C’était la petite rumeur qui montait, hier soir, dans les rues de La Rochelle : le Premier ministre Manuel Valls aurait giflé un jeune militant socialiste, lors d’un coup de sang. Un autre aurait été bousculé (ou pire) par son service d’ordre, ou peut-être était-ce Jean-Christophe Cambadélis. Ou comment une franche explication s’est transformée en un tweet en agression physique.
La «scène» a eu lieu au cours du traditionnel dîner entre militants, organisateurs, et personnalités du gouvernement, la veille de la clôture de l’université d’été du PS. Manuel Valls, accompagné du premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis, ont comme à leur habitude, fait le tour des tables, dans la grande salle de buffet qui jouxte la plénière. En s’approchant de celle des MJS, certains se sont levés et ont commencé à siffler et hurler : «Macron démission ! Taubira Matignon !». Jean-Christophe Cambadélis est alors allé à leur rencontre, pour leur intimer l’ordre de se calmer.
«Il y a eu une sorte de bousculade» selon un militant présent cité par Buzzfeed.«Il est impressionnant Jean-Christophe, ça a fonctionné, un peu», narrait hier soir un proche du premier secrétaire, croisé à la sortie du dîner. «Mais deux ou trois militants sont restés debout et ont continué à crié, raconte-t-il. Jean-Christophe Cambadélis s’est rapproché de l’un d’eux, il y a eu un échange de regard un peu… tendu». «Camba a dit « ça suffit, tais-toi maintenant »», raconte un autre témoin de la scène. L’incident clôt, Valls se serait ensuite assis près de l’un d’eux, et lui aurait tapoté la joue amicalement, selon une autre source, citée également par Buzzfeed.
Le geste aurait-il pu être interprété par certains comme une «gifle» ? Dans l’entourage du premier secrétaire, on s’en amuse : «C’est comme le téléphone arabe. Plus on avançait sur le vieux port hier [l’espace Encan, où se tient l’université d’été, se situe à quelques mètres du port et du centre historique de La Rochelle, ndlr] et plus on entendait qu’il avait giflé. Alors qu’il y a simplement eu une franche explication», dit un proche de Cambadélis.
Dimanche matin, sur les réseaux sociaux quelques internautes continuaient encore de relayer la rumeur, tweetée pour la première fois samedi soir à minuit par le secrétaire national du Parti de gauche Alexis Corbière. Cambadélis, maintenant, aurait étranglé un militant.
On me souffle que @manuelvalls a giflé un militant du MJS qui avait crié « Macron démission ». Manu Militari. #UEPS
L’Obs. Dans votre roman, vous ne faites pas preuve de beaucoup de modestie. C’est un concept bourgeois, la modestie?
Edouard Limonov. Ce n’est pas ça. C’est peut-être mon âge. J’ai 72 ans et c’est le moment des accomplissements. Je connais ma valeur, mon importance. Pas plus, mais pas moins non plus.
En France, un roman politique serait sans doute ennuyeux. Pourquoi le vôtre ne l’est-il pas?
Avec «Soumission», Houellebecq a aussi écrit un livre politique. Evidemment, il est toujours dans son rôle de bourgeois pourri, moitié je ne sais quoi, moitié Bukowski raté. Mais c’est quand même un vrai livre politique.
Pourquoi refusez-vous de commenter la biographie qu’Emmanuel Carrère a écrite sur vous?
Ma bonne éducation m’interdit de donner mon avis. Emmanuel Carrère a créé un mythe. Il parle de moi comme d’un écrivain qui est déjà mort. Je suis pragmatique: il a écrit un best-seller vendu dans une trentaine de pays, même au Japon. Et ce qui compte dans ma vie, ce sont les victoires. Avec l’aide de Carrère, fils d’une famille renommée, je suis arrivé à une place où je n’espérais pas arriver. Dans toutes les familles bourgeoises, dans toutes les bibliothèques. Tout cela me donne un plaisir malin.
Ce qui est étrange dans votre dernier livre, c’est que vos idées paraissent plus proches de celles du pouvoir, que vous combattez, que de celles des libéraux avec lesquels vous êtes dans l’opposition. Plus proche de Poutine que d’un Nemtsov, le leader libéral assassiné.
Mais Nemtsov n’était même pas libéral ! Il était le joker de Boris Eltsine. Il devait lui succéder, il était même préféré à Poutine. Alors Nemtsov était devenu amer. Il était jaloux du destin incroyable du petit Poutine. On le voit lors des manifestations: ces libéraux sont des oiseaux qui tweetent tous les jours, une classe de bourgeois apeurés, bons à rien.
D’un autre côté, vous, les Occidentaux, vous exagérez l’importance de Poutine. J’ai formulé depuis plus de vingt-cinq ans l’idéologie de notre Etat national. Je ne soutiens pas Poutine, c’est une idiotie de dire ça, mais il a utilisé une partie de mes idées. Ce n’est pas moi qui soutiens Poutine mais lui qui soutient mes idées! Il a été forcé de réaliser certaines d’entre elles, comme la réunification de la Crimée avec la Russie.
Vladislav Sourkov, qui passe pour l’idéologue du régime de Poutine, s’est-il inspiré de vous?
Ce n’est pas moi qui le dis. Tout le monde le sait. Sourkov n’a pas d’idées à lui seul. Il prend des idées à droite, à gauche, et il les assemble. Contrairement à lui, moi, j’ai mes propres idées. Je ne suis ni de droite ni de gauche. Mon premier parti était moitié de droite, moitié de gauche. C’était une nouveauté dans le monde idéologique.
Dans la société moderne, il n’est pas possible de garder cette pureté idéologique qui date de la Révolution française. Notre réalité est totalement hybride. Par exemple, nous avons le Parti communiste russe qui croit en Dieu, en l’Eglise. Et moi, je suis un hérétique.
Vous êtes impérialiste mais pas un nationaliste russe. Quelle est la nuance?
Chez nous, nous ne pouvons avoir un Etat avec une seule ethnie. La Russie compte par exemple une vingtaine de millions de musulmans. Des musulmans qui n’arrivent pas d’Algérie ou d’ailleurs, comme en France. Ce sont des musulmans qui ont toujours habité ici, depuis des siècles. Ils sont des nôtres.
