Contrairement à ce que prétendaient les dirigeants israéliens jusqu’à ces dernières heures, la situation ne se calme pas à Jérusalem et en Cisjordanie. En fait, elle empire puisque la «sakinaout» (les attaques au couteau) se multiplient à l’intérieur même de l’Etat hébreu. A Kyriat Gat (sud d’Israël) mais également à Pétakh Tikva (grande banlieue de Tel-Aviv).« Bien sûr, il ne s’agit pas d’attentats kamikazes comme durant la deuxième intifada mais sur le fond, même si ces attaques sont lancées par des « loups solitaires » agissant de leur propre fait, le résultat est le même : les gens ont peur. Ils n’osent plus sortir dans la rue. Les cafés sont vides et l’on observe une baisse de fréquentation des spectacles», explique Ayala Hasson, chroniqueuse à «Kol Israël».
Depuis deux jours, les contrôles aux entrées des lieux publics et des centres commerciaux ont été renforcés sur l’ensemble du territoire israélien. A Jérusalem-ouest (la partie juive de la ville), les écoles ont entamé un mouvement de grève pour obtenir la présence de vigiles armés devant leurs portes. A l’instar du maire de la ville Nir Barakat, plusieurs élus municipaux appellent également leurs administrés titulaires d’un port d’arme à sortir avec leur calibre pour «réinstaurer un sentiment de sécurité dans les rues». Une solution magique ? Pas sûr. Jeudi matin le trafic de la ligne tramway a d’ailleurs été interrompu pour une durée indéterminée immédiatement après la première attaque au couteau de la journée (deux blessés). Cela, alors que des dizaines d’hommes en arme se trouvaient aux environs.
«Netanhayou devra faire preuve de psychologie»
A l’intérieur de l’Etat hébreu, le sentiment de malaise est d’autant plus fort que les manifestations violentes d’Arabes israéliens soutenant leurs «frères» Palestiniens des territoires occupés se multiplient. A Jaffa (Tel-Aviv) mais également à Lod (centre du pays) et à Nazareth (Galilée). Sur les routes traversant les villes et villages arabes israéliens, les autobus et les voitures privées sont désormais caillassés plusieurs fois par jour.«Nous n’en sommes pas revenus à la situation d’octobre 2002 lorsque la minorité arabe (20% de la population israélienne) s’était soulevée et que treize personnes avaient alors été tuées par la police mais il y a des réminiscences», estime Moshé Elad, un chercheur israélien spécialisé dans l’étude des intifadas tout en relevant que «le gouvernement de Benyamin Netanyahou devra faire preuve de beaucoup de psychologie s’il veut éviter une grosse explosion».
A Ramallah, l’Autorité palestinienne (AP) condamne la «répression israélienne qui pousse à un nouvel embrasement de la région» mais sur le fond, Mahmoud Abbas reste opposé à toute action violente. Selon les estimations de l’Aman (les Renseignements militaires israéliens), le Fatah et les «Tanzim» (sa branche armée contrôlant la plupart des camps de réfugiés de Cisjordanie) ne sont d’ailleurs pas partie prenante aux violences en cours même si certains manifestants brandissent leur drapeau.
Au terme d’une nouvelle réunion sécuritaire tenue dans la nuit de mercredi à jeudi, Netanyahou a confirmé la carte blanche qu’il accorde à la police, aux garde-frontières et Tsahal (l’armée) pour «écraser la vague de terreur». C’est dans ce cadre et avec ce blanc-seing qu’interviennent les «mistarvim» (les «déguisés en Arabe»), des unités spéciales opérant en civil et dont les membres parlent l’arabe avec l’accent palestinien. Mercredi, plusieurs «mistarvim» ont été filmés alors qu’ils se trouvaient au milieu des émeutiers de Cisjordanie et qu’ils les arrêtaient ensuite de manière musclée. En réalité, ces policiers mi-soldats mi-agents secrets opèrent de longue date sur le terrain puisqu’ils sont apparus à la fin des années 70 sur l’ensemble des territoires occupés. Donc, y compris dans la bande de Gaza où ils se sont souvent livrés à des exécutions extrajudiciaires. Les «déguisés» opèrent partout où il y des violences. Pendant les périodes plus calme, les mêmes procèdent à des arrestations de suspects palestiniens dans les quartiers arabes de Jérusalem-est et dans les villages de Cisjordanie.
Jeudi matin, nombre d’entre eux étaient déployés dans la banlieue de Ramallah et d’Hébron où se déroulaient de sérieux affrontements. Vendredi, ils opéreront aux environs de la vieille ville de Jérusalem puisque les députés arabes israéliens et leurs supporters ont décidé de se rendre sur l’esplanade des mosquées en signe défi à Netanyahou, qui a instamment prié les élus et les ministres de ne pas y aller.
Nissim Behar à Tel-Aviv