L’économie française reste ultra-dominée par les très grandes groupes, puisque 1% des entreprises concentraient en 2013 97% de l’exportation, 65% de la valeur ajoutée et 55% de l’emploi du secteur marchand, selon une étude de l’Insee publiée mercredi, qui observe par ailleurs un effet positif du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).
Ces 24 000 entreprises représentent également 85% de l’investissement, avec plus de 500 000 euros annuels investis pour chacune, selon l’enquête de l’Insee. A l’inverse, une entreprise sur deux n’a pas investi du tout en 2013. Par ailleurs, entre 2012 et 2013, les plus grandes entreprises ont majoritairement été en croissance, tandis que plus de la moitié des entreprises de plus petite taille ont vu leur valeur ajoutée diminuer.
En 2013, les 2,4 millions d’entreprises françaises, hors secteurs agricole et financier, ont réalisé un chiffre d’affaires hors taxe global de 3 700 milliards d’euros et une valeur ajoutée de 986 milliards d’euros, soit 52% de la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie du pays. L’investissement est «en recul malgré un effet positif des créations d’entreprises», précise en outre l’institut, qui souligne que «l’investissement corporel brut hors apports recule à nouveau en 2013 de 1,8%, après -2,7% en 2012». Néanmoins, l’Insee constate que l’entrée en vigueur, en 2013, du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), a eu «un effet positif sur le taux de marge», et a «permis aux entreprises d’intégrer les exonérations de charges dans leur comptabilité dès 2013».
Selon Hervé Bacheré, économiste à l’Insee, «il s’est vraiment passé des choses avec le CICE». Il «semblerait» que le recours au CICE se soit amplifié en 2014, alors que l’année précédente, les petites entreprises étaient pour certaines «réticentes à faire la paperasse», a-t-il commenté. Ainsi, depuis 2012, le coût horaire de la main d’oeuvre a augmenté de façon plus modérée en France que dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne, l’Italie, ou le Royaume-Uni: +1,1% en moyenne par an dans l’industrie (+2,1% dans la zone euro), et +0,8% dans les services marchands (+1% dans la zone euro). «Cette hausse modérée tient notamment à l’entrée en vigueur» du CICE, commente encore l’Insee.
Les Etats-Unis ont annoncé mardi que Téhéran, allié du régime de Damas, pourrait prendre part aux pourparlers sur la crise syrienne, mettant parallèlement en avant leur volonté d’intensifier leurs frappes contre les jihadistes de l’Etat islamique (EI).
Le secrétaire d’Etat John Kerry doit participer en fin de semaine à Vienne à des discussions pour tenter de trouver une issue politique au conflit syrien, dans la foulée d’une première rencontre la semaine dernière entre les Etats-Unis, la Russie, l’Arabie saoudite et la Turquie. «Nous nous attendons à ce que l’Iran soit invité à participer», a indiqué le porte-parole de la diplomatie américaine, John Kirby, évoquant un scénario qui représenterait un tournant diplomatique majeur face à une guerre qui a fait plus de 250 000 morts depuis 2011.
Les responsables américains n’ont pas précisé qui transmettrait l’invitation à Téhéran ni s’ils s’attendaient à ce que la République islamique l’accepte. Ces nouvelles discussions doivent se tenir vendredi, mais plusieurs diplomates évoquent des rencontres préparatoires dès jeudi soir. Le sort du président syrien Bachar al-Assad continue de diviser Washington et Moscou, soutien clé du régime syrien. Preuve des grandes manoeuvres en cours, le président américain Barack Obama a appelé mardi le roi Salmane d’Arabie saoudite pour évoquer en particulier la lutte contre l’EI et une possible «transition politique en Syrie», selon un compte-rendu diffusé par la Maison Blanche qui n’évoque pas la place possible de Téhéran dans les discussions à venir.
L’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite -les deux grandes puissances rivales de la région- s’opposent ouvertement sur la Syrie. Téhéran apporte un soutien financier et militaire au régime du président Bachar al-Assad alors que l’Arabie saoudite soutient les groupes rebelles. L’Iran n’envoie officiellement pas de soldats en Syrie, mais seulement des «conseillers» membres des Gardiens de la révolution, l’unité d’élite de l’armée de la République islamique. Fait sans précédent depuis le début du conflit, Téhéran a annoncé très officiellement depuis début octobre la mort d’une quinzaine d’Iraniens en Syrie.
«Actions directes au sol»
L’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a estimé mardi qu’une solution était possible en Syrie si la Russie et les Etats-Unis parvenaient à «travailler ensemble». A l’issue de la première conférence internationale sur la Syrie (Genève 1), le 30 juin 2012, les grandes puissances avaient signé un plan de règlement du conflit prévoyant une transition politique, mais qui est resté lettre morte. «Il était peut-être trop tôt en 2012. Mais aujourd’hui nous voyons des contacts qui n’étaient pas possibles en 2012», a estimé MAnnan. Sur le plan militaire, Washington a affiché sa volonté d’intensifier les bombardements aériens contre les jihadistes de l’EI en Syrie et en irak.
«Nous prévoyons d’intensifier notre campagne aérienne, y compris avec des appareils supplémentaires de la coalition et des Etats-Unis, pour cibler l’EI avec des frappes plus nombreuses et plus fortes», a déclaré le ministre américain de la Défense, Ashton Carter, devant la commission des forces armées du Sénat. «Nous ne nous interdirons pas de soutenir des partenaires capables de mener à l’occasion des attaques contre l’EI, ou de mener ces missions nous-mêmes, que ce soit par des frappes aériennes ou des actions directes au sol», a ajouté Carter. Ce dernier a laissé entendre que des militaires américains pourraient de nouveau participer à des opérations terrestres contre l’EI, comme celle menée la semaine dernière par des forces spéciales pour libérer 70 prisonniers du groupe jihadiste. Cette opération a coûté la vie à un soldat américain, le premier à mourir en Irak depuis 2011.
Les Américains et leurs alliés pilotent une coalition internationale contre l’EI et soutiennent certains rebelles syriens ennemis du régime. De son côté, la Russie a lancé il y a près d’un mois une campagne de bombardements aériens en Syrie. Une intervention contre le «terrorisme», affirme Moscou. Des raids destinés à sauver le chef de l’Etat syrien, accusent Washington et ses partenaires. Carter a précisé que Washington se concentrerait désormais sur «trois R»: Raqa, Ramadi et raids. Ramadi est la capitale de la province d’Anbar, dans l’ouest de l’Irak, que les forces irakiennes tentent de reprendre à l’EI, avec le soutien des frappes aériennes de la coalition.
Inutile d’actionner le GPS, lui-même se perd dans cette campagne orléanaise où William Sheller vit comme reclus. En tournant à droite sur la nationale, la voiture emprunte un chemin qui longe un bois où courent peut-être des biches, et sûrement des lapins. Ici, « Il automne à pas feutrés », comme chantait sa copine Barbara. Au bout du cul-de-sac, une maison claire et silencieuse.
En entrouvrant la porte, on le trouve assis, fixant un point, sans doute un écran allumé sur toutes les violences du monde. En approchant, on découvre que l’artiste observe sa baie vitrée : un grand rectangle de feuillages. Depuis combien d’heures, de jours, de semaines est-il assis là, pensif ? William Sheller lance :
Quelle année horrible ! »
Pour l’essentiel, il l’a passée à l’hôpital, à soigner une arythmie cardiaque. S’il semble fatigué, il est surtout soulagé d’entendre les deux ventricules battre de nouveau en choeur. On peut maintenant parler de « Stylus », ce disque contemplatif fait de sublimes ballades, de piano et de cordes. Et évoquer le passé par touches.
La pochette du dernier album de William Sheller, « Stylus ».
* * *
Vous n’avez pas sorti d’album depuis 2008, on aurait pu vous oublier.
– William Sheller : Cela n’aurait pas été si grave! J’ai donné beaucoup de concerts, trop de concerts, à travers la France et à l’étranger. On me demandait d’écrire un album, mais quand on fait d’aussi longues tournées, on n’a plus rien d’autre à raconter que des histoires de scène, d’hôtel, etc. Rien de très nourrissant. Cela ne m’empêche pas de composer car c’est mon métier.