Comment analysez-vous la position de Poutine sur l’Ukraine?
Il faut comprendre le comportement de Poutine. Il était très satisfait de ses jeux Olympiques, le plus grand événement de sa vie. Il avait beaucoup préparé ces étranges jeux Olympiques d’hiver dans cette région subtropicale de Russie, à Sotchi. Et tout à coup, à Kiev, surgit la révolution de Maïdan, à mon avis menée par les nationalistes ukrainiens. Poutine était coincé. Il ne savait que faire. Alors il s’est tourné vers la Crimée, où j’avais manifesté plusieurs fois pour demander la réunification avec la Russie.
Poutine avait un problème grave. Il savait alors que notre peuple ne lui pardonnerait pas s’il ignorait le désir de la Crimée de se réunifier avec la Russie. Il connaissait le danger. Il savait que l’Occident serait contre lui. Mais il n’avait pas le choix. Pour la Crimée, la Russie avait un plan depuis longtemps, comme les militaires planifient tout. Finalement, Poutine a trouvé le courage de lancer ce défi à l’Occident. Il a fait la réunification. Et celle-ci le propulsait au septième ciel, sa popularité frisait les 90%.
Mais voilà que commence le soulèvement dans le Donbass [par les séparatistes armés prorusses, dans l’est de l’Ukraine, NDLR]. Poutine n’en voulait pas. Il avait peur de rompre avec tout le monde à cause de cette terre sans grand intérêt. Alors, depuis un an et demi, il essaie de se débarrasser de ce problème. Ce n’est pas lui qui a lancé cette révolte. Ce n’est pas l’armée russe, comme en Crimée. C’est le peuple. Il veut arrêter cette guerre. Il viole le Donbass. Il est l’ennemi du Donbass.
Quelle est la position de votre parti, l’Autre Russie, sur l’Ukraine?
Notre parti a des groupes qui se battent là-bas, dans le Donbass. Nous avons eu des morts, des blessés. Nous organisons ces volontaires. Je l’ai dit dès 1992: nous avons laissé hors de Russie 27 millions de Russes et un jour nous devrons les réunifier avec la Russie les armes à la main. Et nous devrons aussi prendre les villes du nord du Kazakhstan, qui sont des villes russes.
Qu’est-ce que l’Ukraine ? J’y ai vécu les vingt-trois premières années de ma vie, à Kharkov. Les Ukrainiens habitent le centre du pays, le reste, ce sont des colonies ukrainiennes, conquises par l’URSS et non par les Ukrainiens. L’Ouest a été pris à la Pologne. L’Ukraine a ses colonies, au sud aussi. Dans leurs rêves les plus débiles, les gens d’Odessa ne se sont jamais sentis ukrainiens. Odessa, c’est international, c’est juif, grec, russe mais pas ukrainien !
Mais en 1991 la Crimée a voté majoritairement, à 54%, pour l’indépendance de l’Ukraine…
En ce temps-là, le peuple soviétique ne comprenait pas du tout ce qui l’attendait. Il pensait qu’avec le partage de l’URSS il aurait une vie paradisiaque. C’était une escroquerie que de donner le droit de voter à des gens qui ne comprennent rien du monde. Tout a changé depuis 1991. L’Ukraine peut exister comme un pays indépendant, comme un Etat. Mais elle doit rendre ses colonies, sinon elle vole un héritage à la Russie.
Pour arriver à cette solution, c’est la guerre?
Oui, c’est la guerre. En ce moment, l’Ukraine vit une passion nationale, mais elle ne doit pas toucher les territoires d’Odessa, de Kharkov. Il y a une répression sévère des partisans de Moscou en Ukraine. Tous les leaders prorusses sont considérés comme un danger. Après les manifestations pour Moscou, le SBU [les services secrets ukrainiens] arrête les opposants. C’est pourquoi il y a peu de manifestants pour la Russie.
Comment analysez-vous le personnage de Poutine?
L’actuel Poutine est le résultat de l’influence de deux parties de sa vie. Il a d’abord été un officier du KGB à un poste insignifiant à Dresde, en Allemagne de l’Est. Que pouvait-il faire à part lire les rapports de la Stasi, qui était sans doute la police politique la plus puissante du monde? Le KGB ne voulait plus de lui. Mais en travaillant quinze ans dans cette organisation, Poutine a adopté sa mentalité, son regard répressif sur le monde.
La deuxième partie de sa vie, la plus importante, c’est son travail à la mairie de Saint-Pétersbourg pour le maire libéral, Anatoli Sobtchak. C’est là qu’il s’est fait beaucoup de relations. Et Poutine reste totalement fidèle à ces deux faces contradictoires de sa vie. Depuis Saint-Pétersbourg, il croit totalement au libéralisme, au capitalisme, au marché mondial. Tout en gardant la mentalité d’un «guébiste» des années 1980, avec un zeste de modernité.
Vous faites de la littérature avec de la politique ou l’inverse?
Je ne me divise pas. Je suis passionné par la politique quand il y a du sang, du danger. J’ai été trois ans en prison. Plus de 300 personnes de notre parti sont passées dans les prisons russes depuis 1989. Nos militants sont arrêtés, parfois lourdement condamnés. Sous Poutine, quatorze de nos militants ont été tués dans des circonstances telles que nous ne doutons pas que c’est le pouvoir qui les a fait supprimer.Dans le Donbass, au mois de mai, sous l’influence de la Russie et du FSB [ex-KGB], des militants de notre parti ont été arrêtés, puis expulsés de la république de Donetsk car ils voulaient ouvrir un bureau. On nous laisse mourir pour le Donbass mais pas y avoir une influence politique.
Donc, vous reconnaissez que le FSB a une grande influence dans le Donbass?
C’est clair. Il n’y a aucun doute.
Et ce ne serait pas les services russes qui auraient organisé la révolte dans le Donbass? L’homme fort des séparatistes, Strelkov, leur ministre de la Défense, était bien du FSB?
Oui, Strelkov, je le connais personnellement, était un officier du FSB mais qui a désobéi aux ordres. Et s’il est encore vivant, c’est un miracle.
