoutaient que les néonazis ne s’accaparent ce haut lieu du nazisme. Les mêmes discussions ont accompagné l’ouverture d’un musée à Berchtesgaden à proximité du «nid d’aigle», lieu de villégiature estivale de Hitler dans les Alpes bavaroises de l’Obersalzberg.

La volonté des Allemands d’expier les horreurs et massacres nazis a son revers: tous ces lieux deviennent aussi «touristiques» que les camps de concentration. D’ailleurs, l’éditeur Ch. Links ne s’y est pas trompé. En 2004, il a suscité un tollé en sortant son premier guide du Berlin de 1933 à 1945, qui note tous les endroits ayant marqué la période nazie. Le succès a été si grand qu’il a aussi lancé le Munich nazi et l’Obersalzberg nazi… Un vrai marché.

Certains Allemands ont dénoncé ce goût pour «Disneyland chez les nazis». «Les gens ne veulent plus seulement voir des camps de concentration, expliquait déjà en 2004 Andreas Nachama, directeur du centre de documentation Topographie de la Terreur, situé à côté de la Gestapo (police secrète nazie). Avant, on étudiait les structures du fascisme. Maintenant, on veut voir les lieux du fascisme. » Dès lors, ils voudront aussi lire le livre du fascisme. Le livre du Mal absolu.

Bien que l’Allemagne ait procédé à un important travail de mémoire, ce livre reste encore comme une «tache indélébile» dans le passé allemand. «Il renvoie à ce que savaient ou auraient dû savoir leurs grands-parents ou leurs parents, estime Antoine Vitkine, auteur de « Mein Kampf. Histoire d’un livre » (1). Il est le symbole d’une culpabilité collective refoulée.» En rééditant ce texte, les Allemands sont en passe de lever l’un des derniers tabous. Pour eux, il ne s’agit pas de banaliser «Mein Kampf», mais plutôt de le dédramatiser.

Odile Benyahia-Kouider

(1) Flammarion, 2009

Article paru dans le « Nouvel Observateur » du 10 décembre 2009.

« Le Caravage » : dans la chambre de Bartabas et de sa monture

Il fallait bien qu’un jour, à l’écran, le grand Cavalier consacre le grand écuyer. C’est chose faite, même si leur rencontre est ancienne. Le cinéaste de « Libera me » a en effet commencé à filmer Bartabas il y a dix ans, dans les coulisses du Châtelet, où, déjà en selle sur le Caravage, il galopait vers la Chine intérieure de Victor Segalen. Il a pris ensuite l’habitude d’aller rôder dans le camp retranché du chef de la tribu Zingaro, au fort d’Aubervilliers.

Là, avec sa petite caméra DV, le filmeur se glissait discrètement dans les écuries, le manège ou la carrière. Mais jamais il ne pénétrait dans le théâtre, cette cathédrale en bois sous la voûte de laquelle se donnent, le soir, les grand-messes équestres. Car ce qui, au sens propre, captivait Alain Cavalier, c’était leur mystérieuse préparation. Et c’était en particulier le lent, patient et précautionneux travail de Bartabas avec le Caravage, cet anglo-hispano-arabe à la robe isabelle, aussi brillant qu’un vieux cuivre, aussi rond qu’un fruit mûr.

Très tôt le matin, avec une fascination et une émotion d’autant plus fortes qu’il est néophyte en matière d’équitation, Cavalier assistait dans la pénombre à ce qu’il appelle « une cérémonie intime » : le dialogue silencieux entre le cavalier et sa monture, leur entente mélodieuse et méthodique, enfin l’apparition légendaire du centaure, moitié homme, moitié cheval.

La chambre à monter

On ne compte plus les films tonitruants et bavards consacrés à Bartabas. Celui-ci, à la fois sensuel et spirituel, est unique. Pour la première fois, en effet, il nous montre sans un mot, sans autres musiques que celles des sabots, des cuirs, des brides et des souffles, ce qu’on ne voit jamais : la chambre à monter – comme on dit « chambre à coucher » – où l’artiste s’accouple avec l’animal avant d’oser se produire en pleine lumière, dans le sable de la piste circulaire.

Avec quelle tendresse, et un rien de jalousie, le réalisateur de « Thérèse » filme aussi les longs préliminaires de l’extase : le pansage du Caravage, le curage de ses pieds, le nattage de sa queue, la pose des bandes sur ses tendons, et le travail à la longe avant le sanglage. Et puis, il y a cette scène tournée comme en caméra cachée : en pleine nuit, Bartabas se glisse dans la stabulation où somnolent une vingtaine de chevaux argentins, s’assied dans la paille, immobile, méditatif, et alors tous les naseaux se penchent vers lui pour caresser son visage. A la fin, c’est le Caravage qui viendra à son tour lécher voluptueusement l’objectif de la caméra de Cavalier, lequel éclate de rire. Le rire d’un piéton tombé lui aussi amoureux du Caravage.