En revanche, écrire des textes n’est pas mon métier. Si je le fais, c’est que j’y suis obligé. J’aime écrire mais je redoute la page blanche. J’aurais pu faire appel à des paroliers, mais curieusement je n’ai jamais réussi à obtenir des paroles ouvragées, avec des clins d’oeil à Baudelaire ou à d’autres, et une utilisation du français qui se permette des inversions de syntaxe.
Souvent, comme parfois les danseurs, les auteurs ne mettent pas les pieds sur les bonnes notes. Je préfère encore souffrir. La musique m’évoque des images, à la manière d’une musique de film. Sur telle séquence j’imagine un personnage, une situation, des sentiments. Ne reste plus qu’à lui faire raconter une histoire.
Au risque de passer pour un vieux con, je déplore que la plupart des chanteurs mettent autant de syllabes qu’il y a de place sur une mélodie. Même si ce n’est pas esthétique, même si on pourrait dire la même chose autrement.
Vous vivez donc à la campagne. C’est très calme ici…
– Au bout d’un moment, je me suis demandé ce que je faisais à Paris. Je pouvais passer 15 jours sans sortir. Si au moins j’avais eu un jardin… Je venais souvent dans cette région rendre visite à mes petits-enfants, et je trouvais ce coin tranquille. Si tranquille que certains prétendent qu’on s’y ennuie.
J’ai quitté Paris en 2001. J’ai trouvé une maison dont les 400 mètres carrés m’épuisaient, d’autant qu’il pleuvait dedans. Au bout de dix ans, j’ai déménagé dans cette propriété qui appartient à un milliardaire allemand. J’y prends un peu de repos, mais je ne vois plus grand monde. Je reçois des amis le week-end, mais ils ne s’invitent que de fin mars à début octobre. Ce n’est pas grave, je suis bien là.
« Je préfère inventer des histoires »
Votre disque est à l’image du paysage : apaisé, appelant à la contemplation. Est-ce celui d’un homme heureux ?
– C’est surtout le disque d’un artiste qui a été obligé d’en faire un! L’important est d’avoir un fil à tirer, une histoire qui ne ressemble pas à celles que j’ai déjà racontées. Je me plais à juxtaposer les images de manière qu’on ne sache pas précisément ce qui s’y passe, mais que l’on devine la situation, effrayante ou pas, qu’il y a derrière. Par exemple, je n’écrirais jamais : « Je suis allé au marché », mais : « Ce matin le marché était inondé de soleil. » On comprend que j’y étais.
Pour y parvenir, je noircis des rames et des rames de papier. J’écris à la main, à l’ordinateur je n’y arrive pas. Si ces chansons sont apaisées, c’est que je suis au calme, c’est vrai, ne jetant que de temps en temps mon regard de misanthrope sur les informations.
J’évoque quelques sujets qui sont dans l’air du temps, comme ces enfants de divorcés que le père récupère le week-end et dont il ne sait trop que faire. Mais je préfère inventer des histoires, je suis assez mauvais pour donner un avis sur l’actualité.
De ces enfants de divorcés, vous chantez qu’ils sont « sans famille ». N’est-ce pas violent pour évoquer une situation devenue banale ?
– Une famille recomposée ou monoparentale n’est plus une famille, mais un éclatement. Alors, c’est peut-être très banal, mais cela reste douloureux, c’est une faille. Je l’ai vécu.
Vos parents ont divorcé ?
– Ah non! Mes parents se sont mariés quand j’ai eu 50 ans. C’est dire s’ils ont eu le temps de m’élever. Moi, oui, j’ai divorcé, et ce fut tragique à tel point que je n’aime pas beaucoup chanter cette chanson. Elle me rappelle des souvenirs pénibles.
Il y a un autre enfant dans le disque, que vous surnommez « le petit Pimpon ». Que lui arrive-t-il ?
– C’est une version alambiquée d’une chanson de Crosby, Stills and Nash qui dit : « Si tu n’es pas avec celle que tu aimes, aime celle avec laquelle tu es. » Les parents du petit Pimpon sont visiblement heureux, sauf que le père a un secret, le souvenir d’un amour qui n’a pas abouti.
Ce n’est pas la mère du petit qu’il aimait à l’origine. Finalement, ce n’est pas plus mal, et le petit garçon s’endort auprès de ses parents. La famille est réunie, réussie. Ce n’est pas la passion, mais cela vaut peut-être mieux tout compte fait.
« Les Souris noires » est la chanson qui assombrit le plus votre disque. On croirait une lettre telle que les poilus en envoyaient à leur famille.
– J’aime bien cette image baudelairienne : « Les souris noires ont les yeux rouges, ma mère. » Cette chanson se situe dans l’avant-guerre, plutôt au Moyen Age avec les sabots de chevaux en fond sonore, mais elle peut s’inscrire dans toutes les époques.
C’est une lettre, qui aboutira ou pas, écrite par un jeune homme. Ma voix ne vieillit pas, ne chevrote pas, j’ai de la chance : je peux incarner quelqu’un de plus jeune que moi. Quand j’ai fait « Excalibur », le personnage avait 18 ans, moi 32, mais ça passait.
« Barbara dans tous ses états »
Vous fêtez les 40 ans d’une carrière commencée sous les encouragements de Barbara. « Tu devrais chanter », vous avait-elle conseillé.
– Barbara cherchait un arrangeur pour son album « la Louve ». François Wertheimer, qui lui avait écrit de forts beaux textes, est venu me trouver. Barbara ne voulait plus entendre parler de ses précédents arrangeurs parce que celui-ci avait raté tel morceau, celui-là ne la faisait pas rire. Bref : Barbara dans tous ses états, énervée avant d’avoir commencé.
J’avais enregistré une messe pour des amis, « Lux aeterna », un disque devenu culte depuis. Il se refile aujourd’hui en douce, mais à l’époque on l’avait vendu comme des cages à lion : environ 1.000 exemplaires. Barbara l’entend et clame aussitôt que c’est exactement ce qu’elle recherche, qu’elle raffole des « cordes bleues ». J’arrive, tout blond et de blanc vêtu; elle pousse un cri, prétend que je vais lui porter malheur.
En parlant chanson, nous nous découvrons des références communes malgré nos 15 ans d’écart. Je la connaissais pour l’avoir vue chez Denise Glaser, mais aussi en première partie de Sacha Distel, à la faveur d’un gala organisé par les parfums Rochas, au Théâtre des Champs-Elysées. Ma grand-mère y travaillait comme ouvreuse et mon grand-père comme régisseur de plateau, si bien que j’y passais mon temps, me forgeant une solide culture. Quand je l’ai rencontrée, Barbara emménageait à Précy-sur-Marne… et moi avec elle.
C’était particulier, non?
– Je n’y ai passé que six mois, mais c’était suffisant pour constater des bizarreries tout à fait naturelles chez elle. Comme sa spécialité culinaire : les omelettes à un oeuf qu’elle me faisait manger tandis qu’elle tournait autour de moi en suçant un citron. Le tout en déshabillé noir comme Edwige Feuillère dans « l’Aigle à deux têtes ».
J’avais l’impression qu’elle ne fermait pas l’oeil de la nuit, je l’entendais fourrager là-haut comme si elle déplaçait des commodes ou je ne sais quoi. Au beau milieu de la nuit, elle frappait à ma porte : « Tu dors? » Plus maintenant! On traversait le jardin pour aller dans sa pièce à musique chercher l’accord sur lequel elle butait depuis des heures. Il fallait trouver celui qui lui permettrait de lancer sa main en l’air, dans ce geste de diva qu’elle faisait sur scène. Je trouvais la solution et j’allais me recoucher.
William Sheller, Alain Souchon et Michel Jonasz, à Paris en 1979. (Aslan / SIPA)
Comment cela s’est-il fini?
– Durant l’aventure de « Lily Passion ». J’y ai travaillé avant d’être mystérieusement mis à l’écart, comme tout le monde, comme Roland Romanelli juste avant moi. Nous enregistrions des morceaux splendides, ça prenait une de ces gueules! Jusqu’au jour où j’avais rendez-vous avec elle et où elle n’est pas venue.