Où en est votre parti et la Russie aujourd’hui?
En tant que parti d’opposition, nous vivons la pire des situations. Il y a les difficultés que nous rencontrons dans le Donbass. Et l’échec des manifestations de l’opposition en 2012, après les élections, nous a aussi touchés. De plus, avec le conflit en Ukraine, le pouvoir est devenu très populaire.
Malgré la crise économique et les sanctions à cause de cette guerre, le pouvoir peut rester populaire. Les Russes sont capables d’encaisser cette crise. Ils peuvent sacrifier un certain niveau de vie pour des idées. Depuis vingt-trois ans, depuis l’effondrement de l’URSS, nous vivions une dépression nationale. Nous étions devenus un peuple insignifiant. Avec la Crimée, nous sommes sortis de cette dépression. On le voit sur le visage des gens.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Naudet
(1) « Limonov », par Emmanuel Carrère, Editions P.O.L. Prix Renaudot 2011.
Bio express
ÉDOUARD LIMONOV est né en 1943 à Dzerjinsk, en Russie. Dirigeant du parti l’Autre Russie, il est l’auteur de nombreux romans et essais, dont «Le poète russe préfère les grands nègres», «Journal d’un raté» et «le Livre de l’eau». Il publie cette semaine aux Editions Bartillat un nouveau roman, «le Vieux».
Défait 5-1 à «domicile» contre Valenciennes vendredi, le Red Star FC pointe à l’avant-dernière place de L2. En plus de rencontrer des difficultés sur le terrain, le club audonien peine à rassembler ses supporteurs. Ile présente l’influence la plus faible de la deuxième division. Triste constat pour un club qui en National rassemblait près de 2000 personnes par match (3500 en fin de saison) et, qui fort de son siècle d’histoire a toujours su maintenir un lien très fort avec ses supporteurs.
En fin de saison dernière, l’euphorie de la remontée du club centenaire avait très rapidement laissé sa place aux interrogations sur sa domiciliation. Le mythique stade Bauer, antre des verts et blancs depuis 1909, ne répondant pas aux normes imposées pour la Ligue de foot professionnelr. Le club a dû déménager dans l’Oise au stade Pierre-Brisson à Beauvais, à près de 80 km de Saint-Ouen. Les supporteurs du Red Star, club populaire s’il en est, s’enorgueillissent de soutenir bien plus qu’une simple équipe, mais une certaine idée du football. Implanté au cœur de Saint Ouen, le Red Star brandit fièrement son attachement à la Seine Saint-Denis. Ici, on aime se rappeler que le stade Bauer fut une ancienne cache d’armes sous l’Occupation. Les slogans lancés dans les travées ne trouvent écho dans aucun autre stade de France. Pour beaucoup délocaliser le club, revient à lui faire perdre son âme.
Ce vendredi, c’est donc Red Star-Valenciennes. Les abonnés ont rendez-vous à 17 h 30 au stade Bauer pour prendre la navette affrétée par le club. « La montée en Ligue 2 ça fait 15 ans qu’on attend ça ! Alors, jouer à Beauvais c’est nul, mais on y va quand même. Si les matches avaient lieu ici, on serait plus de 3000 à chaque fois », imagine Jean-Pierre. Dans le stade la réserve s’échauffe. Sébastien Robert entraineur de l’équipe 1 l’an passé les supervise. Un brin désabusé par la situation il explique : « Un club c‘est les spectateurs. La situation est difficile, mais on ne pouvait plus jouer ici. C’est triste d’en arriver là. Maintenant les joueurs sont des professionnels, ils passeront outre. L’esprit du Red Star il existe surtout pour les supporteurs. »
Le coup d’envoi est donné à 20 h. Le dernier TER pour revenir gare du Nord part à 20 h 10 de Beauvais. Autrement dit, pour tous ceux qui n’ont pas de voiture le car est la seule solution, mais il faut envoyer un mail 48 h avant pour réserver sa place. François, supporteur du Red Star depuis toujours est abonné au club. Il a quitté plus tôt le travail. Mais pas de chance, il ne s’est pas inscrit. « Il n’y avait rien écrit sur le site», peste-t-il. C’est un peu la cacophonie ici, sur la trentaine de personnes présente, seule une petite quinzaine peut monter dans la navette. «On doit prendre les ramasseurs de balles au retour il n’y aura plus de place», explique le responsable. François essaye de négocier, mais rien n’y fait. Il a payé son abonnement mais il n’a pas envoyé de mail. Il ne montera pas. Il repart chez lui en colère.
Ruines
En face, à l’Olympic, QG des supporteurs, on assiste à la scène mi amusé mi dégouté. Eux ne vont pas à Beauvais. « Le Red Star c’est à Bauer », expliquent-ils. Il est 18h30 ils sont venus voir le Multi Ligue 2 retransmis sur BeIn Sports. Akli le patron raconte: « J’ai pris la télé après la fermeture du stade. Ce sont eux qui me l’ont demandé, pour continuer à voir le Red Star. » Dans ce bar sans âge, où seule la nouvelle télé nous indique à quelle époque nous sommes, c’est une ambiance que l’on vient chercher. Un petit bout de Bauer. Un parfum du passé, avec toutes les photos jaunies du club collées au mur. Comme si supporter le Red Star avait quelque chose d’anachronique, célébrer le football ouvrier à l’heure du foot business. Pourtant, les présents se défendent d’être des nostalgiques. « On ne regrette pas le passé, on est pour la rénovation du Stade, on ne veut pas le laisser en état, il tombe en ruines. »
A 20 heures une quarantaine de fans est regroupée. Une enveloppe passe, on récupère les cotisations pour le car qui ira au Havre lors de la sixième journée. Pas question d’abandonner l’équipe. Vincent responsable de l’association Red Star Bauer s’explique. «Le président Addad nous reproche de ne pas aller au stade. Mais on lui a dit que ce n’est pas un boycott. On ne peut juste pas. Quitte à poser une demi-journée, autant le faire pour les déplacements. C’est d’autant plus frustrant que Bauer peut accueillir jusque 3000 personnes… et on va jouer à 80 bornes pour 1000 supporteurs. Cette montée est un énorme gâchis.» Il reproche au club et la mairie de ne pas avoir suffisamment anticipé le dossier. «Nous, ça fait plus de quatre qu’on en parle, qu’on sensibilise… et rien n’a été fait. On a eu une réunion en juillet. Maintenant on nous parle de petites rénovations. Mais rien de précis. On ne sait pas où on va, de toute façon il va falloir trouver une solution car on ne pourra pas toujours jouer à Beauvais.»
