Florent Manaudou est devenu champion du monde du 50 m nage libre, en s’imposant en 21 sec 19/100 en finale des Mondiaux 2015 de natation, samedi à Kazan (Russie). Le Français, qui collectionne désormais tous les titres possibles sur cette distance en nage libre, a devancé l’Américain Nathan Adrian, 2e en 21 sec 52/100, et le Brésilien Bruno Fratus, 3e en 21 sec 55/100.
«Pour tout vous dire, je n’étais pas très rassuré après les demies d’hier, mais j’ai fait un bon « start ». Ce n’est que du bonheur aujourd’hui», a-t-il commenté au micro de France 2. «On se connait bien avec Nathan il y a eu un bon jeu d’intox en chambre d’appel», a-t-il expliqué alors que le champion olympique a tardé à monter sur le plot de départ.
Manaudou décroche son troisième titre en Russie, après avoir commencé sa semaine avec le titre sur le relais 4×100 m libre messieurs avec Fabien Gilot, Mehdy Metella et Jérémy Stravius, puis son premier or individuel mondial sur le 50 m papillon non olympique. Mais c’est bien pour le titre sur l’aller simple en libre que le nageur bleu avait fait le déplacement dans le Tatarstan. Mis au défi en demi-finales par l’Américain Nathan Adrian (21.37, meilleur temps), Manaudou a répondu présent en finale, en signant le temps le plus rapide sans combinaison.
Le champion du monde de la spécialité, le Brésilien Cesar Cielo avait quitté Kazan en milieu de semaine, en raison d’une blessure à l’épaule gauche, les premiers examens ont révélé une lésion du tendon. Le Russe Vladimir Morozov, dauphin de Cielo à Barcelone il y a deux ans, a pris la 4e place à un centième du podium (21.56).
Fini le «tout doux» Manaudou, son surnom lors de son entrée au Cercle des nageurs de Marseille en 2011 et qui reste son pseudo Facebook. Place au Hulk de Kazan, et en mode vert, s’il vous plaît. La parole pour commencer à Nathan Adrian, son dauphin, cou de taureau, des dents qui brillent par centaine quand il sourit façon US, et la résignation désormais inscrite dans les tripes: «Pfff, que dire ? C’est un phénomène, et je pense qu’il peut aller encore bien plus vite.»
Ne minimisons pas le rôle du golden boy Adrian, il a déclenché la colère de Manaudou en claquant vendredi le meilleur temps des demies. Son pote phocéen Mehdy Metella, 5e de la finale du 100 m papillon, raconte la veille de course, au coin du feu de l’hôtel Relita : «Florent avait le deuxième temps, c’est quelqu’un de persévérant, il n’aime pas perdre. Je lui ai demandé s’il était énervé. Il m’a dit : « Oui ».»
La clé d’un succès est parfois aussi simple qu’un dialogue entre Manaudou et Metella. Romain Barnier, le coach, enchaîne : «Je l’ai rarement vu aussi nerveux que ça. Toute la décontraction accumulée en début de semaine a cédé la place à de l’anxiété, en deux jours il a pris quelques rides. Il a passé une mauvaise nuit. J’ai bien apprécié le coup de pied aux fesses donné par Nathan Adrian hier, il avait besoin de ça pour faire une belle performance. Ce temps d’Adrian (21’’37), il l’a déjà fait, il était surtout très insatisfait de ses propres défauts. Cela n’a pas été des Mondiaux faciles, il a mérité ses titres, cela a encore plus de saveur.»
«Le sentiment du devoir accompli»
Le petit frère de Laure, déjà un peu perturbé par le départ mercredi de son rival César Cielo (champion du monde du 50 m en 2009, 2011 et 2013), le reconnaît : «Ça m’avait un peu énervé de voir Nathan (Adrian) nager 51’’3 hier, je n’étais pas très serein avant cette finale. Je me suis posé beaucoup de questions, à me demander pourquoi je n’avais pas réussi un bon start en demie, pourquoi je ne suis pas devant aux 15 m comme d’habitude. J’ai rectifié le tir. Avec le meilleur temps de toute l’histoire en textile, j’ai prouvé que j’avais les nerfs solides.»
Redevenu un Bruce Banner paisible dans la touffeur de la zone mixte, il poursuit : «J’ai le sentiment du devoir accompli. J’étais venu pour gagner ce 50, et uniquement ce 50. J’ai eu la bonne surprise d’être en forme pour remporter le 4×100 m avec les copains, et le 50 m papillon. Je pourrais nager encore plus vite. Mon temps, c’est le mieux que je pouvais faire aujourd’hui, il me manquait un peu de jambes, mais c’est de bon augure pour l’an prochain. Je sais que je ne fais pas une course parfaite. C’est possible de nager sous les 21 secondes, mais dans une grande finale, ça me paraît compliqué.»
Il envoie bouler le tsar Alexandre Popov, qui nous disait perfidement, jeudi, à propos de son premier titre mondial en individuel : «Ce n’est pas une discipline olympique, le 50 m papillon, si ?» Il efface la déception de Barcelone, en 2013, «cette 5e place sur une distance où je suis champion olympique. Certes il y avait les histoires de courant [à cause de turbines, certains nageurs dans les couloirs extérieurs ont été favorisés, ndlr], mais je fais une finale nulle. Cela fait une médaille de plus dans la collection, il y en a une qui est au coffre, l’or olympique. Je ne les regarde pas trop, je veux en gagner encore d’autres.»