Elle devait soi-disant choisir les tissus pour ses costumes. J’avais répondu : « A quoi ça sert? Quoi qu’il arrive, tu seras en noir! » Je ne l’ai pas revue. Et tout ce que nous avions enregistré a disparu. Une fois, elle m’a appelé pour me dire qu’un jour elle m’expliquerait pourquoi. Elle ne l’a jamais fait.
Ce qui devait être son chef-d’oeuvre a été détruit pour des raisons que j’ignore. Ce que nous avions composé devait être joué par un orchestre symphonique, ça coûtait cher d’en engager un au Zénith. Ils ont éliminé tous les personnages pour ne garder que trois musiciens et les têtes d’affiche : Barbara et Depardieu.
« De la musique vraie. De la musique bio »
Depuis quelques années, vous semblez assez seul dans le métier. On vous voit rarement à la télévision. Est-ce volontaire?
– On ne voit guère plus Christophe ou Jean-Louis Murat. A l’époque des Carpentier, par exemple, il y avait de l’imagination. On jouait des sketchs qui n’étaient pas écrits par Sacha Guitry, certes, mais c’était sympa. Et même si on chantait en play-back, on s’amusait.
On se fréquentait hors des émissions, et dans les maisons de disques il y avait des salons pour que les artistes passent un moment ensemble s’ils en avaient envie. Cela n’existe plus. A un moment, c’est devenu un tel fourbi que nous n’avions plus le temps de nous voir. A présent, si je reste en retrait, c’est que je me suis retrouvé dans des émissions où je n’avais rien à faire.
Vous avez découvert et soutenu quelques artistes, comme Jean-Louis Murat ou Damien Saez.
– Jean-Louis était venu me donner une cassette du temps où, inconnu, il jouait avec son groupe, Clara. Il avait de ces textes! Damien a fait la même démarche, nous avons beaucoup discuté, et j’ai aimé ses chansons. Je n’ai pas fait le forcing pour qu’il signe chez Universal, mais j’ai beaucoup parlé de lui.
Cependant, on ne peut pas dire que je l’aie lancé comme Edith Piaf a lancé Montand, par exemple. Je ne l’ai pas imposé sur scène, ce que nous faisons est incompatible. Ces artistes m’intéressent toujours, mais pour entendre leurs chansons, il faut le vouloir! Ils sont sous-exposés. Quand je les écoute, l’un comme l’autre, je les trouve admirables et, souvent, je me dis que j’aurais aimé écrire ça.
Jeanne Cherhal a repris votre « Maman est folle ». Il y a une vraie influence de vous sur elle.
– Une influence musicale, oui, qu’elle puise aussi chez Véronique Sanson. Par goût, elle est attachée à un sens de la mélodie, des harmonies un peu fouillées, de la musique vraie. De la musique bio, si je puis dire : ce n’est pas de la musique qui naît des programmes d’ordinateur, mais d’un doigt qui se pose sur une mauvaise touche et fait soudain naître une idée. C’est la base, l’essence même.
Récemment, j’ai été étonné et ravi d’entendre Christine and the Queens reprendre sur scène « Photos souvenirs ». En général, on choisit plutôt « Un homme heureux », comme si j’étais né avec cette chanson. Quand je pense que personne n’y croyait… Sur internet, la vidéo de ce titre a été vue plus de trois millions de fois! Je ne vais pas me plaindre, mais j’ai tout de même composé des morceaux autrement plus intéressants.
Propos recueillis par Sophie Delassein
CD : « Stylus« , par William Sheller (Mercury).
Concerts : les 8 et 9 décembre aux Folies-Bergère, Paris-9e.
Sayed Kashua. J’avais été invité à séjourner à l’université de Chicago, dans l’Illinois, pour travailler sur mon nouveau roman et prendre un peu de recul, de vacances. Pas plus. Mais il y a plus d’un an, peu avant mon départ, la situation politique a brutalement empiré en Israël, jusqu’aux débordements auxquels on assiste aujourd’hui, et je n’en pouvais plus. J’ai totalement perdu espoir de voir les choses s’arranger.
Je n’avais jamais connu une telle haine dans les rues de Jérusalem, une telle animosité envers les Arabes. Même mes collègues me regardaient différemment, ils avaient ce point d’interrogation dans le regard qui demande: «Es-tu avec nous ou contre nous?» Après l’enlèvement et l’assassinat de trois jeunes Israéliens en juin 2014, les partis d’extrême droite réclamaient vengeance.
Lorsqu’en juillet 2014 Mohammad Abou Khdeir, un adolescent palestinien de 16 ans, a été brûlé vif par des extrémistes juifs en représailles à ces enlèvements, j’ai réalisé que je devais quitter le pays. J’étais terrifié et habité par le sentiment d’avoir échoué.
Pendant des années, moi, Arabe israélien, j’ai imposé à mes enfants de suivre mon modèle: parler l’hébreu mieux que l’arabe, fréquenter des écoles mixtes, vivre dans un quartier juif dont nous étions la seule famille arabe. Et tout cela en vain!
Jusqu’ici je revendiquais ma marginalité; je refusais de me plier à ces règles que je ne reconnaissais pas, la ségrégation entre les Arabes et les juifs. N’étais-je pas un citoyen israélien qui avait le droit de vivre où il l’entendait et de vouloir les meilleures écoles pour ses enfants?
Quel effet cela vous fait-il d’avoir quitté Jérusalem pour les étendues immenses de l’Illinois?
J’enseigne l’hébreu à des juifs de Champaign, dans le Midwest. Je les ai prévenus qu’ils allaient avoir un étrange accent, mais cela les a fait rire! Je ne sais pas encore comment cela va influencer mon écriture. Il faut que je m’habitue à la nourriture, au calme et surtout à l’idée que j’ai abdiqué. Ce n’est pas facile, mais ce n’est pas la faute du Midwest! La première chose que je lis en me réveillant, c’est toujours «Haaretz», je ne connais pas le nom du maire de Champaign… mon esprit est toujours en Israël.
Dans votre série télévisée «Travail d’Arabe», qui a battu tous les records d’audience, votre personnage principal est un Arabe qui essaie désespérément et de manière assez comique de s’intégrer au sein de la société israélienne. Et dans votre livre «Les Arabes dansent aussi», vous écrivez que rien ne vous fait plus plaisir que d’entendre de la bouche d’un juif que vous n’avez pas l’air d’un Arabe…
Je me suis toujours dit que les Arabes devaient essayer de forcer leur chemin au sein de la société israélienne, malgré les lois, les humiliations… Mais les Arabes, comme les Israéliens, se méfient de cet état d’esprit. Mon père me disait : «Ce n’est pas naturel de vivre là-bas à Jérusalem», et je lui répondais que vivre dans un village uniquement palestinien n’était pas plus naturel…
« Arabe israélien » : quel rapport entretenez-vous à votre nationalité?
Je ne sais pas. Une chose est sûre cependant: cette identité est un problème. Pour les Israéliens, nous ne sommes pas de véritables citoyens, ils nous considèrent comme une cinquième colonne, une menace. Une incongruité de l’Histoire. Et c’est vrai que nous faisons partie d’un pays dont nous combattons le plus souvent les idées. Un juif de l’Illinois qui n’est jamais sorti des Etats-Unis, comme c’est le cas de mes étudiants aujourd’hui, se sent plus israélien qu’un Arabe qui vit en Israël.
Pourtant, je n’ai pas envie de vivre non plus dans mon village natal, Tira. Les villages palestiniens sont dans un état pitoyable, ravagés par le crime. Tira, c’est la maison d’enfance à laquelle je pense avec nostalgie, mais c’est un endroit trop conservateur, patriarcal. Mon écriture et mes engagements m’ont-ils aliéné ce refuge? Aurais-je dû vivre là-bas auprès de mon père et de mes frères? Je retourne ces questions aujourd’hui dans ma tête.