Quand la tribune très clairsemée de Beauvais apparaît à l’écran, tout le monde soupire. Il y a 1500 personnes ce soir, dont 300 Valenciennois. « Il ya très peu de vrais supporteurs, beaucoup de Beauvaisiens. Cet hiver ce sera encore pire ! », balance quelqu’un. Après le cinquième but des visiteurs, tout le monde partage la même analyse : « A Bauer ce ne serait pas arrivé. Une équipe qui joue toute l’année à l’extérieur elle ne peut pas se porter bien. »
Samedi, La Rochelle se réveille sous le soleil : les militants socialistes cherchent des coins d’ombre. Les minutes passent. Les ateliers et plénières débutent. On grimpe les escaliers et on se pointe à l’atelier, Bilan de l’accord PS-EE-LV: ce qu’il reste à faire ? La petite salle se remplit, lentement. Face aux militants, Jean-Marie Le Guen (Secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement), Olivier Faure (député PS), Eva Sas (députée EE-LV) et David Cormand (EE-LV). Ils prennent la parole. Les échangent débutent en douceur. David Cormand explique les raisons du départ des écolos du gouvernement. Jean-Marie Le Guen vante le bilan écologique de Ségolène Royal. Il cause de la COP 21 à Paris. La salle applaudit. Tout le monde est beau. Tout le monde il est gentil.
Le débat avance, le micro tourne, atterrit entre les mains des militants. Nouvelle ambiance. Les militants chargent les invités écolos. Certains déplorent les alliances EE-LV avec le Front de gauche. D’autres reviennent sur le départ de Cécile Duflot du gouvernement. Ils accusent, aussi, EE-LV de s’être transformé en «ennemi». Les têtes changent. Jean-Marie Le Guen se marre. David Cormand et Eva Sas prennent des notes. Et Olivier Faure enfile, pour l’instant, le maillot d’arbitre.
La parole revient du côté des politiques. David Cormand: «Sans les voix des écologistes, il n’y aurait pas de majorité socialiste à l’assemblée. Et sans les voix de Mélenchon et de Joly, Hollande n’aurait pas été élu.» La salle gronde. Cormand justifie l’autonomie des écolos lors des prochaines régionales. Jean-Marie Le Guen prend la main. Il ne rigole plus. «Ce n’est pas l’autonomie que l’on vous reproche, c’est votre stratégie qui est celle du remplacement du PS. C’est très désagréable et je ne vois pas où est l’appétence des Français à la réorientation que vous proposez», dit-il. Il parle de la «Mélenchanisation» des écolos. Eva Sas rétorque : «Jean-Marie (Le Guen), ne nous parle pas de Mélenchonisation.» Le Guen : «Vous faites des alliances avec lui.» Sas :«Nous restons écolos.» L’échange se tend, se muscle.
Le micro retourne dans la salle. Les militants attaquent de nouveau. Jean-Marie Le Guen rigole, une nouvelle fois, et acquiesce. Présent dans la salle, Jonathan Sorel, le directeur de cabinet d’Emmanuelle Cosse (secrétaire nationale EE-LV). Il prend le mic et lâche : «Je suis militant écologiste et ce n’est pas la première que je me sens insulté par toi Jean-Marie.» L’heure avance et le débat devient bouillant.
En conclusion, Olivier Faure, parle du risque FN : «En PACA, lors des régionales, on risque de soutenir Estrosi face à Le Pen au second tour parce que les écolos refusent le rassemblement de toute la gauche.» Eva Sas : «Pas toi Olivier, pas toi.» David Cormand embraye. Il rappelle que les écolos ont toujours fait alliance au second tour pour barrer la route à la droite. Puis, il cite des cas contraires. «Par contre les socialistes en Bretagne et à Grenoble ont refusé de faire alliance avec nous lorsque nous sommes arrivés devant eux. C’était un manque de loyauté.» Jean-Marie Le Guen grimpe tous les tours : «Qu’on vienne nous parler de loyauté, dans l’accord il y avait le vote du budget !» Cormand replonge : «Tu confonds loyauté et soumission».
Le dernier mot revient à Eva Sas : «Je suis déçue de cet atelier, tout ce qu’on a montré aujourd’hui ce sont nos divergences. Il y a ici peu de bienveillances. J’ai l’impression que c’est une stratégie de communication pour nous décrédibiliser. Aujourd’hui, j’ai entendu un procès. Je ne suis pas sûr qu’on va construire quelque chose ensemble demain.» La salle se vide. Le débat, sans issue, se prolonge dans les couloirs.
«Svarthöfði», soit «tête noire» en islandais. Voilà, le nouveau nom donné à une des rues de Reykjavík, dans la zone industrielle d’Höfði, pour remplacer le nom de rue «Bratthöfði» («cap raide»). Mais il s’agit surtout du nom islandais de Dark Vador. L’idée de créer une «rue Dark Vador» datait ainsi d’il y a deux ans. Un site internet, Better Reykjavík, conçu par la municipalité, fonctionnait comme une boîte à idées. Un habitant, Oli Gneisti Soleyjarson, avait soumis la proposition : «Nous avons besoin d’une rue portant le nom d’un personnage de Star Wars. […] C’est tellement évident», justifiait-il alors.
L’idée a fait son bonhomme de chemin grâce à Nykulas Ulfar Masson, un fonctionnaire municipal. Il a fait remonter cette proposition à ses collègues de l’urbanisme. Sur sa recommandation, il écrit : «Ce peut être approprié de nommer les choses dans notre environnement d’après des phénomènes bien connus de chaque période de l’histoire de l’humanité, qu’ils soient réels ou fictifs. Il y a beaucoup d’exemples de rues de Reykjavik baptisées d’après des personnages de fiction, donc ce ne serait pas étrange d’appeler une rue Dark Vador.»
