L’ombre de Jean Germain plane sur le procès des «mariages chinois»

Il y avait cinq chaises rouges, pour les cinq prévenus, dans la salle d’audience au printemps dernier. Elle ne sont plus que quatre, grises. Ajourné le 7 avril après le suicide de Jean Germain, le procès des mariages chinois s’est ouvert ce mardi au tribunal correctionnel de Tours. A 9 h 15, Lise Han est la première à pénétrer dans la salle, tout de noir vêtue. Sous l’œil des caméras, elle essuie quelques larmes, en silence. La Franco-Taïwanaise de 53 ans est le personnage clé de l’affaire. Entre 2008 et 2011, elle organise les mariages symboliques, «à la française», de dizaines de couples chinois désireux de vivre des «noces romantiques en Touraine». Un label visant à développer les liens entre Tours et la Chine, selon la volonté du maire d’alors, Jean Germain.

«Silences assourdissants»

Problème : Lise Han, directrice du bureau France-Chine au sein de la mairie, est en parallèle la gérante de la société en charge de l’organisation des mariages. Une entreprise qui, en quatre ans, bénéficie de centaines de milliers d’euros de marchés publics passés par la ville. Lise Han, qui affirme avoir eu une liaison avec l’édile, est poursuivie pour «prise illégale d’intérêts, escroquerie et abus de bien sociaux», notamment. Deux des trois hommes assis à ses côtés – son mari, l’ancien directeur de cabinet de Germain et le directeur de l’office du tourisme – sont poursuivis pour complicité. C’était également le cas de l’ancien maire, élu sénateur en 2011. La ville de Tours, l’office du tourisme et la communauté d’agglomération se sont constituées parties civiles.

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Six mois après l’ajournement, Lise Han, se dit «très triste», et déplore un «procès qui s’ouvre devant le cercueil de Jean Germain». Le souvenir du défunt plane sur les débats. A travers son interrogatoire, lu par la présidente, dans les interventions des avocats, dans celles des prévenus. Il est alors «le maire», ou «monsieur Germain». On parle de lui simplement, comme d’un absent. La semaine dernière, MGérard Chautemps, conseil de Han, prévenait : «Il va y avoir des silences assourdissants, des questions auxquelles Lise Han ne pourra pas répondre.» Le silence est bien là, mais il n’est pas assourdissant. Passées les premières minutes, la procédure reprend ses droits.

«On ne comprend rien»

Sur le fond, l’affaire est «nébuleuse», selon la présidente, «confuse», selon l’un des prévenus. Elle repose en grande partie sur l’éventuelle «gestion de fait» de la société organisatrice des mariages, imputée à Lise Han, et sur le statut de cette dernière à la mairie. Les explications de la prévenue sont parfois embrouillées. «On ne comprend rien», lui dit la présidente. Elle se contredit, mais s’exprime toujours avec aplomb. Avec culot, même, au point de déclencher quelques rires d’effarement dans la salle. Son mari, au contraire, est effacé. De son côté, François Lagière, directeur de cabinet de Germain à l’époque, également entendu en ce premier jour du procès, est pris par l’émotion à la barre. Il ne veut pas être vu comme un «escroc», parle d’«honneur», de «loyauté» vis-à-vis de Jean Germain. «On a été piégés», dit-il. En octobre 2013, dans l’émission Sept à huit, sur TF1, le sénateur disait de Han : «Elle m’a fait un enfant dans le dos. Je me suis fait avoir. Mais quand on est maire d’une grande ville on n’a pas le droit [de se faire avoir].»

Elise Godeau

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