Avant, nous étions les «Arabes israéliens», mais Emile Habibi, l’écrivain israélien d’origine arabe, a écrit que c’était un terme humiliant; alors on nous a rebaptisés les citoyens palestiniens d’Israël. Ce ne sont que des mots. L’homme politique Avigdor Lieberman, qui a dit que tous les Arabes infidèles à Israël devraient être décapités à la hache et qui veut nous retirer notre carte d’identité, nous appelle aussi les citoyens palestiniens d’Israël; et dans sa bouche ce n’est pas une marque de respect… D’ailleurs, malgré nos députés à la Knesset, nous n’avons aucun pouvoir dans le gouvernement.
Pourquoi avez-vous choisi d’écrire en hébreu alors que l’arabe est une langue si littéraire ?
Difficile à expliquer. J’ai une relation très compliquée à cette langue. C’est la seule dans laquelle je peux m’exprimer correctement. Dès l’âge de 15 ans, j’ai cessé de lire des livres en arabe. Je peux écrire les scénarios de ma série dans les deux langues parce que c’est de l’arabe parlé, mais cela s’arrête là. La première fois que j’ai pénétré dans une bibliothèque, c’était au pensionnat, et les livres étaient tous écrits en hébreu. C’est là que j’ai découvert la littérature.
Pourquoi ai-je négligé l’arabe ? Peut-être parce que je voulais m’intégrer. Je voulais aussi influencer les Israéliens par mes écrits puisque c’étaient eux qui détenaient le pouvoir. Je voulais faire entendre la voix des Arabes dans la langue des juifs. Mais aujourd’hui et surtout depuis que je vis en exil, je me retrouve prisonnier de l’hébreu !
Je ne suis plus sûr de pouvoir arriver à changer les mentalités des Israéliens, et pourquoi alors m’exprimerais-je dans leur langue? Je ne pense plus à eux quand j’écris de la fiction, et pourtant ils constituent 80% de mes lecteurs. J’ai perdu la foi. C’est paradoxal de penser que la langue dans laquelle je me sens en sécurité est la langue du sionisme… J’aurais dû apprendre le yiddish!
Je n’ai pas de relation charnelle à l’hébreu, c’est une langue assez limitée, bien plus pauvre que l’arabe. Mais l’arabe littéraire n’est pas non plus ma langue, il est très loin du palestinien que je parle. En fait si je m’analyse, le fait d’écrire en hébreu m’a procuré un sentiment de liberté. Je me suis libéré des tabous de l’enfance. Il était plus facile d’écrire à propos de l’alcool, de l’amour et même de Dieu en hébreu. Cela porte moins à conséquence pour moi d’écrire «Elohim» qu’«Allah». Et sans doute ai-je aussi choisi d’écrire en hébreu pour que Dieu, qui doit être musulman, ne puisse pas me lire. Mais si Dieu est juif, alors je suis foutu !
Propos recueillis par Sara Daniel
Sayed Kashua, bio express
Né en 1975 à Tira, Sayed Kashua tient une chronique pour «Haaretz», a écrit la série télévisée «Travail d’Arabe» et est l’auteur d’«Et il y eut un matin» et de «la Deuxième Personne». Les Editions de l’Olivier viennent de republier son premier roman, «Les Arabes dansent aussi». Nous l’avons rencontré à Paris lors du Festival des Ecrivains du Monde, organisé par l’université Columbia et la BnF.
Session extraordinaire au Sénat ce samedi. A l’ordre du jour, la quatorzième édition du concours «Talents des cités», qui récompense les entrepreneurs des quartiers prioritaires. Lancée par le ministère de la Ville, cette initiative entend récompenser une cinquantaine d’entrepreneurs issus d’endroits dits sensibles. Parfois venus de très loin – Haute-Normandie, Aquitaine ou encore Provence-Alpes-Côte-d’Azur –, tous ont créé ou projettent de créer leur entreprise, souvent en partant des réalités de leur quartier. Au Sénat samedi, ils ont eu l’occasion de raconter comment est né leur projet.
«Je voulais prouver qu’il était possible d’ouvrir un commerce»
Les bras levés, un large sourire, Anne-Cécile Ratsimbason, 30 ans, exulte de joie en descendant les marches de l’hémicycle. Son nom vient de résonner dans l’assemblée au terme de deux heures et demie de cérémonie. Sous le regard des statues de Malesherbes, Colbert et Portalis, grands législateurs, elle remporte le grand prix Talents des cités 2015 pour avoir créé AC Ratsimbason Création, une entreprise spécialisée dans la conception de vêtements sur mesure pour les personnes suivant un traitement médical. «Petite, je portais un corset orthopédique parce que j’avais une lourde scoliose. Ce n’était pas facile. Mon médecin traitant, qui savait que j’étais styliste, m’avait alors suggéré de créer une ligne de vêtements spéciale pour tous ceux qui suivent un traitement médical contraignant. Aujourd’hui, je suis fière d’avoir pu dessiner et créer des vêtements adaptés», raconte avec émotion la jeune femme. Elle s’est non seulement inspirée de son histoire personnelle, mais aussi de la particularité de son quartier : «Je suis franco-malgache, j’ai grandi à Nice dans un quartier culturellement mixte. C’est un atout, une richesse par rapport aux autres. Et si j’ai eu envie d’y créer mon entreprise, c’est parce que je voulais prouver qu’il était possible d’y ouvrir un commerce et de le faire perdurer.»
«J’ai voulu agir, faire quelque chose»
Lunettes carrées vissées sur le nez, posture très droite, Ruth Nadège Ibondou Tala a pris place au milieu de l’hémicycle. A 30 ans, cette mère isolée fait partie des lauréates régionales du concours, dans la catégorie «Emergence». Elle a pour projet de créer un cabinet de psychologie sociale et du monde du travail dans sa petite ville d’Hérouville-Saint-Clair (Calvados). «Mon idée est de créer un espace où je pourrai, entre autres, recevoir des personnes victimes de harcèlement moral ou en décrochage scolaire.» Gabonaise d’origine, elle est arrivée en France à l’âge de 25 ans, dans une ville normande qui l’a beaucoup inspirée. «Dès que je suis arrivée, j’ai fait le constat que la majorité des habitants d’Hérouville-Saint-Clair est issue de l’immigration et souffre du fort taux de chômage [18 % de chômeurs en 2011, ndlr]. D’ailleurs, moi-même je l’ai vécu. J’ai voulu agir, faire quelque chose pour soutenir toutes ces personnes. Mon projet, c’est donc l’histoire de ma vie, de ma cité.»
«On peut apprendre à tout âge»
Vanessa Yardin a, elle, créé un centre de formation en peinture du bâtiment, des décors et sols. En veste grise égayée par une chaîne dorée, elle reçoit timidement son deuxième trophée. Lauréate nationale, elle vient de remporter la mention spéciale du jury. Une réussite qu’elle espère transformer en exemple pour ses proches et pour ses élèves : «Il faut que les personnes que je forme voient qu’on peut rebondir. J’ai tout investi personnellement, et je reçois aujourd’hui un soutien énorme, médiatique et pécuniaire. Alors que je n’ai ouvert le centre qu’en février.» Choisi par d’anciens lauréats Talents des cités pour le douzième prix national, son projet est une tentative de subvenir aux problèmes d’emploi en quartier populaire. «Dans le mien, près de Bordeaux, le chômage est très élevé. Et dans mon entourage, j’entends plein d’artisans et d’agences d’intérim se plaindre de ne pas trouver assez d’employés qualifiés. Je pense que ce centre, c’est l’endroit où il faut être.» Elle ajoute que sa plus grande fierté, ce sont ses élèves, tous des adultes âgés de 25 à 46 ans. «Quand ils ont le diplôme en main, on voit l’étincelle dans leurs yeux, parce qu’ils vont pouvoir changer de vie.» Vanessa y voit aussi la démonstration qu’«on peut apprendre à tout âge».