«Il était temps»
Il faut croire que la proposition a plu, puisque la décision de baptiser la rue par le nom du seigneur Sith a été adoptée mercredi par la division Environnement et Urbanisme de la ville, et devrait être effective une fois entérinée par le conseil municipal. La rue n’a pas été choisie au hasard : elle se situe dans une zone où tous les noms de rues commencent par le mot «höfði» qui signifie «tête» ou «cap». Cette rue Star Wars devrait désormais créer l’attraction, à quatre mois de la sortie du septième épisode de la saga, bien qu’elle soit située loin des endroits touristiques de la capitale, à l’écart des habitations.
Í dag var nafni götunnar Bratthöfði breytt í Svarthöfði #betriReykjavik
— Dagur B. Eggertsson (@Dagurb) 26 Août 2015
Le maire de la ville, Dagur B Eggertsson, a annoncé la nouvelle sur Twitter. Son prédécesseur, Jón Gnarr, a également commenté l’information avec ironie sur Facebook, disant qu’il «était temps». L’ancien maire de Reykjavík, un ancien humoriste connu pour son exubérance, est en effet un fan invétéré de la saga Star Wars. Jusqu’à être allé voter en tenue de maître Jedi aux élections parlementaires en 2013.
Jón Gnarr is a comedian and mayor of Reykjavik, Iceland. He cast his ballot while dressed a Jedi… #StarWarspic.twitter.com/tOzewH8AVl
L’Université d’été du Parti socialiste s’ouvre ce vendredi à La Rochelle, à un peu plus de trois mois des régionales.
Le premier secrétaire Jean-Christophe va tenter de garder l’apparence d’unité du parti et éviter que les fragmentations à gauche ne destructurent le PS.
L’événement s’ouvre dans un climat particulier : Emmanuel Macron et ses propos sur les 35 heures / Les écologistes qui enregistrent les départs de Jean-Vincent Placé et François de Rugy.
Si vous ne pouvez pas lire l’article ci-dessous, cliquez sur ce lien.
15:17 Assouline ouvre l’université d’été avec un message d’unité
Fra-ter-ni-té.
Le sénateur de Paris et secrétaire national du Parti socialiste David Assouline a ouvert l’université d’été du PS avec un message clair d’unité, prévenant sa famille politique des dangers d’éventuelles divisions, à moins de trois mois des régionales, quand les fragmentations à gauche peuvent être fatales au PS.
«Au delà des débats, il y a un impératif de se rassembler sur l’essentiel quand il y a deux grandes régions, une qui ouvre vers la Méditerranée [PACA, ndlr], une qui ouvre vers toute l’Europe du Nord [Nord-Picardie], qui menace de passer au Front national».
14:11 Cambadélis et Macron: «ça fait maintenant un an qu’on se court après!»
La Rochelle, rideau.
Notre envoyé spécial Lilian Alemagna est en direct de la conférence de presse de Jean-Christophe Cambadélis. Son récit est à lire ici.
Photo Laurent Troude pour «Libération»
Lilian ALEMAGNA, Rachid LAÏRECHE, Laurent TROUDE et Tristan BERTELOOT
Il attend, seul, une cigarette à la main, dans un magnifique loft de la place des Victoires à Paris. Se rue à la porte en entendant du bruit dans l’escalier. Il a les yeux humides, s’excuse de ne pas être venu au rendez-vous de la veille, fixé à Marseille. Évoque un problème personnel. Un bouquet de lys gît sur la table trépied qu’il a dessinée pour Roche-Bobois. Ils sont trop encombrants, il est désolé – encore-, propose de les faire livrer. Ainsi Ora ïto (Ito Morabito de son vrai nom) désamorce-t-il les colères qu’il a fait naître. À 38 ans, la jeune star du design français, narcisse hyperactif et autocentré rompu à la communication marketing, n’en finit plus de déminer son rapport à autrui.
Back In Town #paris #work #oraitospace
Une photo publiée par Ora Ito (@ora_ito) le 27 Juil. 2015 à 11h35 PDT
Car quand il ne plante pas les journalistes, il foudroie les architectes, sur les plates-bandes desquels il entend bien, désormais, marcher. Après l’hôtel Odyssey et le club Le Cab, à Paris, dont il a repensé les intérieurs, l’aire d’autoroute de la Chaponne et des flagships de grandes marques, le créateur se lance dans « un gros projet » avec le clan Pastor, magnats de l’immobilier monégasque. Il commente innocemment :
J’adore les changements d’échelle, passer du mass-market au luxe, du macro au micro »
Comme s’il avait déjà oublié la polémique déclenchée en janvier dernier, lorsqu’il avait lâché que le diplôme d’architecte ne servait « à rien », hystérisant une corporation inquiète et économiquement fragilisée. « Ora ïto a une réputation qui lui vient surtout de ses facilités médiatiques, s’agace Denis Dessus, vice-président du Conseil national de l’ordre des architectes. C’est très irritant pour des gens qui ont fait six ans d’études après le bac et qui ont du mal à exercer ce métier. »« Il est l’incarnation de ce qu’on perçoit comme une dérive », résume de son côté Jérôme-Olivier Delb, animateur du blog L’abeille et l’architecte, avec lequel il est en procès. Ce dernier lui reproche de confondre à dessein architecture d’intérieur et d’extérieur sur son site, comme ce fut le cas pour le cinéma Pathé Le Mans Quinconces.