Il arrêtera sans doute après Rio, s’il remporte un second titre aux Jeux. Mais, qui sait ? Il trouvera peut-être d’autres barrières à éclater. Coach Barnier le voit bien déposséder le Brésilien Cielo de son record du monde (20’’91) mâtiné de polyuréthane : «Il y avait trop de décontraction lors des séries du 50 m, aujourd’hui, il était trop tendu. J’imagine que lorsqu’il trouvera le juste milieu, il fera encore un meilleur temps. L’année prochaine, ça repart de zéro. Il y a un niveau de talent, un niveau de maîtrise, et une envie particulière. Maintenant, s’il continue d’y mettre autant de désir et de travail, voire plus, il sera dur à battre à Rio. Il a la planète aux fesses.» C’est le cas de le dire. Dans l’eau, l’adversité connaît bien les pieds de Manaudou, mais beaucoup moins son visage.
Le temps n’est pas si lointain où le mot «restaurant» signifiait simplement «fortifiant», au sens propre ou figuré. En 1775, dans «L’Histoire de Jenni» ou «l’Athée et le Sage», Voltaire écrit: «Le père tout tremblant le fait reposer. On lui fait prendre des restaurants». Mais, depuis quelque temps, le mot servait surtout à désigner le bouillon de bœuf servi dans des échoppes – sans viande, car au temps des corporations celle-ci était réservée aux aubergistes et aux traiteurs. Et, à l’époque où Voltaire écrit son texte, les premiers restaurants au sens moderne du terme avaient ouvert à Paris.
Dans un ouvrage très documenté intitulé «Paris démoli», publié en 1853 par l’homme de lettres Édouard Fournier, on lit:
Tout près de là, dans la rue des Poulies [au début de l’actuelle rue du Louvre], s’ouvrit, en 1765, le premier Restaurant, qui fut ensuite transféré à l’hôtel d’Aligre. C’était un établissement de bouillon, où il n’était pas permis de servir de ragoût, comme chez les traiteurs, mais où l’on donnait “des volailles au gros sel, des œufs frais et cela sans nappe, sur de petites tables de marbre”.
Boulanger, le maître de céans, avait pris pour devise ce passage de l’Évangile: Venite ad me omnes qui stomacho laboratis, et ego vos restaurabo(1) ; de ce dernier mot vint le nom de Restaurant gardé par la maison de Boulanger, et pris ensuite par tous ceux qui l’imitèrent. La maîtresse du lieu était jolie, et la chalandise y gagna. Diderot y vint comme les autres. Il écrit, le 19 septembre 1767, à Mlle Volland :
Mardi, depuis sept heures et demie jusqu’à deux ou trois heures, au Salon, ensuite dîner chez la belle restauratrice de la rue des Poulies.
Curieusement, cette origine fait l’objet de discussions passionnées chez les historiens. L’Américaine Margaret Visser pense avoir démontré que le premier restaurant fut en fait établi l’année suivante par un étrange personnage, Mathurin Roze de Chantoiseau. Celui-ci a publié en 1769 une sorte d’annuaire des «pages jaunes» avant la lettre, un almanach des corps de métiers de Paris, avec leur adresse, commentaire à l’appui. Paru sous le nom de Chantoiseau, l’almanach fait l’éloge d’un certain M. Roze – lui-même – qu’il présente comme l’inventeur du premier restaurant. Où ? À l’hôtel d’Aligre, rue Saint-Honoré, justement là où Boulanger aurait déménagé.
Son exemple (ou celui de Boulanger ?) a été suivi par un certain Jean-François Vacossin, rue de Grenelle, qui aurait placé au fronton de son établissement la formule en latin dont la paternité revient selon Édouard Fournier au Boulanger de la rue des Poulies. Si Diderot est venu chez Boulanger, Rousseau, lui, s’est attablé chez Vacossin, en 1776 ou 1777, en compagnie de Thérèse, du restaurateur et de sa famille. Il a été choqué par l’une des innovations de ce nouveau commerce: alors qu’auparavant n’existaient que des tables d’hôte à menu et prix fixes, où l’on ne choisissait pas ses voisins, il lui fallut payer la note pour les plats qu’il avait choisis.
Dans son livre, Margaret Visser s’en prend surtout à un mythe tenace, selon lequel le restaurant a été inventé pendant la Révolution par les cuisiniers d’aristocrates exilés ou guillotinés, qui auraient ainsi trouvé à s’employer. En 1791, Méot, ancien boucher de la maison de Condé, ouvrit ainsi rue de Valois un restaurant qui fut apprécié de Robespierre et de Saint-Just. Mais le mythe n’était pas si répandu, comme l’atteste le témoignage d’Édouard Fournier, d’ailleurs cité largement dans le Littré. Et nul n’ignorait que d’autres restaurants célèbres avaient ouvert avant la Révolution, tel le Beauvilliers, installé en 1782 ou 1783 au Palais-Royal par le restaurateur de ce nom. Lequel publiera en 1814 un fameux Art du cuisinier, en deux volumes.
Jean-Louis de Montesquiou
1. «Venez à moi, vous dont l’estomac souffre, et je vous restaurerai.» Extrait quelque peu détourné de l’Évangile selon saint Matthieu («Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai»).
Article tiré du numéro d’été du magazine « BoOks », consacré à la gastronomie.
L’armée nigériane a annoncé dimanche avoir libéré 178 otages de Boko Haram et avoir capturé un commandant du groupe islamiste au cours d’une opération militaire. «L’armée nigéiane a mené une offensive vers Aulari, sur l’axe menant à Bama», à 70 km au sud de Maiduguri, la plus grande ville du Nord-Est, a déclaré Tukur Gusau, un porte-parole de l’armée, dans un communiqué. «Durant cette opération, 178 personnes retenues en otage par les terroristes ont été sauvées dont 101 enfants, 67 femmes et 10 hommes (…) De plus un commandant des terroristes de Boko Haram a été capturé vivant», a-t-il ajouté.
L’armée nigériane a déjà annoncé avoir libéré des centaines de femmes et d’enfants retenus captifs par Boko Haram, ces derniers mois, notamment dans la forêt de Sambisa, un des repaires historiques du groupe islamiste désormais affilié à l’organisation État islamique (EI).