Sala Sall du Bondy Blog , Louis Gohin du Bondy Blog
Vous prenez un zeste de promesses sociales, vous saupoudrez de xénophobie et vous ajoutez quelques bonnes mœurs catholiques, et vous avez le retour des conservateurs au pouvoir. Cette victoire aux législatives en Pologne était d’ailleurs attendue depuis mai, quand leur candidat, Andrzej Duda, un quadragénaire quasi inconnu, a remporté la présidentielle. Elle est cependant plus nette que prévue. Selon un sondage à la sortie des urnes diffusé après la fermeture des bureaux de vote, le parti Droit et Justice (PiS) mène avec 39,1% des suffrages devant les libéraux de la Plate-forme civique (PO), crédités de 23,4% des voix seulement. Si les résultats confirment cette tendance, Beata Szydlo, une ethnographe de formation qui a grandi dans l’ombre de son mentor, Jaroslaw Kaczyński, est pratiquement assurée d’avoir une courte majorité pour gouverner le pays pendant les quatre années à venir.
Les politologues discuteront sans doute pendant des semaines pour savoir s’il s’agit d’abord d’un succès de Droit et Justice (Pis), la formation créée par les frères Jaroslaw et Lech Kaczyński, qui avaient à eux deux tenu toutes les rênes du pouvoir (gouvernement et présidence) pendant deux ans, ou avant tout d’une défaite de la coalition libérale sortante de la Plateforme civique (PO).
La PO, qui faisait figure de parti du «miracle polonais», la seule économie d’Europe qui n’a pas été touchée par la crise de 2008, affichant une croissance annuelle de 3,5 %, a certes été victime de l’usure du pouvoir. Plusieurs de ses cadres ont été mêlés à divers scandales – le dernier ayant eu lieu deux jours avant le scrutin, avec le limogeage d’une vice-ministre de la Justice arrêtée par la police alors qu’elle conduisait en état d’ébriété – qui ont donné aux électeurs l’impression d’être dirigés par une classe politique arrogante. «La Po n’a pas su communiquer avec les gens. Donald Tusk avait du charisme, mais on ne l’a pas vu [l’ex-Premier ministre devenu président du Conseil européen après avoir laissé sa place l’an dernier à Ewa Kopacz, ndlr], explique le professeur Ireneusz Krzemiński, de l’Institut de sociologie de l’Université de Varsovie. Les gens disent : « On veut que les politiciens nous parlent. » C’est là le grand succès de la campagne du Pis.» Mais ceci n’explique pas tout.
«Les Polonais en ont assez de l’Europe»
Si la bonne santé de l’économie polonaise n’a pas joué en faveur de l’équipe sortante, c’est aussi parce que le dynamisme de Varsovie masque des disparités régionales et salariales. A quelques centaines de kilomètres des tours rutilantes de la capitale, des régions entières, agricoles ou minières, souffrent du chômage, même si celui-ci est en baisse à l’échelle de tout le pays (désormais en dessous de la barre des 10 % de la population active). Environ 2,5 millions de Polonais (sur les 38 millions que compte le pays), des jeunes surtout, ont dû s’expatrier, la plupart en Europe occidentale. A tous ces exclus du boom polonais, le Pis a promis de l’aide : baisse des impôts pour les ménages modestes et les petites entreprises, retour de la retraite de 67 à 65 ans, allocations familiales généreuses pour les familles nombreuses. «En termes de PIB, la Pologne s’est enrichie, mais un grand nombre de Polonais se sont appauvris, souligne le politologue Kazimierz Kik, de l’Université de Varsovie. La PO n’a pas trouvé de politique créatrice d’emplois. Elle a ouvert le pays au capital étranger, qui possède la moitié de l’économie du pays et est à l’origine de 44 % de ses exportations. Le marché du travail a lui cessé d’être protégé, 30 % des Polonais vivent en dessous du minimum vital, les autres sont endettés. Il y a de plus en plus d’emplois précaires et une nouvelle catégorie a fait son apparition : les pauvres qui travaillent.» Cette fracture sociale profite au Pis, une formation créée par d’anciens de Solidarność qui «copine avec les syndicats» et «rejette le capital étranger en disant : l’important, ce sont les Polonais».
Dans ce pays très catholique et traditionaliste, explique le politologue, la nouvelle gauche apparaît trop «européanisée», or, «aujourd’hui, les Polonais en ont assez de l’Europe». C’est pour les mêmes raisons qu’ils refusent par exemple les quotas de réfugiés proposés par la Commission européenne : «Ils n’aiment pas l’idée que ce soit une décision de Bruxelles, une chose imposée. Pour un Polonais, un étranger, c’est d’abord un occupant, un envahisseur, soit allemand, soit russe.» S’il ne réclame pas la sortie de l’Union européenne – comme le fait le Front national en France ou l’Ukip au Royaume-Uni –, le Pis se déclare défavorable à l’adoption de l’euro. Une des premières mesures de son gouvernement sera de démanteler le bureau qui doit préparer l’entrée de la Pologne dans la monnaie unique.
Le Pis, un parti relooké
La PO a tenté sans succès de jouer sur la peur du retour au pouvoir du Pis. Mais les mots de la Première ministre sortante, Ewa Kopacz, prêtant au Pis l’intention de faire de la Pologne une «République confessionnelle», sont tombés à plat. Huit ans après, le Pis s’est relooké. Ses cadres sont plus jeunes – Andrzej Duda a 43 ans et Beata Szydlo 52 – et plus proches des réalités des gens. Oubliés, les thèses de la remoralisation de la vie politique au travers d’une Quatrième République, les effets pervers de la lutte contre la corruption ou de la décommunisation, le Pis d’aujourd’hui ressemble à s’y méprendre à n’importe quel parti populiste européen, même s’il a une connotation chrétienne plus marquée. Les plus radicaux, comme Jaroslaw Kaczyński, fondateur du parti, sont restés dans l’ombre. Certaines questions comme le décès en 2010 de son frère, Lech, président de Pologne, dans un accident d’avion à Smolensk, en Russie, ont été laissées de côté. Mais nul ne doute qu’il saisira de nouveau la justice dès l’entrée en fonction du Pis car il ne croit pas en la thèse de l’accident, persuadé qu’il est le fait d’un complot russe.
Les conservateurs peuvent-ils réaliser leur programme économique ? A Varsovie, on s’interroge. «Le Pis ne risque pas grand-chose en promettant autant», souligne le politologue Kazimierz Kik. Premier pays bénéficiaire de fonds européens, la Pologne recevra 82,5 milliards d’euros entre 2014 et 2020, soit l’équivalent de son budget annuel.
Disney fait savamment monter l’attente autour du prochain « Star Wars », intitulé « Le réveil de la force ». Une nouvelle bande-annonce, longue de 2 minutes 16, a été diffusée ce mardi 20 octobre.
Cette séquence donne quelques indices sur ce qui nous attend dans ce nouvel épisode, qui se situe 30 ans après « Le retour du Jedi ». Ce septième opus sortira le 16 décembre. Il est réalisé par J.J. Abrams, créateur de la série « Lost » et réalisateur du film « Star Trek ».
Au casting, ont été annoncés John Boyega, Daisy Ridley, Adam Driver, Oscar Isaac, Andy Serkis, Lupita Nyong’o, Gwendoline Christie, Crystal Clarke, Pip Andersen, Domhnall Gleeson, et Max von Sydow. On retrouve aussi les acteurs de la trilogie originale (épisodes 4 à 6), soit Mark Hamill dans son rôle de Luke Skywalker, Carrie Fisher dans celui de la princesse Leia et Harrison Ford dans celui de Han Solo.
Pour aller plus loin, « l’Obs » se livre à un décryptage de la nouvelle bande-annonce.
# L’héroïne énigmatique Rey
Cette nouvelle vidéo s’ouvre sur le personnage de Rey, interprétée par Daisy Ridley. Habillée comme un charognard et armée d’une sorte de bâton blaster, elle arpente une planète désertique.
Les mondes arides, secs et sans vie sont à l’origine de tout dans « Star Wars ». Anakin Skywalker, l’élu de la « Force » qui deviendra Dark Vador, est né sur Tatooine, planète où le désert est roi. C’est encore sur Tatooine que les spectateurs ont fait la connaissance de Luke Skywalker, fils d’Anakin, dans le premier film de la saga.