Jérôme Garcin

♥♥♥ « Le Caravage« , documentaire français par Alain Cavalier, avec Bartabas (1h10).

1% des entreprises françaises concentre 97% des exportations, d’après l’Insee

L’économie française reste ultra-dominée par les très grandes groupes, puisque 1% des entreprises concentraient en 2013 97% de l’exportation, 65% de la valeur ajoutée et 55% de l’emploi du secteur marchand, selon une étude de l’Insee publiée mercredi, qui observe par ailleurs un effet positif du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).

Ces 24 000 entreprises représentent également 85% de l’investissement, avec plus de 500 000 euros annuels investis pour chacune, selon l’enquête de l’Insee. A l’inverse, une entreprise sur deux n’a pas investi du tout en 2013. Par ailleurs, entre 2012 et 2013, les plus grandes entreprises ont majoritairement été en croissance, tandis que plus de la moitié des entreprises de plus petite taille ont vu leur valeur ajoutée diminuer.

En 2013, les 2,4 millions d’entreprises françaises, hors secteurs agricole et financier, ont réalisé un chiffre d’affaires hors taxe global de 3 700 milliards d’euros et une valeur ajoutée de 986 milliards d’euros, soit 52% de la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie du pays. L’investissement est «en recul malgré un effet positif des créations d’entreprises», précise en outre l’institut, qui souligne que «l’investissement corporel brut hors apports recule à nouveau en 2013 de 1,8%, après -2,7% en 2012». Néanmoins, l’Insee constate que l’entrée en vigueur, en 2013, du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), a eu «un effet positif sur le taux de marge», et a «permis aux entreprises d’intégrer les exonérations de charges dans leur comptabilité dès 2013».

Selon Hervé Bacheré, économiste à l’Insee, «il s’est vraiment passé des choses avec le CICE». Il «semblerait» que le recours au CICE se soit amplifié en 2014, alors que l’année précédente, les petites entreprises étaient pour certaines «réticentes à faire la paperasse», a-t-il commenté. Ainsi, depuis 2012, le coût horaire de la main d’oeuvre a augmenté de façon plus modérée en France que dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne, l’Italie, ou le Royaume-Uni: +1,1% en moyenne par an dans l’industrie (+2,1% dans la zone euro), et +0,8% dans les services marchands (+1% dans la zone euro). «Cette hausse modérée tient notamment à l’entrée en vigueur» du CICE, commente encore l’Insee.

AFP

Syrie : Washington évoque une participation de Téhéran aux pourparlers

Les Etats-Unis ont annoncé mardi que Téhéran, allié du régime de Damas, pourrait prendre part aux pourparlers sur la crise syrienne, mettant parallèlement en avant leur volonté d’intensifier leurs frappes contre les jihadistes de l’Etat islamique (EI).

Le secrétaire d’Etat John Kerry doit participer en fin de semaine à Vienne à des discussions pour tenter de trouver une issue politique au conflit syrien, dans la foulée d’une première rencontre la semaine dernière entre les Etats-Unis, la Russie, l’Arabie saoudite et la Turquie. «Nous nous attendons à ce que l’Iran soit invité à participer», a indiqué le porte-parole de la diplomatie américaine, John Kirby, évoquant un scénario qui représenterait un tournant diplomatique majeur face à une guerre qui a fait plus de 250 000 morts depuis 2011.

Les responsables américains n’ont pas précisé qui transmettrait l’invitation à Téhéran ni s’ils s’attendaient à ce que la République islamique l’accepte. Ces nouvelles discussions doivent se tenir vendredi, mais plusieurs diplomates évoquent des rencontres préparatoires dès jeudi soir. Le sort du président syrien Bachar al-Assad continue de diviser Washington et Moscou, soutien clé du régime syrien. Preuve des grandes manoeuvres en cours, le président américain Barack Obama a appelé mardi le roi Salmane d’Arabie saoudite pour évoquer en particulier la lutte contre l’EI et une possible «transition politique en Syrie», selon un compte-rendu diffusé par la Maison Blanche qui n’évoque pas la place possible de Téhéran dans les discussions à venir.

L’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite -les deux grandes puissances rivales de la région- s’opposent ouvertement sur la Syrie. Téhéran apporte un soutien financier et militaire au régime du président Bachar al-Assad alors que l’Arabie saoudite soutient les groupes rebelles. L’Iran n’envoie officiellement pas de soldats en Syrie, mais seulement des «conseillers» membres des Gardiens de la révolution, l’unité d’élite de l’armée de la République islamique. Fait sans précédent depuis le début du conflit, Téhéran a annoncé très officiellement depuis début octobre la mort d’une quinzaine d’Iraniens en Syrie.