Plus tôt cette semaine, l’armée a annoncé avoir libéré 30 otages dont 21 enfants et sept femmes près de Dikwa, à quelque 90 km à l’est de Maiduguri, puis 59 otages, dont 29 femmes et 25 enfants au cours d’une autre opération près de Konduga, une ville également située sur l’axe qui relie Maiduguri à Bama.
Dimanche dans la journée, l’armée nigériane a aussi annoncé avoir mené des frappes aériennes sur le village de Bita, non loin de la forêt de Sambisa, où Boko Haram s’apprêtait à lancer une offensive. «De nombreux» islamistes ont été tués, a précisé l’armée, sans plus de détails.
La séquence est présentée en avril 1974 dans l’émission de Bernard Pivot, «Ouvrez les guillemets». On y voit William Burroughs, accompagné de son ami le peintre et poète Brion Gysin, revisiter l’une des chambres du Beat Hotel, rue Gît-le-Coeur, où ils vécurent à la fin des années 1950. Répondant aux questions du journaliste Raphaël Sorin, Burroughs marmonne : «Je n’avais rien de spécial à dire en ce temps-là, maintenant non plus. Rien n’est historique.»
Ce jour-là, Burroughs porte comme à son habitude lunettes, costume cravate, chapeau mou. Il a une tête de directeur d’agence bancaire. Sa voix traînante, légèrement nasillarde, semble avoir été bidouillée sur un magnétophone. Burroughs a tout juste 60 ans, il est connu par les lecteurs de la Beat Generation. Malgré ses amitiés partagées avec les écrivains et poètes de ce mouvement (Allen Ginsberg, Jack Kerouac, Gregory Corso), il affirme pourtant n’avoir aucun lien avec cette littérature. William Burroughs vient d’ailleurs.
Né à Saint-Louis (Missouri) dans une famille de la bourgeoisie américaine (son grand-père est l’inventeur en 1886 d’une machine à calculer qui allait donner naissance aux caisses enregistreuses), Bill, comme on l’appelle, est un gamin très curieux de nature. A 14 ans, une de ses expériences de chimie tourne mal: dans la cave de la maison familiale, il a mélangé du phosphate et du chlorate de potassium. La préparation explose, lui abîmant sérieusement la main.
A l’hôpital, le chirurgien, afin d’apaiser la douleur, lui injecte une dose de morphine. La première. Le jeune Bill est aussi un grand lecteur, et l’un de ses livres de chevet est «You Can’t Win», de Jack Black, Mémoires d’un truand toxicomane qui rappellent qu’au début du XXe siècle, aux Etats-Unis, la morphine et l’opium coûtent moins cher que le tabac : «Avec cinquante cents de dope, on peut tenir toute la journée», écrit Black (1).
« La peur physique de mourir »
C’est à New York, en 1943, que Burroughs va faire le grand saut. À Manhattan, il fait la connaissance d’Allen Ginsberg, jeune étudiant à Columbia de 17 ans, et de Jack Kerouac, 21 ans. La bande fréquente les bars et les clubs de Greenwich Village. Le cocktail de l’époque est à base d’alcool, de jazz, de littérature, de sexe.
Burroughs a perdu son pucelage dans un bordel de Saint-Louis. En 1936, lors d’un voyage en Europe, il a épousé une juive allemande réfugiée en Yougoslavie afin qu’elle puisse obtenir la nationalité américaine. Ce sera un mariage blanc. Bill préfère les garçons. Diplômé de Harvard (en littérature anglaise), il découvre la drogue en 1944. Il a raconté dans «Junky» sa première injection:
La morphine affecte d’abord la face postérieure des jambes, puis la nuque en une onde décontractante qui gagne tout le corps, relâchant les muscles, si bien que vous avez l’impression de flotter sans contours comme dans de l’eau chaude salée.
Le paradis? Pas vraiment. Il décrit par la suite la terreur qui s’empare de lui, «le choc de la peur physique de mourir», puis les nausées.
Burroughs n’est pas accroché tout de suite. La dépendance ne s’installe qu’au bout de plusieurs shoots. La drogue n’est pas chère, environ 1,50 dollar le grain [un grain égale 6 centigrammes, NDLR]. Et Burroughs n’a pas de souci à se faire. Chaque mois, son père lui verse 150 dollars –une pension qu’il percevra jusqu’à ses 50 ans. Mais sa consommation de came augmentant, il doit trouver de l’argent: avec un autre toxico, il fait les poches des ivrognes endormis dans la rue ou le métro et, occasionnellement, devient dealer.
La défonce porte bien son nom. Elle détruit tous ceux qu’elle touche. Burroughs se retrouve mêlé à une affaire de meurtre (l’un de ses amis en a tué un autre). Le procureur le convoque au titre de témoin, mais il ne sera pas davantage inquiété. Cet épisode sera à l’origine d’un roman, «Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines», écrit à quatre mains avec Kerouac en 1945. Le manuscrit est proposé à la maison Simon & Schuster. Kerouac veut y croire, affirmant que ce bouquin est le portrait de «la frange “perdue” de notre génération […] et, à cet égard, la nôtre est imbattable». Le roman sera pourtant refusé, il ne paraîtra qu’en 2008.
Burroughs va être impliqué dans une autre disparition violente. Celle-là aura des conséquences terribles. A la fin des années 1940, il décide de quitter les Etats-Unis. Ses ennuis avec les flics n’y sont pas étrangers. Burroughs, qui trafique des ordonnances de médecin pour se fournir de la drogue, a été arrêté. Libéré sous caution (payée par son père), il s’engage à suivre une cure de désintoxication. Trois ans plus tard, nouvelle interpellation suivie d’une nouvelle cure.