Le cinéma Pathé du Mans
Un bâtiment largement salué par la profession, primé, publié en Une de revues d’architecture. Et dans lequel, au final, « Ora ïto a juste implanté les distributeurs de bonbons et de billets jaunes et rondouillards, choisi la couleur de la moquette, des parois et les luminaires », rappelle l’architecte Jean-François Renaud, de l’agence Babin+Renaud, chargée du projet. Ora ïto a présenté ses excuses à l’ordre, corrigé son site Internet, mais continue à jouer les sales gosses : « J’étais tenté de foutre le bordel, mais je ne me sens pas prêt, pas encore… » Et Patrick Klugman, son ami d’enfance et avocat, en rajoute, lui qui vise tous ses contrats :
Ito est bien souvent l’auteur de la geste architecturale, comme pour le cinéma Pathé Belle-Epine. Puis, il travaille avec des cabinets d’architecture qui s’assurent du respect normatif des travaux proposés. Ils profitent de sa lumière. »
Car Ora ïto, elfe blond d’1,71m, la prend volontiers, la lumière. Il est à lui seul le service commercial de sa marque, et ne rechigne pas à passer chez Laurent Ruquier. Il sort au Montana, a vécu avec l’actrice Vahina Giocante, avant de s’afficher au bras d’Emily Marant (la nièce d’Isabel). « Tout ça entretient le malentendu », sourit son ami, le philosophe Mark Alizart, aujourd’hui à la Fondation Vuitton. Avec un chiffre d’affaires de 2,7 millions d’euros en 2013, et une vingtaine d’employés, le studio d’Ora ïto tourne très bien. L’année dernière, le designer a, entre autres prix, glané 6 Red Dot Design Awards et 3 IF Design Awards. Il a terminé le nouveau tramway d’Alstom, tient sa première exposition chez Cassina le 2 juin 2015, avant le lancement d’une ligne de meubles en janvier. Belle consécration pour celui qui est entré par effraction dans le milieu du design.
Journal de 20h now @marseillemodulor #marseillemodulor #mamo #definifiniinfini #citeradieuse #danielburen #auditalentsawards
Une photo publiée par Ora Ito (@ora_ito) le 18 Oct. 2014 à 11h31 PDT
Il n’avait que 19 ans quand il a publié son premier « manifeste », avec, déjà, un sens consommé du buzz : six pages d’objets de luxe repensés en 3D, frappés de logos mythiques (Louis Vuitton, Bic, Microsoft…). Rien de réel, juste du piratage de marques, mais l’écho est mondial. « Il a trouvé une légitimité populaire avant de trouver une légitimité professionnelle. Ce n’est pas bien vu dans nos milieux », constate l’un de ses amis. Dans la foulée, son idole, Philippe Starck, lui propose de le rejoindre : Ora ïto décline, pour qu’on ne puisse jamais dire qu’il lui a tout appris. Ses premières – vraies – créations sont encensées : la bouteille en forme de gelule dessinée pour Heineken remporte l’oscar du meilleur design en 2002, sa première lampe, « one line », dessinée d’un seul trait, est couronnée d’un Red Dot Design en 2004, alors que Capellini commercialise sa chaise longue Petal. À 22 ans, il a dix employés, des responsabilités. À l’époque, déja, le milieu du design lui semble « petit. Étriqué. Jaloux. Chiant à mourir ». Il pousse un peu en marge. « Ito n’a pas de référent, il n’est pas courbé devant les titres, lui-même n’en ayant pas », psychanalyse Klugman.
Avec le succès, la crainte d’être renvoyé à son état-civil s’est un peu estompée. Arrière-petit-fils d’architecte, petit-fils d’une styliste de mode enfantine, il a tout fait pour imposer sa propre marque et ne pas être identifié comme le fils du célèbre créateur d’origine italiennePascal Morabito. Ses parents se séparent alors qu’il n’a que six ans. Il grandit à Nice avec sa mère, jusqu’à ce qu’elle parte s’installer en Amérique du sud avec son compagnon et leurs deux filles. Ito n’a que seize ans lorsqu’il revient vivre à Paris, seul. Son père a aussi refait sa vie. Il arrête l’école, se perd dans les fêtes, les tentations. Il habite pendant 6 mois chez son copain, Patrick Klugman.
Une photo publiée par Pascal Morabito (@pascalmorabito) le 3 Juil. 2015 à 4h51 PDT
À l’été 1995, son père, qui doit 3 millions de francs au fisc, est incarcéré à la prison de Luynes. « La tôle, ça a cassé ses contrats. C’est dur de voir la chute de l’homme, surtout quand c’est votre modèle », se souvient Ora ïto. Du coup, le jeune homme ne passera que quelques mois à Creapole, une école de design, faute d’avoir réglé les frais de scolarité. Aujourd’hui, Pascal Morabito est installé à Bali, où il a ouvert un hôtel-centre d’art, et Ito continue à essayer d’exister, à côté de ce patriarche à la barbe de Victor Hugo qui n’a jamais été un soutien : « Ito est allé le voir l’été dernier, chercher un apaisement. En vain », confie l’un de ses proches.Pour le jeune designer, ses relations avec son père sont loin d’être au beau fixe.
On évite de trop parler. Si ça pète, ça peut aller très loin,. J’aurais rêvé d’être un fils à papa. Mais j’ai dû créer ma propre histoire. »
C’est à Marseille, berceau familial, que « l’enfant terrible du design » est en passe de se réinventer à l’orée de ses 40 ans. En 2012, il a racheté une partie du toit-terrasse de la Cité radieuse, conçue par Le Corbusier, dont il comptait initialement « faire un penthouse de malade ». Finalement, il y a installé le Mamo (Marseille Modulor), un centre d’art contemporain. Une danseuse pour laquelle il ne touche aucune aide publique et qui, si elle lui confère une certaine crédibilité artistique, le plombe financièrement et le condamne au coup d’éclat permanent. Son ami Xavier Veilhan y a présenté le quatrième volet de son projet « Architectones » en 2013, ravi de trouver un si bel écrin.
Une photo publiée par Ora Ito (@ora_ito) le 22 Juil. 2014 à 9h16 PDT
Marseille Modulator
L’artiste Daniel Buren, faute de temps, a été plus dur à convaincre : « Je lui ai dit : “C’est vital. Si tu ne viens pas, je ferme le Mamo. Si tu acceptes, je deviens ton assistant”.« Buren est venu, et s’est pris d’affection pour le jeune créateur : « Avec Buren, c’est magnifique. Je n’ai pas l’habitude des transmissions généreuses », confie Ora ïto, qui a inauguré l’exposition Dan Graham le 13 juin dernier. « A Marseille, il a pris une envergure politique, sociale incroyable », observe Childéric Muller, chargé de la culture et de la communication au cabinet du maire, Jean-Claude Gaudin, qui en a fait l’un des « ambassadeurs de Marseille ». La ville se réinvente alors qu’Ora ïto, lui aussi, entame sa mue selon Mark Alizart.