«Actions directes au sol»

L’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a estimé mardi qu’une solution était possible en Syrie si la Russie et les Etats-Unis parvenaient à «travailler ensemble». A l’issue de la première conférence internationale sur la Syrie (Genève 1), le 30 juin 2012, les grandes puissances avaient signé un plan de règlement du conflit prévoyant une transition politique, mais qui est resté lettre morte. «Il était peut-être trop tôt en 2012. Mais aujourd’hui nous voyons des contacts qui n’étaient pas possibles en 2012», a estimé MAnnan. Sur le plan militaire, Washington a affiché sa volonté d’intensifier les bombardements aériens contre les jihadistes de l’EI en Syrie et en irak.

«Nous prévoyons d’intensifier notre campagne aérienne, y compris avec des appareils supplémentaires de la coalition et des Etats-Unis, pour cibler l’EI avec des frappes plus nombreuses et plus fortes», a déclaré le ministre américain de la Défense, Ashton Carter, devant la commission des forces armées du Sénat. «Nous ne nous interdirons pas de soutenir des partenaires capables de mener à l’occasion des attaques contre l’EI, ou de mener ces missions nous-mêmes, que ce soit par des frappes aériennes ou des actions directes au sol», a ajouté Carter. Ce dernier a laissé entendre que des militaires américains pourraient de nouveau participer à des opérations terrestres contre l’EI, comme celle menée la semaine dernière par des forces spéciales pour libérer 70 prisonniers du groupe jihadiste. Cette opération a coûté la vie à un soldat américain, le premier à mourir en Irak depuis 2011.

Les Américains et leurs alliés pilotent une coalition internationale contre l’EI et soutiennent certains rebelles syriens ennemis du régime. De son côté, la Russie a lancé il y a près d’un mois une campagne de bombardements aériens en Syrie. Une intervention contre le «terrorisme», affirme Moscou. Des raids destinés à sauver le chef de l’Etat syrien, accusent Washington et ses partenaires. Carter a précisé que Washington se concentrerait désormais sur «trois R»: Raqa, Ramadi et raids. Ramadi est la capitale de la province d’Anbar, dans l’ouest de l’Irak, que les forces irakiennes tentent de reprendre à l’EI, avec le soutien des frappes aériennes de la coalition.

AFP

William Sheller : « Ecrire des textes n’est pas mon métier »

Inutile d’actionner le GPS, lui-même se perd dans cette campagne orléanaise où William Sheller vit comme reclus. En tournant à droite sur la nationale, la voiture emprunte un chemin qui longe un bois où courent peut-être des biches, et sûrement des lapins. Ici, « Il automne à pas feutrés », comme chantait sa copine Barbara. Au bout du cul-de-sac, une maison claire et silencieuse.

En entrouvrant la porte, on le trouve assis, fixant un point, sans doute un écran allumé sur toutes les violences du monde. En approchant, on découvre que l’artiste observe sa baie vitrée : un grand rectangle de feuillages. Depuis combien d’heures, de jours, de semaines est-il assis là, pensif ? William Sheller lance :

Quelle année horrible ! »

Pour l’essentiel, il l’a passée à l’hôpital, à soigner une arythmie cardiaque. S’il semble fatigué, il est surtout soulagé d’entendre les deux ventricules battre de nouveau en choeur. On peut maintenant parler de « Stylus », ce disque contemplatif fait de sublimes ballades, de piano et de cordes. Et évoquer le passé par touches.

La pochette du dernier album de William Sheller, « Stylus ».

* * *

Vous n’avez pas sorti d’album depuis 2008, on aurait pu vous oublier.

– William Sheller : Cela n’aurait pas été si grave! J’ai donné beaucoup de concerts, trop de concerts, à travers la France et à l’étranger. On me demandait d’écrire un album, mais quand on fait d’aussi longues tournées, on n’a plus rien d’autre à raconter que des histoires de scène, d’hôtel, etc. Rien de très nourrissant. Cela ne m’empêche pas de composer car c’est mon métier.

En revanche, écrire des textes n’est pas mon métier. Si je le fais, c’est que j’y suis obligé. J’aime écrire mais je redoute la page blanche. J’aurais pu faire appel à des paroliers, mais curieusement je n’ai jamais réussi à obtenir des paroles ouvragées, avec des clins d’oeil à Baudelaire ou à d’autres, et une utilisation du français qui se permette des inversions de syntaxe.

Souvent, comme parfois les danseurs, les auteurs ne mettent pas les pieds sur les bonnes notes. Je préfère encore souffrir. La musique m’évoque des images, à la manière d’une musique de film. Sur telle séquence j’imagine un personnage, une situation, des sentiments. Ne reste plus qu’à lui faire raconter une histoire.