Alors en 1949, il suit le conseil de Jack Kerouac qui lui recommande Mexico, une ville où l’on peut vivre avec 2 dollars par jour, alcool inclus. Burroughs fait le voyage avec Joan Vollmer, une femme «très intelligente et intellectuelle» selon Ginsberg, dont il a fait la connaissance à New York et qu’il épouse en 1947. Ensemble, ils auront un enfant, Billy Jr., l’année suivante.
Joan carbure à la benzédrine, à laquelle elle aurait été initiée par Kerouac. Au Mexique, le couple est bien décidé à laisser tomber la came. «J’ai réussi à tenir trois mois, racontera Burroughs. Mais, en l’espace de trois jours, j’ai replongé.» La législation mexicaine est plus permissive que celle des Etats-Unis. Grâce à un permis officiel, il peut se procurer 15 grammes de morphine par mois: pour lui, «c’est un véritable rêve de junky».
« J’ai appris l’équation de la came »
Bill est passionné par les armes à feu. Adolescent, il s’amusait à dégommer des poulets lors de virées en voiture. À Mexico, il achète un revolver pour s’entraîner au tir. Un jour, il épate ses amis mexicains en tirant sur une souris qu’un gamin avait apportée: d’une seule balle, il la décapite. La drogue coule à flots, l’alcool aussi.
Le 6 septembre 1951, lors d’une soirée arrosée, Joan propose à Burroughs«de jouer à Guillaume Tell» et se pose un verre sur la tête. Bill est environ à 2 mètres d’elle. Il sort de son holster un pistolet automatique et tire. Le verre demeure intact. La balle va se loger dans le crâne de Joan. Elle décède quelques heures plus tard à l’hôpital. Burroughs est foudroyé. Pour lui, c’est «l’esprit du mal» qui a dicté son geste. Inculpé de meurtre, il est emprisonné deux semaines avant d’être libéré sous contrôle judiciaire. Son avocat, toujours payé par le père de Burroughs, défendra la thèse de l’accident. Il sera condamné par contumace, après avoir quitté le Mexique, à deux ans de prison.
Joan ne lira donc jamais «Junky», dont Burroughs avait commencé la rédaction à ses côtés. Publié en 1953 sous pseudonyme (William Lee), ce récit autobiographique est une plongée dans le monde de la dope, avec ses truands, ses flics, ses bouges et ses arnaques. Extrait de la préface rédigée par l’auteur :
J’ai appris l’équation de la came. La came n’est pas, comme l’alcool ou l’herbe, un moyen de jouir davantage de la vie. La came n’est pas un plaisir. C’est un mode de vie.
Le bouquin passera totalement inaperçu. La légende Burroughs, c’est pour plus tard.
Ses séjours à Tanger, Paris (entre 1958 et 1959), Londres (entre 1966 et 1973), sont autant d’étapes qui vont jalonner son parcours d’écrivain et de toxicomane. Au Maroc, il rencontre Paul Bowles et Francis Bacon. Sous le soleil de Tanger, la vie est facile, les garçons pas farouches, la drogue se trouve aisément.
Très vite repéré, l’Américain est surnommé «Minnie morphine» par les flics de la ville. Une réputation qui ne l’empêche pas de tester d’autres produits: il se pique à l’eukodal, mélange de cocaïne et de morphine inventé par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale. Il commence alors à écrire «le Festin nu», que Gallimard publiera en France en 1964. Cette fresque hallucinée mêle éléments biographiques et fragments de récits imaginaires.
Burroughs ne pratique pas encore le cut-up (technique de collage littéraire que va lui faire découvrir Brion Gysin), mais cette bombe littéraire (un chef-d’oeuvre pour Norman Mailer) n’en est pas moins une suite d’épisodes apocalyptiques et décousus mêlant humour noir, sexe, drogue. Dans le texte d’introduction à ce brûlot, Burroughs confesse avoir goûté à la drogue sous toutes ses formes:
Il ajoute avoir triomphé de «la Maladie» à l’âge de 45 ans. Le répit sera pourtant de brève durée.
Installé à Paris à partir de janvier 1958, Burroughs prend pension dans un hôtel de la rue Gît-le-Coeur –la légende lui donnera le nom de Beat Hotel. Ginsberg, Corso, Gysin l’y retrouvent. C’est là, entre deux prises de cocaïne (fournie par un riche banquier parisien) et d’Eubispasme (médicament contre la toux, en vente libre, contenant un dérivé d’opium), qu’il va mettre en forme «le Festin nu» et rédiger sa fameuse trilogie, «la Machine molle», «Nova express» et «le Ticket qui explosa».
« À Meudon, chez Céline »
Au cours de ce séjour, il rencontre Louis-Ferdinand Céline. Le rendez-vous a été arrangé par Michel Mohrt, éditeur chez Gallimard. Accompagné de Ginsberg, il se rend à Meudon, au domicile de l’auteur du «Voyage au bout de la nuit». Burroughs parle de son addiction à la morphine. Céline raconte comment, alors qu’il se trouvait à bord d’un navire qui avait été touché par une torpille, il avait injecté de la morphine à des passagers morts de trouille. Les doses étant trop élevées, ils se mirent à vomir.
La conversation aborde la littérature. Burroughs cite ses auteurs préférés (Michaux, Beckett, Genet) à quoi Céline répond, après chaque nom : «Ça ne vaut rien, ça ne vaut rien» (2). Au moment de la séparation, Ginsberg lance : «Nous vous saluons depuis notre Amérique comme le plus grand écrivain de France!» Lucette, l’épouse de Céline, le corrige: «Le plus grand écrivain de l’univers!»
William Burroughs n’a pas toujours été le grand camé que l’on retrouve dans ses livres. Avec la même précision qu’il déploie pour décrire les effets et les conséquences de son addiction, il militera pour sa prise en charge médicale. Dans «Apomorphine» (3), il défend le traitement que lui prescrivit à Londres le Dr Dent et qui, selon lui, permettait de «régulariser le métabolisme» des patients, les aidant à franchir les étapes du sevrage.
