«Levez-vous si vous êtes chrétien». Racontée sur CNN par le père d’une étudiante gravement blessée, la scène glaçante se déroule jeudi matin à l’université de Roseburg, dans l’Oregon. Armé de trois pistolets et d’un fusil automatique, un homme vient de pénétrer dans une salle de classe et d’abattre le professeur d’une balle dans la tête. Pris de panique, les étudiants se jettent au sol, cherchant un abri illusoire derrière une table ou un sac à dos. Tout en rechargeant l’une de ses armes, le tireur ordonne alors aux chrétiens de se lever. «Bien, parce que vous êtes chrétien, vous allez voir Dieu dans une seconde», lance-t-il avant d’ouvrir le feu.
Pour la 45e fois depuis le début de l’année, une fusillade a éclaté dans l’enceinte d’un établissement scolaire américain, faisant au moins dix morts et sept blessés, dont trois graves. Il était 10h38, heure locale, lorsque les premiers coups de feu ont retenti. «J’ai entendu un « pop », presque comme un ballon qui éclate. J’ai compris que quelque chose n’allait pas. Nous avons fermé les portes, éteint les lumières, a raconté sur CNN une étudiante, Cassandra Welding, qui se trouvait dans une salle de classe voisine de celle où la fusillade a débuté. Nous avons appelé les secours et appelé nos parents, nos proches. Nous ne savions pas ce qui allait se passer, si c’était nos derniers mots ou pas».
«Vous ne m’entendrez jamais prononcer son nom»
Vêtu d’un gilet pare-balles et porteur de nombreuses munitions, le tireur était manifestement «préparé à un échange de tirs prolongé», précisent des sources policières. Il a finalement été tué lors d’une fusillade avec les forces de l’ordre. Officiellement, son identité n’a pas été révélée, mais selon les médias américains, il s’agirait d’un jeune homme de 26 ans, Chris Harper Mercer. «Vous ne m’entendrez jamais prononcer son nom», s’est contenté de déclarer le shérif du comté local John Hanlin, désireux de ne pas «glorifier» les actes du tireur. Pour le moment, et en dépit des témoignages faisant état d’une connotation religieuse, aucun mobile n’a été avancé. On ignore par ailleurs les liens du tireur avec l’université, notamment s’il y était étudiant. D’après les médias américains, les enquêteurs auraient commencé dès jeudi après-midi à interroger des membres de sa famille et de son entourage.
Dans la petite ville paisible de Roseburg, située dans une région rurale et reculée connue pour sa production de bois, la fusillade a suscité une onde de choc. Jeudi soir, des veillées à la bougie et des réunions de prière ont été organisées en hommage aux victimes, dont l’identité n’a pas été révélée. «Le plus grand choc sera lorsque leurs noms seront rendus publics et que l’on va reconnaître certains de ces noms», s’est ému le maire de la ville, évoquant un crime «insensé».
Obama agacé par ces drames à répétition
Etrange coïncidence, la dernière fois que Roseburg avait fait parler d’elle, il était déjà question d’arme et de fusillade. Parmi les 21 000 habitants de la ville se trouve en effet un certain Alek Skarlatos, l’un des héros du Thalys Amsterdam-Paris. A des milliers de kilomètres de chez lui, le jeune réserviste de la garde nationale de l’Oregon avait contribué à empêcher un massacre, fin août, en aidant à maitriser le Marocain Ayoub El-Khazzani. Etudiant à l’Umpqua Community College, théâtre de la fusillade, il n’était pas présent au moment du drame.
Comme après chaque tuerie de masse aux Etats-Unis, le macabre rituel s’est répété : couverture «breaking news» sur les télévisions américaines, tweets de prières et de solidarité des responsables politiques de tous bords et déclaration solennelle de Barack Obama. «Comme je l’ai dit il y a quelques mois, et comme je l’avais déjà dit quelques mois auparavant, et comme je le dis à chaque fois que nous assistons à ces massacres, nos pensées et nos prières ne suffisent pas», a martelé le président américain, de plus en plus agacé par ces drames à répétition.
Le regard noir, Barack Obama a une nouvelle fois appelé – en vain – le Congrès à légiférer pour renforcer les contrôles sur les armes à feu. «Nous sommes le seul pays développé sur Terre où l’on voit de tels massacres aussi régulièrement», a ajouté Obama, qui a souvent dit que la tuerie de Newtown dans le Connecticut (26 morts, dont 20 enfants en décembre 2012) avait été «le pire jour de sa présidence». Selon le site Mass Shooting Tracker, les Etats-Unis ont vécu depuis le début de l’année au moins 294 fusillades ayant blessé ou tué au moins quatre personnes. Soit en moyenne plus d’une par jour.
Frédéric Autran Correspondant à New York