Au risque de passer pour un vieux con, je déplore que la plupart des chanteurs mettent autant de syllabes qu’il y a de place sur une mélodie. Même si ce n’est pas esthétique, même si on pourrait dire la même chose autrement.

Vous vivez donc à la campagne. C’est très calme ici…

– Au bout d’un moment, je me suis demandé ce que je faisais à Paris. Je pouvais passer 15 jours sans sortir. Si au moins j’avais eu un jardin… Je venais souvent dans cette région rendre visite à mes petits-enfants, et je trouvais ce coin tranquille. Si tranquille que certains prétendent qu’on s’y ennuie.

J’ai quitté Paris en 2001. J’ai trouvé une maison dont les 400 mètres carrés m’épuisaient, d’autant qu’il pleuvait dedans. Au bout de dix ans, j’ai déménagé dans cette propriété qui appartient à un milliardaire allemand. J’y prends un peu de repos, mais je ne vois plus grand monde. Je reçois des amis le week-end, mais ils ne s’invitent que de fin mars à début octobre. Ce n’est pas grave, je suis bien là.

« Je préfère inventer des histoires »

Votre disque est à l’image du paysage : apaisé, appelant à la contemplation. Est-ce celui d’un homme heureux ?

– C’est surtout le disque d’un artiste qui a été obligé d’en faire un! L’important est d’avoir un fil à tirer, une histoire qui ne ressemble pas à celles que j’ai déjà racontées. Je me plais à juxtaposer les images de manière qu’on ne sache pas précisément ce qui s’y passe, mais que l’on devine la situation, effrayante ou pas, qu’il y a derrière. Par exemple, je n’écrirais jamais : « Je suis allé au marché », mais : « Ce matin le marché était inondé de soleil. » On comprend que j’y étais.

Pour y parvenir, je noircis des rames et des rames de papier. J’écris à la main, à l’ordinateur je n’y arrive pas. Si ces chansons sont apaisées, c’est que je suis au calme, c’est vrai, ne jetant que de temps en temps mon regard de misanthrope sur les informations.

J’évoque quelques sujets qui sont dans l’air du temps, comme ces enfants de divorcés que le père récupère le week-end et dont il ne sait trop que faire. Mais je préfère inventer des histoires, je suis assez mauvais pour donner un avis sur l’actualité.

De ces enfants de divorcés, vous chantez qu’ils sont « sans famille ». N’est-ce pas violent pour évoquer une situation devenue banale ?

– Une famille recomposée ou monoparentale n’est plus une famille, mais un éclatement. Alors, c’est peut-être très banal, mais cela reste douloureux, c’est une faille. Je l’ai vécu.

Vos parents ont divorcé ?

– Ah non! Mes parents se sont mariés quand j’ai eu 50 ans. C’est dire s’ils ont eu le temps de m’élever. Moi, oui, j’ai divorcé, et ce fut tragique à tel point que je n’aime pas beaucoup chanter cette chanson. Elle me rappelle des souvenirs pénibles.

Il y a un autre enfant dans le disque, que vous surnommez « le petit Pimpon ». Que lui arrive-t-il ?

– C’est une version alambiquée d’une chanson de Crosby, Stills and Nash qui dit : « Si tu n’es pas avec celle que tu aimes, aime celle avec laquelle tu es. » Les parents du petit Pimpon sont visiblement heureux, sauf que le père a un secret, le souvenir d’un amour qui n’a pas abouti.

Ce n’est pas la mère du petit qu’il aimait à l’origine. Finalement, ce n’est pas plus mal, et le petit garçon s’endort auprès de ses parents. La famille est réunie, réussie. Ce n’est pas la passion, mais cela vaut peut-être mieux tout compte fait.

« Les Souris noires » est la chanson qui assombrit le plus votre disque. On croirait une lettre telle que les poilus en envoyaient à leur famille.

– J’aime bien cette image baudelairienne : « Les souris noires ont les yeux rouges, ma mère. » Cette chanson se situe dans l’avant-guerre, plutôt au Moyen Age avec les sabots de chevaux en fond sonore, mais elle peut s’inscrire dans toutes les époques.

C’est une lettre, qui aboutira ou pas, écrite par un jeune homme. Ma voix ne vieillit pas, ne chevrote pas, j’ai de la chance : je peux incarner quelqu’un de plus jeune que moi. Quand j’ai fait « Excalibur », le personnage avait 18 ans, moi 32, mais ça passait.

« Barbara dans tous ses états »

Vous fêtez les 40 ans d’une carrière commencée sous les encouragements de Barbara. « Tu devrais chanter », vous avait-elle conseillé.