L’apomorphine n’empêcha pourtant pas Burroughs de renouer avec ses anciennes habitudes. A la fin des années 1960, il devient une figure emblématique de la contre-culture. Paradoxe: Burroughs est loin d’être un hippie. Le LSD et les drogues hallucinogènes ne l’intéressent pas. Sa dégaine de cadre supérieur à tête de hibou le laisse entendre: il ne rêve pas d’un monde meilleur.
Ses rencontres avec les icônes du monde du rock (les Rolling Stones, Patti Smith) et du pop art (Andy Warhol) ne furent pas d’une grande intensité. L’auteur du «Festin nu» prit même Mick Jagger sèchement à partie lors d’un entretien destiné au magazine «Rolling Stone». Alors que Burroughs parlait de «révolution culturelle», le chanteur fit semblant de ne pas comprendre, suscitant aussitôt cette repartie:
Vous réalisez qu’il y a trente ou quarante ans on ne pouvait pas imprimer dans un livre un mot de quatre lettres [le mot “fuck”, en français : baiser, NDLR]. Et vous demandez de quelle révolution culturelle je parle. Putain, mec, qu’est-ce que vous croyez qu’on a fait pendant toutes ces années?
Keith Richards, grand admirateur de Burroughs, avoua quant à lui avoir suivi le traitement à l’apomorphine conseillé par l’écrivain. «C’était une cure un peu moyenâgeuse, dira-t-il. Tu passais ton temps à vomir.»
Devenu star, Burroughs donne des lectures dans les universités américaines, tourne dans une pub pour Nike et un clip pour U2. Le «Godfather» de la défonce se voit même offrir une livre d’opium thaïlandais par un gros bonnet de la drogue qui veut ainsi témoigner de son «respect» à l’auteur de «Nova Express». Après la génération pop, c’est la génération punk qui va l’aduler.
En 1977, le vieux Bill (il a 63 ans) écrit une lettre de soutien aux Sex Pistols lorsque leur «God Save the Queen» est interdit d’antenne par la BBC. Le nihilisme des sauvageons britanniques séduit un écrivain qui a toujours considéré que le système politique était pourri de l’intérieur. Dans les années 1970, il dit même de Richard Nixon qu’il a une tête de camé en manque. Pour autant, il n’a jamais appelé à la révolte, pas plus qu’il n’a fait montre du moindre prosélytisme pour la consommation d’une drogue quelconque. Burroughs a toujours été un loup solitaire.
En 1990, Kurt Cobain, le leader de Nirvana, lui propose d’enregistrer un disque avec lui. Burroughs évoquera leur rencontre, en 1993: «Cobain était très timide, très poli […] Il paraissait fragile et irrémédiablement perdu.» Le disque verra le jour, Cobain massacrant à la guitare un chant de Noël tandis que la voix de Burroughs récite un extrait de son livre, «Exterminateur!». Lors de cette brève aventure musicale, Cobain offre à l’écrivain une biographie du chanteur de blues Leadbelly. Burroughs, qui lui fait cadeau d’une peinture, jurera ne jamais lui avoir montré sa collection d’armes. Une précision utile. Début avril 1994, Kurt Cobain se suicide en se tirant une balle dans la tête.
William Burroughs a vu disparaître sa femme, son fils (Billy meurt en 1981) et tous ses amis. Jack Kerouac, Brion Gysin, Allen Ginsberg ont quitté la terre avant lui. D’autres, moins célèbres, ont succombé à des overdoses ou à des maladies liées à la drogue. Lui décède le 2 août 1997, des suites d’un malaise cardiaque, à l’âge de 83 ans. Il est enterré vêtu d’une chemise blanche, d’une cravate, d’un pantalon droit, d’un gilet marocain brodé. Les chaussures noires, bien cirées, ne sont pas oubliées. William Burroughs ne supportait pas les chaussures sales.
Bernard Géniès
(1) Traduction française : «Yegg. Autoportrait d’un honorable hors-la-loi», édition Les Fondeurs de briques.
(2) Cité par Barry Miles dans «William Burroughs, a life», Weidenfeld & Nicholson. A lire aussi, également en anglais, «Literary Outlaw», par Ted Morgan, Norton.
(3) Editions de L’Herne.
Bio express
WILLIAM SEWARD BURROUGHS est né le 5 février 1914 à Saint-Louis (Missouri). Après avoir étudié à Harvard, il s’installe dans les années 1940 à New York, où il rencontre Jack Kerouac et Allen Ginsberg. Il quitte les Etats-Unis en 1949, début d’une longue errance qui va le conduire au Mexique, au Maroc, à Paris puis en Angleterre. Il revient aux Etats-Unis en 1974, où il meurt en 1997.
À suivre dans « Les camés de l’été »
«Ol’ Dirty Bastard sous crack», par David Caviglioli
«Henri Michaux sous mescaline», par Fabrice Pliskin
« La facilité mène aux difficultés. » La phrase, élégamment calligraphiée, est accrochée au mur de l’atelier, au sous-sol de la boutique située rue de la Sourdière, dans le 1er arrondissement de Paris. Cette devise, chère à sa famille, Edwina de Charette en a fait son sacerdoce.
« C’est dans mon sang, je ne sais pas faire autrement. Quoi que j’entreprenne, je le fais à fond. Je suis extrêmement perfectionniste. Et vraiment bien faire les choses, c’est forcément complexe »
explique la jeune femme avec ses grands yeux clairs écarquillés.
De la détermination, Edwina a dû en faire preuve pour se lancer dans la maroquinerie. Depuis 2011, cette ancienne journaliste œuvre au calme dans sa petite boutique-atelier et propose à une clientèle sophistiquée un service ultra luxe : des sacs et des petites pièces de maroquinerie entièrement personnalisables, directement confectionnées par des artisans : « de la slow maroquinerie façon Savile Row », selon ses propos.