Mais la planète désertique de Rey n’est pas Tatooine, il s’agit de Jakku, un monde nouveau imaginé pour le film par J.J. Abrams.
Une voix demande à Rey « Qui es-tu ? ». Accompagnée du robot BB-8, celle-ci répond sobrement « Personne ». Au-delà de la crise d’aspirations que traverse le personnage de Rey, sa réelle identité se pose en question centrale de cette bande-annonce.
Son allure fine rappelle Padmé Amidala, jouée par Natalie Portman dans les épisodes 1 à 3. De même, lorsqu’elle est attablée à bricoler, son expression évoque le jeune Anakin Skywalker de l’épisode 1. Serait-il possible que Rey soit une Skywalker ?
Rey pourrait en effet être la fille de la princesse Leia Organa (elle-même fille d’Anakin Skywalker et Padmé Amidala) et de Han Solo. La liaison entre les deux héros des épisodes 4 à 6 est évidente et a même été développée dans un comic de l’univers « Star Wars ». Cette thèse est appuyée par une précédente bande-annonce où la voix posée de Luke Skywalker lance, énigmatique :
La force est puissante dans ma famille. Mon père la possède. Je l’ai. Ma sœur l’a. Vous avez aussi ce pouvoir. »
# Le gentil Finn, un peu perdu
La nouvelle bande-annonce s’intéresse ensuite au personnage de Finn, interprété par John Boyega. Dans son armure de Stormtrooper, il dit n’avoir été « formé qu’à une seule chose » et n’avoir « aucune cause à défendre ». Lui aussi semble traverser une crise identitaire.
Dans ce « Star Wars 7 », les deux héros ne se définissent clairement pas comme tels. Ils vont avoir tout à prouver, et d’abord à eux-mêmes. L’histoire de Finn est, elle aussi, entourée de mystères. A-t-il été formé pour être un Stormtrooper ? Quelle est sa famille ?
La vidéo montre un vaisseau TIE Fighter, vraisemblablement de Fin, s’échouer sur la planète désertique Jakku. Est-ce ainsi que Finn va rencontrer Rey ?
# Kylo Ren, un méchant vraiment méchant
La bande-annonce fait ensuite place au méchant, Kylo Ren, interprété par Adam Driver. Lui n’a pour le coup aucun problème d’identité. Sur le pont de son vaisseau spatial, il assure que « rien ne [l]’arrêtera ». Sous son masque maléfique, il promet même à une relique de Dark Vador (son masque déformé) d' »achever ce qu'[il] a commencé ».
S’agit-il de reconstruire l’Etoile noire détruite par les Rebelles, comme le suggère la planète de l’affiche officielle du film ? S’agit-il d’écraser l’Alliance Rebelle, comme n’a pas réussi à le faire Dark Vador ? En tout cas, Kylo Ren est présenté dans une scène en train de torturer l’un des chefs des rebelles, Poe Dameron (interprété par Oscar Isaac), à l’aide de la force comme le faisait Dark Vador.
J.J. Abrams a précisé au magazine « Empire » que Kylo Ren ne sera pas un apprenti Sith (les ennemis des Jedi), mais un Chevalier de Ren, unautre groupe de vilains. Kylo Ren fait partie du « Premier Ordre », un groupe qui « admire l’Empire » selon le réalisateur et qui « perçoit le travail de l’Empire comme incomplet » et « Dark Vador comme un martyr ».
Kylo Ren devrait répondre à un maître, en la personne du Leader suprême Snoke, interprété par Andy Serkis. C’est lui qui serait le véritable dirigeant du « Premier Ordre », vu lors d’une scène où un dirigeant à l’allure hitlérienne s’adresse à une armée de Stromtroopers.
Snoke et Kylo Ren pourraient ainsi avoir une relation proche de celle qu’avait Dark Vador et l’Empereur Palpatine.
# Des combats spatiaux à tire larigot
Que serait « Star Wars » sans ses combats spatiaux ? L’épisode 7 ne dérogera pas à la règle. Les affrontements entre les TIE Fighters de l’Empire et les X-Wing des Rebelles seront de la partie. Le tout, pimenté par le passage du Faucon Millénium, le vaisseau culte du contrebandier Han Solo, joué par Harrison Ford. Les combats se multiplieront sur Jakku, sur une planète verte et sur une planète enneigée (Hoth ?).
# Han Solo raconte l’Histoire
La bande-annonce s’arrête d’ailleurs sur Han Solo. Dans l’habitacle du Faucon Millénium, le héros badass explique à Finn et Rey : « Tout est vrai : le Côté Obscur, les Jedi, ils existent. »
Une phrase qui éclaire sur l’état de la galaxie, 30 ans après « Le Retour du Jedi ». En effet, cela signifie que la force, les Jedi et le Côté obscur passent pour des mythes. On tient peut-être là l’explication et l’importance du mot « réveil » du titre de cet épisode.
Je suis persuadé que Han Solo deviendra le mentor de la nouvelle génération », estime Sébastien Galano, un fan de la franchise, sur Le Plus de « L’Obs ».
La vidéo montre ensuite Han Solo qui emmène Finn et Rey dans une sorte de temple, qui rappelle celui de la lune Yavin IV. C’est sur cette lune que les rebelles ont installé leur avant-poste, et là que Luke Skywalker décide de créer une nouvelle Académie Jedi. Serait-ce là que se cache Luke Skywalker ?
# Mais où est Luke Skywalker ?
L’éventuelle présence de Luke Skywalker dans le film reste un mystère, puisque dans aucune bande-annonce il n’apparait face caméra. Toutefois, l’acteur Mark Hamill est crédité au générique. Et une scène de la bande-annonce montre le fidèle R2-D2 aux côtés d’un homme avec un capuchon qui va poser sa main robotique sur la tête du droïde. Tout laisse à penser qu’il s’agit de Luke Skywalker, le chevalier Jedi ayant perdu sa main lors de son premier combat contre Dark Vador sur Bespin, dans « l’Empire contre-attaque ».
# Vers une nouvelle Etoile de la mort ?
La bande-annonce montre également une planète où les flammes se multiplient et où les Stormtroopers poussent des prisonniers à travailler. Ce qui reste de l’Empire s’emploierait-il à construire une nouvelle Etoile noire ? L’affiche officielle du film donne à voir Starkiller (littéralement « tueur d’étoiles ») qui s’apparente à une nouvelle version de l’engin de mort.
# L’inévitable martyr
La vidéo propose ensuite une scène inattendue : Rey pleurant au-dessus d’un cadavre. L’épopée « Star Wars » se doit d’avoir ses morts, ses martyrs. Reste à savoir de qui il s’agit. De Han Solo, son potentiel père ? Sébastien Galano rappelle sur Le Plus de « L’Obs » que les premiers films de chaque trilogie « s’est soldé par la mort » d’un mentor (Qui-Gon Jinn et Obi-Wan Kenobi). Si Han Solo endosse ce rôle de mentor des deux héros, alors il pourrait être tué durant cet épisode 7 (relançant au passage l’intérêt pour le futur spin-off sur sa jeunesse, « Rogue One » prévu pour 2018).
Il pourrait aussi s’agir de Luke Skywalker, son potentiel professeur puisque, quelques plans plus tard, on voit la princesse Leia Organa (interprétée par Carrie Fisher) se blottir contre Han Solo avec tristesse. Ou encore, il pourrait s’agir du Wookie Chewbacca (interprété par Peter Mayhew), puisqu’on a l’impression d’apercevoir de la fourrure ? Mystère…
# Bataille finale entre le Bien et le Mal
La bande-annonce se conclut sur la bataille finale entre l’apprenti Jedi Finn et Kylo Ren. Le tout avec une voix encourageant le héros à « laisser la force [l’]envahir ».
Dans cette scène, le sabre laser bleu de Finn rappelle celui d’Anakin Skywalker (avant qu’il ne devienne Dark Vador), qui est aussi celui utilisé par Luke Skywalker et perdu lors de son combat contre Dark Vador dans « L’Empire contre-attaque ».