– Barbara cherchait un arrangeur pour son album « la Louve ». François Wertheimer, qui lui avait écrit de forts beaux textes, est venu me trouver. Barbara ne voulait plus entendre parler de ses précédents arrangeurs parce que celui-ci avait raté tel morceau, celui-là ne la faisait pas rire. Bref : Barbara dans tous ses états, énervée avant d’avoir commencé.

J’avais enregistré une messe pour des amis, « Lux aeterna », un disque devenu culte depuis. Il se refile aujourd’hui en douce, mais à l’époque on l’avait vendu comme des cages à lion : environ 1.000 exemplaires. Barbara l’entend et clame aussitôt que c’est exactement ce qu’elle recherche, qu’elle raffole des « cordes bleues ». J’arrive, tout blond et de blanc vêtu; elle pousse un cri, prétend que je vais lui porter malheur.

En parlant chanson, nous nous découvrons des références communes malgré nos 15 ans d’écart. Je la connaissais pour l’avoir vue chez Denise Glaser, mais aussi en première partie de Sacha Distel, à la faveur d’un gala organisé par les parfums Rochas, au Théâtre des Champs-Elysées. Ma grand-mère y travaillait comme ouvreuse et mon grand-père comme régisseur de plateau, si bien que j’y passais mon temps, me forgeant une solide culture. Quand je l’ai rencontrée, Barbara emménageait à Précy-sur-Marne… et moi avec elle.

C’était particulier, non?

– Je n’y ai passé que six mois, mais c’était suffisant pour constater des bizarreries tout à fait naturelles chez elle. Comme sa spécialité culinaire : les omelettes à un oeuf qu’elle me faisait manger tandis qu’elle tournait autour de moi en suçant un citron. Le tout en déshabillé noir comme Edwige Feuillère dans « l’Aigle à deux têtes ».

J’avais l’impression qu’elle ne fermait pas l’oeil de la nuit, je l’entendais fourrager là-haut comme si elle déplaçait des commodes ou je ne sais quoi. Au beau milieu de la nuit, elle frappait à ma porte : « Tu dors? » Plus maintenant! On traversait le jardin pour aller dans sa pièce à musique chercher l’accord sur lequel elle butait depuis des heures. Il fallait trouver celui qui lui permettrait de lancer sa main en l’air, dans ce geste de diva qu’elle faisait sur scène. Je trouvais la solution et j’allais me recoucher.

William Sheller, Alain Souchon et Michel Jonasz, à Paris en 1979. (Aslan / SIPA)

Comment cela s’est-il fini?

– Durant l’aventure de « Lily Passion ». J’y ai travaillé avant d’être mystérieusement mis à l’écart, comme tout le monde, comme Roland Romanelli juste avant moi. Nous enregistrions des morceaux splendides, ça prenait une de ces gueules! Jusqu’au jour où j’avais rendez-vous avec elle et où elle n’est pas venue.

Elle devait soi-disant choisir les tissus pour ses costumes. J’avais répondu : « A quoi ça sert? Quoi qu’il arrive, tu seras en noir! » Je ne l’ai pas revue. Et tout ce que nous avions enregistré a disparu. Une fois, elle m’a appelé pour me dire qu’un jour elle m’expliquerait pourquoi. Elle ne l’a jamais fait.

Ce qui devait être son chef-d’oeuvre a été détruit pour des raisons que j’ignore. Ce que nous avions composé devait être joué par un orchestre symphonique, ça coûtait cher d’en engager un au Zénith. Ils ont éliminé tous les personnages pour ne garder que trois musiciens et les têtes d’affiche : Barbara et Depardieu.

« De la musique vraie. De la musique bio »

Depuis quelques années, vous semblez assez seul dans le métier. On vous voit rarement à la télévision. Est-ce volontaire?

– On ne voit guère plus Christophe ou Jean-Louis Murat. A l’époque des Carpentier, par exemple, il y avait de l’imagination. On jouait des sketchs qui n’étaient pas écrits par Sacha Guitry, certes, mais c’était sympa. Et même si on chantait en play-back, on s’amusait.

On se fréquentait hors des émissions, et dans les maisons de disques il y avait des salons pour que les artistes passent un moment ensemble s’ils en avaient envie. Cela n’existe plus. A un moment, c’est devenu un tel fourbi que nous n’avions plus le temps de nous voir. A présent, si je reste en retrait, c’est que je me suis retrouvé dans des émissions où je n’avais rien à faire.

Vous avez découvert et soutenu quelques artistes, comme Jean-Louis Murat ou Damien Saez.

– Jean-Louis était venu me donner une cassette du temps où, inconnu, il jouait avec son groupe, Clara. Il avait de ces textes! Damien a fait la même démarche, nous avons beaucoup discuté, et j’ai aimé ses chansons. Je n’ai pas fait le forcing pour qu’il signe chez Universal, mais j’ai beaucoup parlé de lui.