Edwina pose avec son équipe / porte-cartes en veau lisse / Marie, récemment embauchée, prépare un zip pour un porte-documents (photos Marie-Amélie Tondu)
Rien ne destinait Edwina à piquer du cuir. Elle est en pleine reconversion quand l’aventure débute, en 2009. Elle a quitté son poste de rédactrice en chef de l’émission Paris Dernière depuis quelques années et se consacre à l’éducation de sa fille. Insatisfaite des sacs à main proposés dans le commerce, elle décide de créer le sien. Avant de rapidement déchanter. « Je ne comprenais pas », répète-t-elle à plusieurs reprises encore effarée.
Je ne comprenais pas pourquoi c’était si compliqué, en France, de se faire faire un sac sur mesure. C’était soit moche, soit hors de prix, soit les deux. Je voulais un truc tout simple et intemporel. Mais strictement rien de ce que l’on me proposait ne me convenait. »
Pas du genre à abandonner quoi que ce soit, Edwina s’entête. « Je suis allée au salon du cuir, et j’ai cherché. Cherché des maroquiniers et des fournisseurs. Ça a pris beaucoup de temps, mais j’ai fini par trouver. » Elle finit par s’entendre avec un artisan qui a œuvré dans plusieurs maisons de luxe. Lui, de son côté, est impressionné par la qualité des cuirs sélectionnés par la jeune femme, alors complètement novice. Elle, du sien, sent que son histoire avec le cuir ne fait que débuter : « Sans savoir, j’avais choisi les meilleurs fournisseurs. Il est resté bouche-bée. Ça m’a donné confiance en moi. C’était facile, instinctif de travailler cette matière. J’ai appris à coudre très vite aussi.«
Teinture d’un garant de fermeture à glissière effectuée à la main / les plaques en laiton massif sont chauffées pour marquer le cuir (photos Marie-Amélie Tondu)
Pour Edwina, désormais à la tête d’une enseigne qui fait travailler trois artisans à temps complet, être un bon maroquinier, c’est comme être un bon cuisinier ou pâtissier. Il y a la technique oui, mais pas seulement : « C’est une histoire de feeling. Le cuir, il faut le sentir, le comprendre. J’ai vu des débutants mieux travailler que certains artisans qui ont bossé pendant des années dans de très grandes enseignes. La “maro”, tu l’as ou tu ne l’as pas, c’est une logique, un amour particulier. » Un truc un peu magique, une affaire de goût aussi. « Je ne suis pas dupe, c’est aussi mon background, j’ai été habituée à avoir de jolies choses. Ma mère était peintre, ma famille est dans le vin et dans le champagne depuis des années. J’ai été élevée dans l’idée que le beau ne triche pas. Tu ne peux pas mentir : ton vin, il est bon ou il ne l’est pas.«
Un conditionnement dont la jeune femme ne se cache pas, comme de son « nom à rallonge », dont La Contrie est extraite. Edwina est une aristocrate, une vraie mais fan d’art contemporain, de graffiti et de hip-hop. Sa marque, elle l’a conçue à son image : aussi racée que cool, traditionnelle que moderne. Un savant dosage que l’on retrouve plutôt chez les aristos anglais, celui d’une élégance toujours infusée d’excentricité. L’automne dernier, elle a signé un sac, en collaboration avec Off/White, la griffe de streetwear ultra luxe créée par Virgil Abloh, l’ancien directeur artistique de Kanye West.
En fait, aussi différents que nos univers et nous étions, on avait vraiment un truc en commun : l’idée que le luxe, c’est avant tout des choses bien faites, dans de très belles matières, avec du temps et du respect. »
Les modèles en veau lisse ourlés de cordon marin multicolore / Jérémy prépare une poignée ronde appelée Toron / un détail du sac Rohan, l’étendard de la maison (photos Marie-Amélie Tondu)
Pour définir son enseigne, Edwina de Charette parle d’un « goût très français, sobre », mais qu’elle « aime bien twister », à l’image de son nouveau modèle, en sublime cuir naturel, mais ourlé d’un fin cordage de marin multicolore. « Il faut savoir se réinventer, mais il faut rester fidèle à ce que l’on est. Parfois, si je m’écoutais, je mettrais des franges partout. Mais La Contrie doit rester intemporelle, on ne doit pas être à la mode, mais de toutes les modes.«
Un dramatique accident s’est produit peu après 1 heure du matin dans la nuit de samedi à dimanche sur la commune de Rohan, dans le Morbihan.
Ouest-France rapporte ainsi que 14 jeunes -mineurs entre 14 et 17 ans, d’après les premiers éléments- se trouvaient dans une camionette de type Citroën Berlingo, soit le double de la capacité maximale annoncée par le constructeur. Le véhicule a été retrouvé dans un fossé de la route départementale D17, et le bilan est lourd : quatre jeunes sont morts, un autre de 16 ans a été transporté dans un état grave à Rennes.
Accident Rohan, le maire Bernard Nizan réagit à 10h @Francebleubzh : « c’est une catastrophe, c’est incompréhensible, non c’est pas possible »
L’Agence mondiale antidopage (AMA) s’est dit «très inquiète» dimanche après les nouvelles accusations de dopage dans l’athlétisme portées contre la Russie et le Kenya, dans un documentaire de la chaîne publique allemande ARD.
«L’AMA est très inquiète» après la diffusion du documentaire (visible en ligne et en version anglais ici) qui «contient de nouvelles accusations concernant un dopage étendu dans l’athlétisme», a indiqué l’Agence mondiale antidopage dans un communiqué, le président de l’AMA ajoutant à Kuala Lumpur qu’une «enquête concernant l’athlétisme en Russie allait être élargie». Un documentaire sur le dopage dans l’athlétisme, diffusé samedi après-midi sur la chaîne publique allemande ARD, lance de nouvelles attaques contre la Russie, déjà épinglée dans un précédent reportage, et pointe également le Kenya.