On le sait : « La Damnation de Faust », ouvrage par ailleurs fort décousu, n’était qu’une évocation musicale, magnifique, géniale, du « Faust » de Goethe ; une « légende dramatique » voulue par Hector Berlioz pour être exécutée en concert. Elle n’était nullement destinée à être interprétée au théâtre jusqu’à ce que Raoul Gunsbourg, passant outre, la porte à la scène à l’Opéra de Monte Carlo, en 1893, ce qui lui valut une volée de bois vert de la part de Claude Debussy dans la revue « Gil Blas », puis dans « Monsieur Croche ».
Procédés étriqués, vieilleries modernistes
Qu’aurait écrit le compositeur du « Prélude à l’après-midi d’un faune » s’il avait eu le malheur de découvrir la mise en scène qu’a effectuée David Marton de « La Damnation de Faust » ? Et que dire en effet de cette réalisation scénique que présente l’Opéra de Lyon ? Que dire, sinon qu’elle est sans génie, sans talent particulier, et que la lecture faussement savante que livre Marton est bien plus confuse et foutraque qu’elle est convaincante ?
A cette musique extraordinaire dans tous les sens du terme, il répond non pas avec le souffle, voire le délire d’un homme inspiré, mais avec des procédés étriqués, des vieilleries modernistes, des idées alambiquées, de celles qui veulent faire passer le metteur en scène pour un intellectuel, un novateur, sinon un iconoclaste, alors qu’il paraît n’être qu’un impuissant. Impuissant à répondre à une musique qui visiblement le dépasse, et ne trouvant que d’insignifiantes parades qui sont autant de fuites devant des problèmes de mise en scène auxquels il n’a ni la stature, ni la poigne de se mesurer.
La Course à l’abîme
Une seule séquence dans cette réalisation est à la hauteur de la partition, au moment de la Course à l’abîme. Avec Laurent Naouri en Méphistophélès, au volant d’une vieille guimbarde qu’on a découverte abandonnée au pied d’un viaduc inachevé, et Charles Workman en Faust trimbalé sur la plateforme arrière, la scène, filmée en vidéo, est épique, saisissante, effroyable même. C’est une incontestable réussite, le seul instant qui puisse impressionner au sein de ce fatras. Las ! A ce moment même, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon qui pense sans doute jouer de l’Ambroise Thomas plutôt que du Berlioz, l’Orchestre est alors dépourvu de l’énergie, de la puissance, de l’emballement nécessaires à rendre sa mesure à cet archétype du romantisme le plus noir.
Déjà vu
On s’étonnera aussi de la scénographie imaginée par Christian Friedländer, belle d’ailleurs, et pour cause : elle semble être une copie de celle conçue par Richard Peduzzi pour « Combat de nègre et de chiens », la pièce de Bernard-Marie Koltès mise en scène par Patrice Chéreau en 1983, quand ce dernier prenait la direction du Théâtre des Amandiers de Nanterre.
On y voit un viaduc, qui paraît être une bretelle d’autoroute inachevée, surmontant un paysage désertique où sont abandonnés un cheval et la vieille voiture qu’on citait plus haut. Une citation si criante ne peut pas ne pas être voulue, trois décennies plus tard… A moins d’ignorance crasse de la part de ses auteurs, ce qui est très possible, ou à moins de prendre les spectateurs pour des imbéciles, ce qui peut aussi s’envisager. Mais pour signifier quoi ?
Clones de Méphistophélès
Si l’Orchestre de l’Opéra de Lyon n’est vraiment pas renversant sous la baguette de Kazushi Ono, il n’en est pas de même des chœurs. Ils sont magnifiques, saisissants de clarté, de cohésion, formant un ensemble qui a lui seul justifie la place de première grandeur que Berlioz lui confère dans son ouvrage. Hélas, la mise en scène fige les choristes dans une raideur qui sent son avant-garde des années 1970.
Bientôt habillés à la façon de personnages du peintre Magritte, chapeau melon et pardessus noirs, plantés comme des points d’exclamation sur une feuille blanche, ils apparaissent alors sur scène comme autant de clones de Méphistophélès. Quand on ne leur fait pas ânonner des textes sur ce ton faussement scolaire si en vogue dans ces pauvres mises en scène qui se veulent didactiques autant que vengeresses en croyant crucifier le théâtre classique.
C’est ce néo-académisme que Marton croit sans doute faire passer pour de l’audace, pour une lecture engagée de « La Damnation », quand il n’est rien qu’un faisceau de laborieuses tentatives de meubler et le temps et l’espace.
Souriant jusqu’à l’ignoble
Au milieu de cet ensemble incohérent qui malgré tout dessert cruellement la musique de Berlioz, règne un Méphisto inquiétant, cynique, odieux. L’archétype du conseiller en communication d’aujourd’hui. Ou du fonctionnaire de régime totalitaire, froid, insidieux, lisse et souriant jusqu’à l’ignoble qu’on verra à la fin du spectacle se glisser nuitamment hors de l’Opéra pour accomplir d’autres méfaits dans la ville de Lyon. Dans ce rôle, aussi bon comédien que chanteur, Laurent Naouri excelle.
Et à ce jeu théâtral, il se mesure à un partenaire à son diapason. Charles Workman et Laurent Naouri sont remarquables dans leur travail d’acteurs quand, enfermés dans l’habitacle de la vieille voiture, ils partent à la conquête des plaisirs du monde. A croire que Marton serait un bon directeur de jeu théâtral.
Une certaine gaucherie qu’explique sans doute sa haute taille ne messied pas à Charles Workman dans le rôle de Faust. Sa voix, belle et douce, a cependant du mal à vaincre, dans les aigus, les terribles embûches du rôle. Et son personnage du coup n’est pas tout à fait convaincant. Quant au rôle de la malheureuse Marguerite, il ne permet pas sans doute à Kate Aldrich de donner toute sa mesure de cantatrice, même s’il la dévoile bonne comédienne. Elle chante cependant avec une voix d’une grande pureté, riche en inflexions parmi les plus tendres comme les plus douloureuses. Dans la Romance de Marguerite comme dans la « chanson gothique » du Roi de Thulé, elle est aussi belle qu’émouvante.
L’article assassin de Debussy
Reste que l’ensemble du spectacle ne rend pas grand chose et que les solistes comme les choristes ont un grand mérite à s’en sortir à leur avantage. On demeure effaré face à ces metteurs en scène qui n’ont rien d’essentiel et de clair à dire de l’œuvre dont ils se sont saisis, comme un chien se saisit d’un os. Et qu’ils le disent avec autant de prétention que d’aplomb, tout en parant la confusion de leur propos d’un fatras de propositions bâtardes ou inabouties.
Si cette mise en scène est inopérante, il n’en est pas de même en revanche (on se console comme on peut) du programme présenté sous forme d’un petit livre par l’Opéra national de Lyon. On y trouve des textes remarquablement choisis, parmi lesquels une savoureuse évocation de la création, et de l’échec, de la « Damnation de Faust » en 1846, en présence du duc et de la duchesse de Nemours, évocation rédigée avec esprit par Adolphe Boschot en 1910 ; une belle analyse de la partition de Berlioz par le compositeur Philippe Fénelon; un poème de Pessoa. Et cet article assassin de Debussy sur Gunsbourg où des phrases entières s’appliquent très comiquement aux prétentions actuelles de David Marton.
Raphaël de Gubernatis
« La Damnation de Faust », légende dramatique en quatre parties d’Hector Berlioz. Direction musicale de Kazushi Ono ou de Philippe Forget. Mise en scène de David Marton. Avec Charles Workman, Laurent Naouri et Kate Aldrich, l’Orchestre, les Chœurs et la Maîtrise de l’Opéra de Lyon. Opéra national de Lyon. Dernières représentations le mardi 20 et le jeudi 22 octobre 2015. 04-69-85-54-54.
Magie d’Internet, magie du partage, magie du domaine public… Depuis que la Nasa a mis en ligne plus de 8 000 photos d’archive des programmes Apollo, renumérisées en haute définition, plusieurs internautes se sont déjà emparés de cette matière première pour donner vie aux vieilles images.