Cependant, on ne peut pas dire que je l’aie lancé comme Edith Piaf a lancé Montand, par exemple. Je ne l’ai pas imposé sur scène, ce que nous faisons est incompatible. Ces artistes m’intéressent toujours, mais pour entendre leurs chansons, il faut le vouloir! Ils sont sous-exposés. Quand je les écoute, l’un comme l’autre, je les trouve admirables et, souvent, je me dis que j’aurais aimé écrire ça.

Jeanne Cherhal a repris votre « Maman est folle ». Il y a une vraie influence de vous sur elle.

– Une influence musicale, oui, qu’elle puise aussi chez Véronique Sanson. Par goût, elle est attachée à un sens de la mélodie, des harmonies un peu fouillées, de la musique vraie. De la musique bio, si je puis dire : ce n’est pas de la musique qui naît des programmes d’ordinateur, mais d’un doigt qui se pose sur une mauvaise touche et fait soudain naître une idée. C’est la base, l’essence même.

Récemment, j’ai été étonné et ravi d’entendre Christine and the Queens reprendre sur scène « Photos souvenirs ». En général, on choisit plutôt « Un homme heureux », comme si j’étais né avec cette chanson. Quand je pense que personne n’y croyait… Sur internet, la vidéo de ce titre a été vue plus de trois millions de fois! Je ne vais pas me plaindre, mais j’ai tout de même composé des morceaux autrement plus intéressants.

Propos recueillis par Sophie Delassein

CD : « Stylus« , par William Sheller (Mercury).

Concerts : les 8 et 9 décembre aux Folies-Bergère, Paris-9e.

« En Israël, nous ne sommes pas de véritables citoyens »

Sayed Kashua. J’avais été invité à séjourner à l’université de Chicago, dans l’Illinois, pour travailler sur mon nouveau roman et prendre un peu de recul, de vacances. Pas plus. Mais il y a plus d’un an, peu avant mon départ, la situation politique a brutalement empiré en Israël, jusqu’aux débordements auxquels on assiste aujourd’hui, et je n’en pouvais plus. J’ai totalement perdu espoir de voir les choses s’arranger.

Je n’avais jamais connu une telle haine dans les rues de Jérusalem, une telle animosité envers les Arabes. Même mes collègues me regardaient différemment, ils avaient ce point d’interrogation dans le regard qui demande: «Es-tu avec nous ou contre nous?» Après l’enlèvement et l’assassinat de trois jeunes Israéliens en juin 2014, les partis d’extrême droite réclamaient vengeance.

Lorsqu’en juillet 2014 Mohammad Abou Khdeir, un adolescent palestinien de 16 ans, a été brûlé vif par des extrémistes juifs en représailles à ces enlèvements, j’ai réalisé que je devais quitter le pays. J’étais terrifié et habité par le sentiment d’avoir échoué.

Pendant des années, moi, Arabe israélien, j’ai imposé à mes enfants de suivre mon modèle: parler l’hébreu mieux que l’arabe, fréquenter des écoles mixtes, vivre dans un quartier juif dont nous étions la seule famille arabe. Et tout cela en vain!

Jusqu’ici je revendiquais ma marginalité; je refusais de me plier à ces règles que je ne reconnaissais pas, la ségrégation entre les Arabes et les juifs. N’étais-je pas un citoyen israélien qui avait le droit de vivre où il l’entendait et de vouloir les meilleures écoles pour ses enfants?

Quel effet cela vous fait-il d’avoir quitté Jérusalem pour les étendues immenses de l’Illinois?

J’enseigne l’hébreu à des juifs de Champaign, dans le Midwest. Je les ai prévenus qu’ils allaient avoir un étrange accent, mais cela les a fait rire! Je ne sais pas encore comment cela va influencer mon écriture. Il faut que je m’habitue à la nourriture, au calme et surtout à l’idée que j’ai abdiqué. Ce n’est pas facile, mais ce n’est pas la faute du Midwest! La première chose que je lis en me réveillant, c’est toujours «Haaretz», je ne connais pas le nom du maire de Champaign… mon esprit est toujours en Israël.

Dans votre série télévisée «Travail d’Arabe», qui a battu tous les records d’audience, votre personnage principal est un Arabe qui essaie désespérément et de manière assez comique de s’intégrer au sein de la société israélienne. Et dans votre livre «Les Arabes dansent aussi», vous écrivez que rien ne vous fait plus plaisir que d’entendre de la bouche d’un juif que vous n’avez pas l’air d’un Arabe…

Je me suis toujours dit que les Arabes devaient essayer de forcer leur chemin au sein de la société israélienne, malgré les lois, les humiliations… Mais les Arabes, comme les Israéliens, se méfient de cet état d’esprit. Mon père me disait : «Ce n’est pas naturel de vivre là-bas à Jérusalem», et je lui répondais que vivre dans un village uniquement palestinien n’était pas plus naturel…

« Arabe israélien » : quel rapport entretenez-vous à votre nationalité?