Dans ce nouveau documentaire, trois semaines avant les Mondiaux d’athlétisme de Pékin (du 22 au 30 août), les journalistes d’ARD accusent une nouvelle fois l’athlétisme russe, soutenant que, «malgré les assurances des fonctionnaires russes» en faveur d’un sport propre, «les sportifs dopés et les instigateurs sont toujours protégés», selon un communiqué de la chaîne. Le documentaire fait ainsi état de suspicions à l’encontre de la Russe Mariya Savinova, championne olympique du 800m à Londres en 2012 : dans un enregistrement sonore qui lui est attribué, l’athlète reconnaît la prise d’hormones de croissance.
«L’AMA est très préoccupée par les nouvelles accusations soulevées par ARD, qui une fois de plus vont jeter le doute sur les athlètes intègres dans le monde», a déclaré Craig Reedie, président de l’AMA. Ces nouvelles accusations, «vont être transmises aussi vite que possible à la commission indépendante de l’AMA» pour une enquête qui va «être élargie», a ajouté M. Reedie, membre du Comité international olympique réuni en session à Kuala Lumpur. «Ces accusations demandent un examen rapide et précis pour déterminer s’il y a eu violation du code mondial antidopage et si tel est le cas déterminer quelles actions doivent être engagées», a-t-il ajouté.
L’équipe de journalistes de l’ARD s’appuie encore sur les propos, enregistrés en caméra cachée, d’une spécialiste russe du 800m, Anastasia Bazdireva. «Avec les anabolisants, j’ai les muscles durs. Mais je peux courir. C’est dur, mais ça va. Tu te sens différent avec les anabolisants», dit-elle. Le documentaire fait aussi état d’une banque de données riche de 12 000 résultats d’analyses sanguines, qui leur a été remise de façon anonyme. L’équipe de journalistes s’est également rendue au Kenya où, en caméra cachée, ils ont filmé des injections de produits dopants «dangereux».
Le Kenya a été secoué récemment par un scandale de dopage qui a notamment valu à la star du marathon Rita Jeptoo d’être suspendue deux ans. A la suite du précédent documentaire d’ARD sur le sujet, le président de la Fédération russe d’athlétisme, Valentin Balakhnichev, mis en cause dans le reportage, avait démissionné en février. Dans la foulée, la Fédération russe d’athlétisme avait lancé une procédure en justice contre ARD.
« Vous êtes astucieux, sincère et tranquille. » Le super-ordinateur Watson, qui a battu des humains au jeu Jeopardy, s’est lancé dans l’analyse de ma personnalité. Ou plutôt de ce qu’il en ressort d’après un texte que j’avais écrit.
La machine conçue par IBM propose en effet à n’importe quel internaute de décrypter sa personnalité à partir de quelques lignes (minimum 100 mots) rédigées en anglais ou en espagnol. Le résultat est amusant, surtout parce qu’il livre le détail chiffré de chaque aspect de la personnalité de l’auteur. Amusant mais pas forcément très convaincant.
Watson me voit comme franc (à 93%), à la recherche de la réussite (89%), dans un désir d’amélioration (98%). En revanche, je ne serais absolument pas modeste (2%), et encore moins altruiste (1%). Pour dresser ce portrait, Watson s’est basé sur un e-mail de 260 mots envoyés à un correspondant américain dans le cadre d’une interview. La documentation précise néanmoins qu’il vaut mieux donner à l’ordinateur un texte de 3.500 mots, voire de 6.000, pour que cette « analyse linguistique » déduise au mieux « les caractéristiques cognitives et sociales » de l’auteur.
Plus que de se tester soi-même, le programme de Watson se révèle particulièrement intéressant pour découvrir la personnalité des autres. Evidemment, les résultats sont à prendre avec des pincettes, mais voilà l’outil ultime du « stalker », c’est-à-dire celui qui traque la présence en ligne d’une cible (parfois jusqu’à l’extrême).
Après les collègues et les CV, je me suis lancé dans l’analyse des auteurs français : 10 écrivains incontournables sont passés à la moulinette du programme. Les personnalités s’avèrent diverses et variées, donnant un aspect nouveau aux oeuvres.
(Cliquer sur les visuels pour afficher en plus grand)
# Les empathiques
« L’Etranger » révèle étonnamment un Albert Camus « sentimental » et « empathique » (ce qui ne colle pas au personnage de « l’Etranger »), mais aussi « difficile à embarrasser » et « relativement indifférent à l’indépendance et la réussite ».
La personnalité d’Albert Camus, calculée à partir du premier chapitre de « L’Etranger » (LIDO/SIPA/Capture d’écran)
Il se rapproche ainsi de Gustave Flaubert qui, avec « Madame Bovary », apparaît comme « généreux et expressif », mais également « empathique » et faisant facilement « confiance ». Une sorte de naïveté bien loin du réalisme de son écriture…
La personnalité de Gustave Flaubert, calculée à partir du premier chapitre de « Germinal » (GOLDNER/SIPA/Capture d’écran)
# Les prétentieux
Selon Watson, Gustave Flaubert a une personnalité opposée à Molière, dont « le Bourgeois Gentilhomme » met en lumière un homme « social », d’où son attrait pour la comédie. C’est également quelqu’un « avec une haute estime de [lui-]même ».
La personnalité de Molière, calculée à partir de la première scène du « Bourgeois Gentilhomme » (Flickr/Skara kommun/Capture d’écran)
Pierre Corneille affiche plus de mesure. « Le Cid » révèle une personnalité « sociale » mais « sans prétention », malgré des « choix entraînés par un désir de prestige ». Sur ce point, il a été comblé.
