Deux grands oraux en une journée. Le conseiller d’Etat Francis Delon était ce matin au Sénat et cet après-midi à l’Assemblée nationale pour convaincre les parlementaires. François Hollande a proposé sa nomination à la tête de la nouvelle commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), créée par la loi sur le renseignement.
Et les Parlementaires ont été séduits. Ils ont voté à une écrasante majorité en sa faveur. Seul un élu s’est abstenu et cinq s’y sont opposés sur les 49 votes enregistrés.
Ce «rôle essentiel dans la protection de nos libertés publiques», comme l’a décrit le rapporteur du projet de loi sur le renseignement, le député PS Jean-Jacques Urvoas, incombera donc à Francis Delon, 64 ans, qui a occupé de nombreux postes dans sa carrière de haut fonctionnaire : au ministère des Affaires étrangères, au ministère de l’Education nationale, au sein du Conseil d’Etat et jusqu’à la Commission de classification des œuvres cinématographiques. Une mission qui demandait elle aussi de «concilier deux intérêts et deux libertés : la liberté de création et la protection de l’enfance», a plaidé Francis Delon. Une allusion à l’arbitrage, plus sensible, qu’il devra désormais faire entre la vie privée et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation.
Le nouveau président connaît les techniques des espions français
Mais l’expérience qui qualifie le plus Delon, comme il l’a lui-même reconnu ainsi que plusieurs parlementaires, est son passé de secrétaire de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). De ces dix ans à la tête de cet organisme placé sous l’autorité de Matignon, Delon a tiré «sa bonne compréhension du renseignement technique». Le député LR Guillaume Larrivé a loué «sa connaissance des services».
L’occasion, pour Francis Delon, de répéter sa formule choc : «Connaissance ne signifie ni complaisance, ni connivence.» Car le nouveau président de la commission de contrôle connaît les techniques des espions français pour avoir assisté, de l’autre côté du manche, à la mise en place de certaines. En 2008, lorsqu’il était au SGDSN, l’Etat se lance dans la surveillance massive, par les services secrets extérieurs, des câbles sous-marins dans lesquels transite le trafic Internet.
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Aucun parlementaire ne l’a directement interrogé sur ce passé, les questions les plus critiques se concentrant sur la réalité du contrôle des dispositifs techniques les plus complexes instaurés par la nouvelle loi. Surtout les fameuses boîtes noires. Pour vérifier que ces algorithmes feront bien ce qu’ils doivent faire, ne ramasseront pas trop large, Francis Delon s’est engagé à recruter des ingénieurs, en plus de la personnalité qualifiée qui siégera dans la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Son entrée en vigueur devrait intervenir très prochainement.
Dans ses réponses écrites aux députés de la commission des lois, Francis Delon a avancé les moyens dont disposerait la commission : «dix équivalents temps plein (ETP) d’ici la fin 2015 et à dix-huit d’ici la fin 2016». Côté budget, presque 400 000 euros seront alloués à la commission en 2016, contre 110 000 euros aujourd’hui. Pour des missions toujours plus nombreuses, et toujours aussi cruciales.
Pierre ALONSO