Je ne sais pas. Une chose est sûre cependant: cette identité est un problème. Pour les Israéliens, nous ne sommes pas de véritables citoyens, ils nous considèrent comme une cinquième colonne, une menace. Une incongruité de l’Histoire. Et c’est vrai que nous faisons partie d’un pays dont nous combattons le plus souvent les idées. Un juif de l’Illinois qui n’est jamais sorti des Etats-Unis, comme c’est le cas de mes étudiants aujourd’hui, se sent plus israélien qu’un Arabe qui vit en Israël.

Pourtant, je n’ai pas envie de vivre non plus dans mon village natal, Tira. Les villages palestiniens sont dans un état pitoyable, ravagés par le crime. Tira, c’est la maison d’enfance à laquelle je pense avec nostalgie, mais c’est un endroit trop conservateur, patriarcal. Mon écriture et mes engagements m’ont-ils aliéné ce refuge? Aurais-je dû vivre là-bas auprès de mon père et de mes frères? Je retourne ces questions aujourd’hui dans ma tête.

Avant, nous étions les «Arabes israéliens», mais Emile Habibi, l’écrivain israélien d’origine arabe, a écrit que c’était un terme humiliant; alors on nous a rebaptisés les citoyens palestiniens d’Israël. Ce ne sont que des mots. L’homme politique Avigdor Lieberman, qui a dit que tous les Arabes infidèles à Israël devraient être décapités à la hache et qui veut nous retirer notre carte d’identité, nous appelle aussi les citoyens palestiniens d’Israël; et dans sa bouche ce n’est pas une marque de respect… D’ailleurs, malgré nos députés à la Knesset, nous n’avons aucun pouvoir dans le gouvernement.

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire en hébreu alors que l’arabe est une langue si littéraire ?

Difficile à expliquer. J’ai une relation très compliquée à cette langue. C’est la seule dans laquelle je peux m’exprimer correctement. Dès l’âge de 15 ans, j’ai cessé de lire des livres en arabe. Je peux écrire les scénarios de ma série dans les deux langues parce que c’est de l’arabe parlé, mais cela s’arrête là. La première fois que j’ai pénétré dans une bibliothèque, c’était au pensionnat, et les livres étaient tous écrits en hébreu. C’est là que j’ai découvert la littérature.

Pourquoi ai-je négligé l’arabe ? Peut-être parce que je voulais m’intégrer. Je voulais aussi influencer les Israéliens par mes écrits puisque c’étaient eux qui détenaient le pouvoir. Je voulais faire entendre la voix des Arabes dans la langue des juifs. Mais aujourd’hui et surtout depuis que je vis en exil, je me retrouve prisonnier de l’hébreu !

Je ne suis plus sûr de pouvoir arriver à changer les mentalités des Israéliens, et pourquoi alors m’exprimerais-je dans leur langue? Je ne pense plus à eux quand j’écris de la fiction, et pourtant ils constituent 80% de mes lecteurs. J’ai perdu la foi. C’est paradoxal de penser que la langue dans laquelle je me sens en sécurité est la langue du sionisme… J’aurais dû apprendre le yiddish!

Je n’ai pas de relation charnelle à l’hébreu, c’est une langue assez limitée, bien plus pauvre que l’arabe. Mais l’arabe littéraire n’est pas non plus ma langue, il est très loin du palestinien que je parle. En fait si je m’analyse, le fait d’écrire en hébreu m’a procuré un sentiment de liberté. Je me suis libéré des tabous de l’enfance. Il était plus facile d’écrire à propos de l’alcool, de l’amour et même de Dieu en hébreu. Cela porte moins à conséquence pour moi d’écrire «Elohim» qu’«Allah». Et sans doute ai-je aussi choisi d’écrire en hébreu pour que Dieu, qui doit être musulman, ne puisse pas me lire. Mais si Dieu est juif, alors je suis foutu !

Propos recueillis par Sara Daniel

Sayed Kashua, bio express

Né en 1975 à Tira, Sayed Kashua tient une chronique pour «Haaretz», a écrit la série télévisée «Travail d’Arabe» et est l’auteur d’«Et il y eut un matin» et de «la Deuxième Personne». Les Editions de l’Olivier viennent de republier son premier roman, «Les Arabes dansent aussi». Nous l’avons rencontré à Paris lors du Festival des Ecrivains du Monde, organisé par l’université Columbia et la BnF.

Entretien paru dans « L’Obs » du 22 octobre 2015.