Il se durcit. Il s’épaissit. C’est un créateur qui devient complexe. Le design a vocation à être une discipline politique, et Ito a trouvé son propos ».
Il sera écolo. Lui qui n’a longtemps pas su quoi faire du fort de Brégantin, dessiné par Vauban dans les îles du Frioul, dont il est propriétaire, va y installer un centre de recherche et de retraitement pour les milliards de tonnes de plastique jetées à la mer. Aux côtés de son ami, l’architecte Roland Carta, aux manettes du projet, Ora ïto entre doucement dans l’âge éthique, à l’heure où le recyclage synthétise l’ambition d’une époque.
Cette année, la Tomatina, une bataille géante de tomates qui a lieu à Buñol près de Valence en Espagne, fêtait ses 70 ans. Cet évènement, qui a déjà rassemblé plus de 45 000 personnes, se déroule tous les derniers mercredis du mois d’août. Sur cette image, une jeune femme prête à lancer de la pulpe de tomate, à Buñol en Espagne le 26 août.
On est fin août. Un jour de cagna dans l’Est, loin de la mer, très loin de la mer. Les deux frangins rappliquent chez leur daronne. Bronzés comme des plagistes astiqués au Mirror. A quarante berges passées, ils n’ont pas toujours pas coupé le cordon, que dit-on, l’élingue, le fil d’Ariane avec Môman. La mère, c’est un mixte de Ma Dalton et de Tatie Danièle, Marthe Villalonga et Alice Sapritch. Faut mieux pas la ramener quand elle souffle la bise. Là, justement, c’est plutôt force 8 dans la cambuse, ça roule et ça tangue avec avis de gros temps qui va durer.
Pensez donc, les mouflets grisonnants promettent à maman d’aller voir la mer depuis leur premier canot pneumatique et, cette année encore, elle a roulé sur le gravier de son pavillon en meulière alors qu’eux, ils sont allés enduire la souris au monoï sur les rabanes des golfes clairs. La vieille, elle, elle n’a jamais vu la mer. Elle a connu la hargne triste des anciens poilus de 14, le Front populaire, les «vert-de-gris» (l’occupation allemande, ndlr), Mai 68 mais elle n’a jamais humé les embruns sur la Côte d’Opale. Tout ce qu’elle en sait, c’est écrit sur le programme télé où, pour rien au monde, elle ne raterait Thalassa. Le vendredi soir, c’est couvre-feu dès 20 heures. L’Etat islamique pourrait bien s’installer sous ses fenêtres à cette heure-là, la 82e Airbone sauter sur les géraniums de son balcon ou, feu, son vieux Marlou revenir de la baie des Anges en cocotant «Soir de Paris», elle ne bougerait pas une fesse de son fauteuil à napperons. Faut la voir quand la télé fait des vagues, on dirait qu’elle a toujours nagé avec les daurades sous le rocher des Moines. Même qu’on s’est dit qu’elle avait dû être amoureuse du Commandant Cousteau et de son bonnet. Ah qu’elle aurait voulu embarquer sur sa Calypso ou tiens même sur la péniche de l’Homme du Picardie qui faisait flotter l’Audimat de l’ORTF. «Que moi, j’aurais aimé épouser un mari pour voir du pays, qu’elle répète en boucle. Ça m’aurait changé de votre père qui ne voyait l’eau que dans son Ricard.»
La mère compile les cartes postales d’azur, de sable et d’écume dans un grand album photos qui est son voyage immobile, sa croisière au long cours imaginaire. Elle est incollable sur le Lavandou, Palavas, Arcachon, les Sables-d’Olonne, Saint-Lunaire, Dieppe, Le Tréport sans jamais y avoir mis la pointe d’une tongue. Plus de quatre-vingts berges que ça dure ce refrain de rêves de grand-large sauf que la daronne n’est jamais allée plus loin que la gravière des Grands moulins qui pue la vase l’été.
Alors, les deux frangins qui encore une fois n’ont pas assuré une épissure pour emmener Mémé aux bains de mer, ils se sentent cons comme un hareng côtier qui a fumé du hêtre. Même l’étoile de mer achetée au tabac-bazar-souvenirs de Sanary leur fait honte.
Grands gamins
D’habitude, la matrone les reçoit avec le poulet du dimanche-pommes grenailles mais, là, la toile cirée est aussi déserte que le Crotoy à la Toussaint et ça les intrigue les deux échalas. Ils ont bien apporté son vin gris préféré pour faire rosir Mémé mais se demandent pourquoi elle les regarde, ainsi, goguenarde. «Vous avez encore vu du beau pays, hein, les garçons ?», qu’elle démarre avec malice. «Ouais, c’était pas mal», fait l’un, aussi embarrassé que devant son relevé de compte bancaire d’août. «Trop chaud», s’empresse d’ajouter son frère en ajustant la jugulaire de son casque lourd en fond de court. «Pauvres petits», rigole Mémé en époussetant machinalement les accoudoirs de son fauteuil. Un Zeppelin d’anges traverse le silence de la pièce épais comme une motte de beurre d’Echiré. «C’est pas qu’on a soif, risque l’un des deux fils, mais je déboucherais bien le rosé.» La vieille passe de l’un à l’autre en prenant un air navré : «Ça tombe bien, mon frigo est vide, mais il y a des Tuc pour éponger le rosé.»
Les deux frangins se regardent dans le blanc des mirettes. «Tu veux qu’on t’emmène au restaurant Mman ?», minaude l’un. La vieille les fait lambiner un sac de sel. «Non, qu’elle fait, en pointant sa cuisine. C’est vous qui allez me régaler.» De plus en plus désarçonnés, les frères Pétard reluquent le Formica qui leur tend les bras. «Mais, j’ai jamais su faire cuire un œuf», proteste mollement l’un. «T’es pas bien ? Tu souffres de la chaleur ?», balance, faux-cul, l’autre. «Rien du tout mes petits mais j’ai envie que vous me fassiez voyager les papilles à force de m’avoir toujours promis la mer», lâche l’ancienne avant de pointer une coupure de magazine. «L’aïoli, vous connaissez hein, c’est la Provence, la mer ?» Les frangins approuvent mécaniquement. «Eh bien là, c’est vous qui allez vous y coller. J’ai fait dessaler la morue, y a plus qu’à.» Les grands gamins observent leur mère dubitatifs. «Mais, c’est super-long ?», ose l’un. «C’est toujours trop long quand on ne sait pas empoigner la queue d’une casserole, sourit la daronne. Et puis moi, depuis le temps que j’attends la mer, j’ai tout mon temps pour passer à table.»
