Tous les grands constructeurs automobiles vendent des voitures diesels plus polluantes qu’il n’y paraît. C’est ce qu’affirme un rapport sur la pollution atmosphérique en Europe publié jeudi par la Fédération européenne pour les transports et l’environnement (Transport & Environment) qui regroupe cinquante ONG et associations favorables aux transports «durables» en Europe – dont le Réseau Action Climat (Rac) et la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), basés en France.
Les voitures et camionnettes roulant au diesel seraient en moyenne cinq fois plus polluantes que ce à quoi les règles européennes les y autorisent, selon le rapport, qui compile plusieurs études menées sur des véhicules dans des conditions réelles de trafic. «Le pire d’entre eux, de la marque Audi, affichait des émissions 22 fois supérieures à la limite autorisée par l’Union européenne», assure Transport & environment.
Un véhicule conforme sur dix
Au total, seul un véhicule sur dix serait conforme à la nouvelle norme Euro 6 entrée en vigueur le 1er septembre. Connue depuis 2007, celle-ci oblige notamment les constructeurs à «prouver que tous les véhicules neufs vendus, immatriculés ou mis en service sont conformes aux normes en matière d’émissions fixées dans le règlement». A savoir : 5 mg/km pour les particules et 60 mg/km pour les oxydes d’azote.
Les voitures à essence, réputées moins polluantes pour ce qui est des particules fines, sont également montrées du doigt dans ce rapport : une sur cinq ne respecterait pas la norme Euro 6.
Ces résultats sont d’autant plus préoccupants que le trafic routier est aujourd’hui le principal responsable de la pollution atmosphérique, «qui coûte des dizaines de milliers de vies et plus de 100 milliards d’euros en France chaque année», selon le Réseau Action Climat. En Ile-de-France, il pèse pour 56% des émissions d’oxydes d’azote (NOx) et 28% des rejets de particules (PM10), d’après Airparif, l’association locale de surveillance de la qualité de l’air.
Un système d’homologation «inefficace»
Si les constructeurs vendent des voitures qui ne sont pas dans les clous, c’est d’abord parce que le système d’homologation est «inefficace», estime Transport & Environment. Le cycle de test mené en laboratoire pour vérifier la conformité des véhicules à la norme – 11 km à 34 km/h de moyenne – «n’a pas été pensé pour refléter la conduite réelle mais […] pour faciliter sa répétition exacte», afin de ne pas trop varier d’un véhicule à un autre, déplorent les auteurs du rapport. Qui dénoncent aussi la frilosité des grands constructeurs à installer des filtres efficaces (qui existent déjà) au profit d’équivalents low-cost. «Tout le monde sait que ce cycle d’homologation ne reflète pas la conduite en conditions réelles», reconnaît un porte-parole de PSA. Mais le constructeur français se dit prêt à soumettre ses véhicules à des tests «plus fidèles quand ils entreront en vigueur au niveau européen».
«Il incombe aux décideurs européens, dont fait partie la France, de résister aux pressions des lobbies automobiles pour s’assurer du respect des normes avec la mise en place du nouveau test en conditions réelles avant 2018 et sans échappatoires», réclamait lundi le Réseau Action Climat sur la base de l’étude. Sollicités en fin de matinée, plusieurs constructeurs, dont Audi, n’avaient pas encore donné suite en début d’après-midi. Du côté de PSA, on assurait que tous les véhicules de la marque sont «conformes» à la réglementation, alors qu’un modèle Citroën est pointé du doigt par l’étude de la Fédération européenne pour les transports et l’environnement.
Gabriel Siméon