La Terre de Feu, L’Eldorado, Troie ou le Pays des Amazones… Le Gondwana, l’Atlantide ou Mû… Qui n’a jamais eu vent de ces extraordinaires terres mythiques? Certainement pas Dominique Lanni qui, dans Atlas des contrées rêvées, propose non pas du vent mais un réel voyage à travers une trentaine de lieux légendaires, par-delà le monde. Paru aux éditions Arthaud, l’ouvrage aux allures de recueil met en scène de fantastiques histoires subtilement illustrées par Karin Doering-Froger. Des récits qui font revivre Marco Polo, Homère, Gengis Kahn.
Le livre à la reliure séduisante est de ceux que l’on aime mettre en avant sur une bibliothèque. À l’intérieur, on découvre une écriture poétique particulièrement appropriée au sujet. Pas question d’ennuyer le lecteur d’une flopée de détails, de références ou de citations sans âme, Dominique Lanni, pourtant universitaire, sait raconter des histoires. En guise d’illustrations, les cartes proposées par Karin Doering-Froger mêlent astucieusement cartographies d’antan et nouveaux critères esthétiques et numériques. «On a trouvé un maximum d’anciens documents desquels s’est inspirée l’illustratrice», précise l’auteur.
Les régions présentées dans l’ouvrage ne sont pas toutes le fruit de l’imagination de nos aïeux. Nombre d’entre elles ont vraiment existé. «Le but n’était pas de parler des lieux inventés par les romanciers. Il fallait qu’il y ait un socle à ces mythes, que des voyageurs se soient dit: « on va aller là car on l’a vu sur de vieilles cartes, car on en parle »…», explique ainsi Dominique Lanni.
Cités perdues ou englouties, civilisations mystérieuses, îles fabuleuses ou contrées peu explorées… «En Amérique du sud, la fièvre de l’or explique toutes ces légendes. Puisqu’on n’a pas trouvé l’or où on le pensait, on l’a cherché ailleurs, on a déplacé le lieu. À y regarder de plus près, on remarque ainsi toute une série de délocalisations des lieux rêvés…»
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«Sur les cartes anciennes, Monomotapa s’étale ainsi en larges majuscules sur l’Afrique australe […] pour combler un immense vide en bas du continent.» Constat toujours surprenant que d’imaginer une telle partie du monde plongée dans l’inconnu et son cortège de peurs et d’affabulations «Dans l’imaginaire collectif on décrivait les Africains comme des cannibales. D’ailleurs, une fois vérifiée, l’anthropophagie de certaines tribus ne surprendra pas les Européens», précise Dominique Lanni qui ajoute cette anecdote: nos ancêtres pensaient qu’une fois le Cap Bojador passé (Sahara occidental), les rayons de soleil étaient si puissants que l’on devenait aussitôt noir au cheveu crépu…
Et aujourd’hui? Reste-t-il des terres à découvrir? «Si les mythes antiques sont prodigues en récits propices à la rêverie, l’époque moderne a, elle, eu à cœur de chercher les preuves qui donnent un peu de réalité à ces belles légendes», note l’auteur. Au risque de détruire le mythe? «Les archéologues, ça a été un cauchemar!», conclut en souriant Dominique Lanni.
Que lui et ses lecteurs se rassurent: ces lieux rêvés peuvent ressurgir du passé. Le temps d’un livre, tout du moins…
Atlas des contrées rêvées. Dominique Lanni. Editions Arthaud. 144 pages. 25 €
Maxime Beaufils