La personnalité de Pierre Corneille, calculée à partir de la première scène du « Cid » (ABECASIS/SIPA/Capture d’écran)
# Les confiants
Pour Voltaire, c’est son tempérament « calme » qui ressort. « Candide » le présente comme « sincère et confiant », mais aussi capable de « gérer des événements inattendus calmement et efficacement ». De quoi donner une nouvelle lecture des grands combats du philosophe des Lumières.
La personnalité de Voltaire, calculée à partir de la première scène de « Candide » (AFP/Capture d’écran)
Cette personnalité se rapproche de celle d’Emile Zola, dont « Germinal » le dépeint comme « calme sous la pression » et « confiant ». Il a également « un désir de bien-être », qui s’illustre par sa maison de campagne à Médan.
La personnalité d’Emile Zola, calculée à partir du premier chapitre de « Germinal » (GOLDNER/SIPA/Capture d’écran)
# Les insensibles
Watson désigne également les « insensibles ». Premier d’entre eux : Jules Verne, que « 20.000 lieues sous les mers » présente comme « sceptique » et « philosophe », et « avec une imagination débordante ». Un point sur lequel le super-ordinateur ne se trompe pas.
La personnalité de Jules Verne, calculée à partir du premier chapitre de « 20.000 lieues sous les mers » (LASKI/SIPA/Capture d’écran)
Stendhal aussi apparaît comme « un peu insensible et sceptique », avec « le Rouge et le noir ». L’auteur est « sûr de lui, » également « philosophe » et attiré par « les expériences qui donnent un sentiment de bien-être ». Idée à rapprocher du beylisme, cette recherche du bonheur caractéristique des héros de l’auteur romantique.
La personnalité de Stendhal, calculée à partir du premier chapitre du « Rouge et le noir » (GOLDNER/SIPA/Capture d’écran)
De quoi le rapprocher de Jean-Paul Sartre. Sa nouvelle « Huis clos » le dépeint comme un homme « sincère, un peu insensible et sceptique ». Néanmoins, il est un « philosophe ouvert aux idées nouvelles », ce qui s’illustre dans ses travaux sur l’existentialisme, cette doctrine qui met l’accent sur le vécu plutôt que sur l’être.
La personnalité de Jean-Paul Sartre, calculée à partir du premier chapitre de « Huis Clos » (RUDLING/SIPA/Capture d’écran)
# Le strict
Enfin, Victor Hugo se révèle, avec « Notre-Dame de Paris », comme « strict et un peu insensible ». Lui aussi « philosophe », il est « sûr de [lui] » et « calme sous la pression ». Sa barbe certainement..
La personnalité de Jean-Paul Sartre, calculée à partir du premier chapitre de « Notre-Dame de Paris » (SEGUIN/SIPA/Capture d’écran)
Boris Manenti
Pour analyser votre personnalité ou stalker celle de quelqu’un d’autre, il suffit d’ajouter un texte en anglais ou en espagnol dans la fenêtre ci-dessous :
Je me souviens qu’en août 1963 la bande-annonce des « Oiseaux » était géniale : Hitchcock lui-même présentait le film, en précisant bien qu’il fallait se méfier des bêtes à plumes, puis il taquinait un serin en cage (qui lui piquait le doigt d’un coup de bec) et se mettait à table pour manger un poulet.
Il ne le savait pas, mais c’était son dernier film réussi : les cinq films suivants ont terriblement vieilli. Pas « les Oiseaux », curieuse fiction de suspense fantastique, où des milliers de mouettes attaquent les humains.
A l’époque, « Hitch » racontait aux journalistes que c’était un événement authentique, que les habitants d’un patelin américain avaient été soumis aux plongées kamikazes de volatiles dangereux. Certains critiques y virent une méditation métaphysique sur la fin des temps, sur la menace atomique, sur la vengeance de Dieu. Chacun ses âneries, n’est-ce pas ? En tout cas, c’est magistral.
Cruel, voire sadique, toujours tyrannique
En fait, le réalisateur s’est inspiré d’un roman de Daphné du Maurier (auteur de deux autres romans adaptés par « Big Alfred », « la Taverne de la Jamaïque » et « Rebecca ») et a fait écrire le scénario par Evan Hunter (pseudonyme d’Ed McBain, génie du polar). Celui-ci a travaillé dur sur ce script et a raconté son expérience dans un (passionnant) livre, « Hitch et moi » (Ramsay). Les effets spéciaux (très sophistiqués à l’ère préinformatique, autant dire le paléolithique supérieur) sont signés Ub Iwerks, créateur du personnage de Mickey Mouse chez Walt Disney.
Quant à Tippi Hedren, dont c’était le premier rôle (elle avait 33 ans), elle a alors découvert la face cachée de Hitchcock : cruel, voire sadique, toujours tyrannique. Elle fut même un brin stupéfaite quand le bonhomme lui proposa de partager quelques instants de fun ensemble. L’idée de faire la pirogue congolaise avec le Bibendum lui répugnait. Elle le traita même de « fat boy ». C’était le péché maximum. Personne n’avait osé. Du coup, le tournage se transforma en enfer pour elle, et, lors du film suivant, « Pas de printemps pour Marnie », ce fut pire. Après quelques autres tentatives cinématographiques, Tippi Hedren préféra se consacrer à l’élevage des félins.
Pour le pittoresque : notez l’apparition du cinéaste, au début du film, en compagnie de deux chiens. Lesquels, sur le plateau, étaient, de l’avis général, les êtres les mieux traités par le maître du suspense.
François Forestier
♦ Les Oiseaux, par Alfred Hitchcock. Film américain, avec Tippi Hedren, Rod Taylor, Jessica Tandy, Suzanne Pleshette (1963, 2h).
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