« Les Arabes dansent aussi », 1ères pages

Les Arabes dansent aussi publié par olivier-l

Talents des Cités : «Mon projet, c’est l’histoire de ma vie»

Session extraordinaire au Sénat ce samedi. A l’ordre du jour, la quatorzième édition du concours «Talents des cités», qui récompense les entrepreneurs des quartiers prioritaires. Lancée par le ministère de la Ville, cette initiative entend récompenser une cinquantaine d’entrepreneurs issus d’endroits dits sensibles. Parfois venus de très loin – Haute-Normandie, Aquitaine ou encore Provence-Alpes-Côte-d’Azur –, tous ont créé ou projettent de créer leur entreprise, souvent en partant des réalités de leur quartier. Au Sénat samedi, ils ont eu l’occasion de raconter comment est né leur projet.

«Je voulais prouver qu’il était possible d’ouvrir un commerce»

Les bras levés, un large sourire, Anne-Cécile Ratsimbason, 30 ans, exulte de joie en descendant les marches de l’hémicycle. Son nom vient de résonner dans l’assemblée au terme de deux heures et demie de cérémonie. Sous le regard des statues de Malesherbes, Colbert et Portalis, grands législateurs, elle remporte le grand prix Talents des cités 2015 pour avoir créé AC Ratsimbason Création, une entreprise spécialisée dans la conception de vêtements sur mesure pour les personnes suivant un traitement médical. «Petite, je portais un corset orthopédique parce que j’avais une lourde scoliose. Ce n’était pas facile. Mon médecin traitant, qui savait que j’étais styliste, m’avait alors suggéré de créer une ligne de vêtements spéciale pour tous ceux qui suivent un traitement médical contraignant. Aujourd’hui, je suis fière d’avoir pu dessiner et créer des vêtements adaptés», raconte avec émotion la jeune femme. Elle s’est non seulement inspirée de son histoire personnelle, mais aussi de la particularité de son quartier : «Je suis franco-malgache, j’ai grandi à Nice dans un quartier culturellement mixte. C’est un atout, une richesse par rapport aux autres. Et si j’ai eu envie d’y créer mon entreprise, c’est parce que je voulais prouver qu’il était possible d’y ouvrir un commerce et de le faire perdurer.» 

«J’ai voulu agir, faire quelque chose»

Lunettes carrées vissées sur le nez, posture très droite, Ruth Nadège Ibondou Tala a pris place au milieu de l’hémicycle. A 30 ans, cette mère isolée fait partie des lauréates régionales du concours, dans la catégorie «Emergence». Elle a pour projet de créer un cabinet de psychologie sociale et du monde du travail dans sa petite ville d’Hérouville-Saint-Clair (Calvados). «Mon idée est de créer un espace où je pourrai, entre autres, recevoir des personnes victimes de harcèlement moral ou en décrochage scolaire.» Gabonaise d’origine, elle est arrivée en France à l’âge de 25 ans, dans une ville normande qui l’a beaucoup inspirée. «Dès que je suis arrivée, j’ai fait le constat que la majorité des habitants d’Hérouville-Saint-Clair est issue de l’immigration et souffre du fort taux de chômage [18 % de chômeurs en 2011, ndlr]. D’ailleurs, moi-même je l’ai vécu. J’ai voulu agir, faire quelque chose pour soutenir toutes ces personnes. Mon projet, c’est donc l’histoire de ma vie, de ma cité.»

«On peut apprendre à tout âge»

Vanessa Yardin a, elle, créé un centre de formation en peinture du bâtiment, des décors et sols. En veste grise égayée par une chaîne dorée, elle reçoit timidement son deuxième trophée. Lauréate nationale, elle vient de remporter la mention spéciale du jury. Une réussite qu’elle espère transformer en exemple pour ses proches et pour ses élèves : «Il faut que les personnes que je forme voient qu’on peut rebondir. J’ai tout investi personnellement, et je reçois aujourd’hui un soutien énorme, médiatique et pécuniaire. Alors que je n’ai ouvert le centre qu’en février.» Choisi par d’anciens lauréats Talents des cités pour le douzième prix national, son projet est une tentative de subvenir aux problèmes d’emploi en quartier populaire. «Dans le mien, près de Bordeaux, le chômage est très élevé. Et dans mon entourage, j’entends plein d’artisans et d’agences d’intérim se plaindre de ne pas trouver assez d’employés qualifiés. Je pense que ce centre, c’est l’endroit où il faut être.» Elle ajoute que sa plus grande fierté, ce sont ses élèves, tous des adultes âgés de 25 à 46 ans. «Quand ils ont le diplôme en main, on voit l’étincelle dans leurs yeux, parce qu’ils vont pouvoir changer de vie.» Vanessa y voit aussi la démonstration qu’«on peut apprendre à tout âge».

Sala Sall du Bondy Blog , Louis Gohin du Bondy Blog

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