Aïl, morue, œufs, pommes de terre
Pour affronter la rudesse de la rentrée, rien ne vaut un bel aïoli dont Frédéric Mistral écrivait : «Autour d’un ailloli bien monté et odorant et roux comme un fil d’or, où sont, répondez-moi, les hommes qui ne se reconnaissent point frères ?» Vous trouverez d’autres saillies savoureuses sur le mariage de l’ail et de l’huile d’olive dans le Petit traité amoureux de l’aïoli (1) magnifiquement écrit par Jacques Bonnadier, journaliste à Marseille depuis un demi-siècle et déjà auteur, notamment, d’une Cantate de l’huile d’olive. Non seulement, il conte l’histoire de l’aïoli, mais il en fait un festin de mots, de goûts et de tours de main. Vous pouvez aussi vous inspirer de Provence, les meilleures recettes (2) dont voici «l’aïoli garni» pour six personnes. Il vous faut un kilo de filet de morue salée ou déjà prête à l’emploi ; 6 œufs ; 6 carottes ; 6 pommes de terre ; 600 g de haricots verts ; 1 petit chou-fleur ; 1 kg d’escargots prêts à cuire ; un bouquet garni (thym, laurier, fenouil) ; 1 cuillère à café de grains de poivre. Pour la sauce aïoli : 6 gousses d’ail ; 2 jaunes d’oeufs bien frais (bio de préférence) ; 60 cl d’huile d’olive ; sel et poivre du moulin. Faites dessaler le poisson. Rincez-le longuement. Placez-le sur une grille et posez celle-ci dans une bassine remplie d’eau froide. Remplacez l’eau toutes les deux heures au départ, puis laissez dessaler toute la nuit. Vous pouvez également acheter des filets de morue déjà dessalée prêts à l’emploi.
Faites durcir les œufs à l’eau pendant dix minutes. Epluchez les carottes et les pommes de terre. Equeutez les haricots verts. Lavez le chou-fleur et coupez-le en bouquets. Faites cuire ces légumes 10 à 15 minutes à la vapeur. Faites cuire les pommes de terre 25 à 30 minutes. Faites cuire les escargots pendant une heure à l’eau bouillante. Placez la morue dessalée dans une casserole. Recouvrez-la d’eau froide, ajoutez le bouquet garni et le poivre. Portez à frémissement, couvrez et laissez pocher pendant dix minutes. Egouttez la morue. Préparez l’aïoli. Epluchez les gousses d’ail et dégermez-les et mixez-les finement pour obtenir une pâte. Vous pouvez bien sûr effectuer la même opération avec un mortier et un pilon. Mélangez les jaunes d’œufs et la purée d’ail, salez légèrement, puis ajoutez l’huile d’olive en mince filet, sans cesser de tourner comme si vous montiez une mayonnaise. Vous pouvez utiliser un batteur électrique à petite vitesse ou une cuillère en bois. Goûtez, poivrez, et salez à nouveau si besoin. Ecalez les œufs. Disposez les légumes dans des plats creux, ainsi que les escargots. Placez l’aïoli sur la table, vive le Sud et la mer et au diable la rentrée.
Alors que militants et élus socialistes se réunissent à partir de vendredi à La Rochelle pour trois jours de débats et de fiesta, France Bleu La Rochelle révélait ce jeudi matin que des travailleurs détachés roumains étaient employés à mettre en place le mobilier et nettoyer les salles de l’espace où auront lieu les rassemblements. «La situation est tout à fait légale, mais le sujet gênant sur le principe : un parti politique peut-il employer indirectement des salariés détachés alors que le taux de chômage en France reste élevé ?» s’interrogeait la radio sur son site. Effectivement, si les travailleurs sont bien payés au même tarif que des salariés français, les cotisations sociales sur leur travail sont inférieures. Ils coûtent donc moins cher à leur employeur.
Pas la peine de s’emballer et de crier au grand-méchant-parti-socialiste-complètement-déconnecté-des-chiffres-du-chômage (en tous cas, pas cette fois) : ce n’est pas Solférino qui a embauché ces travailleurs, mais un prestataire de la société d’événementiel GL Events, à laquelle le PS a fait appel – ce que précise d’ailleurs France Bleu La Rochelle. Cela fait quand même un peu trop d’intermédiaires pour qu’on suspende la tête de Cambadélis au premier Pôle Emploi venu.
Couper court à la polémique
En fin de matinée, le PS a envoyé aux rédactions un communiqué : «[La société GL EVENTS] a eu recours à un sous-traitant, Trepte Events, dont il apparaît maintenant que des salariés seraient en situation de détachement. N’ayant pas été informé par le prestataire mais par voie de presse, le Parti socialiste a immédiatement demandé des explications sur cette information. Si dans un premier temps, il a été indiqué au régisseur que les salariés visés n’étaient pas en situation de détachement, les nouveaux éléments fournis ne laissent plus de doute sur cette réalité. En conséquence, le Parti socialiste a exigé du prestataire qu’il rompe son contrat avec ce sous-traitant, ce qui a été fait dans la matinée de ce jeudi.»
Face au début de polémique, le PS a donc demandé à GL Events de rompre son contrat avec son prestataire. Curieuse réaction, dans la mesure où une directive européenne d’avril 2014 posait des conditions à l’emploi de ces travailleurs détachés sans l’interdire. Les eurodéputés PS l’avaient tous soutenue, avec la droite mais contre les autres socialistes européens, arguant alors qu’elle protégeait les travailleurs du dumping social. Tout en promettant une hypothétique réécriture du texte, qui n’a jamais eu lieu.
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