Comme toutes les images produites par l’agence spatiale américaine, et plus généralement toutes les images produites par les institutions publiques outre-Atlantique, ces photos sont dans le domaine public. Elles sont rassemblées selon les pellicules 70mm dont elles sont issues, dans autant d’albums Flickr. C’est d’ailleurs très récemment que la plateforme de partage de photos a permis de téléverser («uploader») des photos avec une licence «domaine public», et grâce à un autre acteur du domaine spatial : Flickr voulait répondre à la demande de l’entrepreneur Elon Musk, qui voulait partager librement les images de ses fusées privées SpaceX…
Le premier internaute à tirer parti des photos Apollo HD fut le vidéaste Tom Kucy. Avec l’aide de Photoshop et d’After Effects, un logiciel d’effets visuels, il a créé artificiellement un «mouvement subtil et léger pour chaque scène grâce à une technique d’animation appelée défilement parallaxe». L’image est découpée en deux couches : un avant-plan et un arrière-plan, qui bougent indépendamment l’un de l’autre, donnant l’illusion d’une profondeur. Le rythme et la musique font bien ressentir «combien l’espace est vaste», et donnent au film une ambiance très réussie.
Autre approche et autre rythme pour l’Américain Harrisonicus, qui a collé les clichés bout à bout pour en tirer un film en stop-motion. «J’étais en train de regarder le projet Apollo Archive et à un moment, j’ai commencé à cliquer très vite pour faire défiler une série de photos, et on aurait dit une animation en stop motion. Alors j’ai décidé de voir ce que ça donnerait si ça défilait tout seul.» Excellente idée, d’autant mieux exploitée que Harrisonicus a reconstitué tout un voyage de la Terre à la Lune, et l’a accompagné d’un entraînant morceau instrumental, Start Start de Built by Snow.
Nombreux sont les pays qui sortent d’un conflit. Pourquoi alors s’intéresser au Mali ? Il y a à peine six mois que le Mali, avec le concours de l’Algérie et d’autres partenaires internationaux, a signé un accord de paix. Mais, nous le savons, ce type d’accord ne garantit jamais une stabilité sur le long terme.
Le Mali a longtemps été présenté comme un exemple pour d’autres pays africains, pour sa démocratie, son développement et son avenir prometteur. Moi-même, en tant que ministre du Développement de la Norvège, j’ai souvent considéré le Mali comme un modèle de réussite. Lorsque je me suis rendu pour la première fois à Tombouctou, j’ai été surpris par la beauté de sa culture, par la détermination de sa population et par l’histoire que nous raconte cette ville. C’est ici qu’a vécu, au XIVe siècle, l’homme réputé le plus riche de tous les temps. Mansa Musa, ayant amassé une immense fortune grâce à la production d’or, se rendit en Égypte pour y montrer sa munificence. Le Mali, autrefois véritable centre du commerce pour tout le désert du Sahara, possède une histoire culturelle unique, vivante et bien visible.
Mais en 2012, le pays se fige. Des terroristes prennent le contrôle de larges pans du territoire et ne sont stoppés par les troupes françaises et africaines qu’aux portes de la capitale Bamako. Ce pays considéré comme le pilier du développement et de la démocratie en Afrique implose en l’espace de quelques semaines. Il y a eu beaucoup d’avancées depuis. La sécurité est désormais assurée par des forces de maintien de la paix des Nations Unies. Le Président Ibrahim Keïta est arrivé au pouvoir à l’issue d’élections libres, et un gouvernement est en place. Mais la plupart des Maliens sont dans une pauvreté effroyable et les besoins en matière de développement sont immenses. Et tout est lié : pas de développement sans sécurité. Pas de sécurité sans développement.
Plus de 15 millions de personnes vivent au Mali. Dans ce pays grand comme deux fois la France, la majeure partie de la population est concentrée dans le sud du territoire. Beaucoup de ceux qui vivent dans le nord du pays pensent que le gouvernement consacre tout son budget aux régions du sud et oublie le nord. J’ai rencontré les représentants des plus grands groupes de rebelles la semaine dernière à Bamako ; ils m’ont expliqué que ce décalage est leur principale préoccupation ; ils se sentent marginalisés, et ne constatent aucun progrès.
Une telle défiance vis-à-vis de l’État fait le lit de la violence ; et certains, poussés par leur mécontentement, se tournent vers les groupes rebelles. Certains de ces groupes sont autochtones, d’autres relèvent de la mouvance islamiste internationale, d’autres encore se composent de trafiquants en tous genres. La longueur extrême des frontières de la région du Sahel les rend impossibles à surveiller. Dans cette configuration, il existe de multiples possibilités pour qu’une situation d’insécurité au Mali se propage aux pays voisins. Des personnes ont été prises en otage et toutes n’ont pas survécu. La criminalité transnationale organisée se développera dans les sociétés où la sécurité n’est pas assurée.
La situation de fragilité perdurera si la sécurité au Mali n’est pas renforcée et si le peuple malien n’a pas accès à l’emploi, à l’éducation, à l’espoir et au progrès. C’est pourquoi, lorsque les autorités maliennes ont demandé à l’OCDE si, avec d’autres partenaires, nous pouvions les aider à élaborer une stratégie de reconstruction et de paix, nous n’avons pas hésité un seul instant.
Le Mali recèle un formidable potentiel de développement dans de nombreux domaines. Le pays a la capacité d’être l’un des premiers fournisseurs de riz sur le marché régional de l’Afrique de l’Ouest. Ce pays magnifique peut réaliser des améliorations considérables dans les domaines de l’élevage, des industries extractives et du tourisme, qui est une activité déjà ancienne. Les infrastructures routières et l’éducation doivent être modernisées. Mais pour concrétiser pleinement ce potentiel, la stabilisation du nord du pays est essentielle.
Cette semaine, l’OCDE accueillera donc une conférence à haut niveau coorganisée avec le gouvernement du Mali et avec le soutien des amis et partenaires internationaux du pays. Nous nous réunirons afin d’aider le Mali à trouver des solutions en matière de développement et faire face aux enjeux politiques. Pour qu’un pays se développe, l’impulsion doit venir de ses dirigeants. Seuls le Président et le gouvernement du Mali peuvent nous dire, à nous les partenaires internationaux, quelle est leur vision stratégique – publique ou privée ; où ils veulent emmener leur pays d’ici vingt ans ; et ce qu’ils veulent offrir aux enfants du Mali.
L’impulsion des dirigeants, l’expérience l’a montré, est le premier ingrédient de la réussite sur le front du développement. Viennent ensuite les politiques. Le gouvernement doit faire les bons choix ; prendre les bonnes décisions, celles qui vont donner un coup d’accélérateur au développement du pays. Un pays dont les besoins sont immenses doit se concentrer sur un petit nombre de priorités. C’est là que nous, la communauté internationale, apporterons notre aide. Les ressources, pour le Mali, constituent le troisième ingrédient indispensable. Un pays ne peut pas se développer en s’appuyant uniquement sur l’aide. L’aide au développement doit servir de catalyseur, et peut contribuer à rassurer des partenaires privés prêts à investir au Mali. Mais la fiscalité et les investissements privés sont déterminants pour le Mali, comme pour les autres nations en développement. Les participants à la conférence étudieront quelles sont les possibilités de générer davantage de recettes fiscales et de développer le secteur privé. La nombreuse diaspora malienne peut être un atout pour l’investissement privé, notamment par les envois de fonds.
J’en reviens donc à ma première question – pourquoi s’intéresser au Mali ? La réponse suivante devrait suffire : parce que les enfants du Mali méritent un bel avenir. Tous les enfants maliens que j’ai rencontrés ont l’optimisme chevillé au corps. Le garçon qui nettoie votre voiture veut devenir médecin. Faisons en sorte que leurs aspirations se concrétisent et ne restent pas de vains espoirs.
Mais j’ajouterai : le monde a besoin d’un Mali stable et prospère, faute de quoi nous risquons de voir se rapprocher de nouveaux attentats terroristes. Et la criminalité transnationale organisée nous touchera un jour elle aussi. Le monde n’est plus si grand. Ce qui se passe au Mali nous concerne tous.
Erik Solheim président du Comité d’aide au développement de l’OCDE et ancien ministre de Norvège
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