En panne d’utilisateurs, Twitter cherche à simplifier son site. Et à enlever l’ambiguité du « fav ».
Twitter vient d’annoncer qu’il transforme son bouton «favori» en un coeur appelé «like». En copiant le modèle de Facebook et d’Instagram, le réseau social veut enlever toute ambiguïté à une fonction qui n’a jamais été tout à fait comprise.
Twitter lui-même n’a jamais été en mesure d’expliquer le sens précis de ce bouton «fav», proposant dans son manuel d’utilisation deux usages bien différents pour sa petite étoile jaune: «Lorsque vous ajoutez un Tweet à vos favoris, vous indiquez à la personne qui en est à l’origine que vous appréciez son Tweet. Le Tweet est alors enregistré et peut être consulté ultérieurement». Le favori était donc à la fois un like et un archivage.
Le fav utilisé pour 25 raisons différentes
Trois chercheurs, Florian Meier, David Elsweiler et Max L. Wilson, s’étaient posés la question de savoir quel sens les utilisateurs mettaient dans leurs «fav» ? (PDF). D’après leur étude, la fonction était utilisée pour pas moins de 25 raisons différentes !
Le fav était perçu comme un like dans 62% des cas, ce qui n’a sans doute pas échappé à Twitter qui a décidé de régulariser la situation de deux favs sur trois. Et tant pis pour les autres.
D’après les chercheurs, dans 23% des cas, le fav était un marque-pages, une manière d’archiver un tweet. La transformation du fav en coeur pose dans ce cas précis un souci: il devient difficile de mettre de côté un tweet de Jean-Marie Le Pen sans l’approuver. Mais le même problème se pose sur Facebook où il faut «liker» une page pour s’y abonner.
Le fav était aussi utilisé dans 4% des cas pour faire mousser son ego, et saluer une mention de soi-même. Cas typique: quand une célébrité nous fait l’honneur d’une réponse, le fav fait alors office de salle des trophées. Dans 2% des cas, le fav était un simple «vu», pour lequel le coeur peut paraître un peu fort.
Un beau cadeau pour l’algo
La disparition du fav est aussi un moyen d’améliorer l’algorithme de Twitter, en clarifiant le sens de cette action. Twitter réfléchit depuis longtemps à l’opportunité de remplacer sa timeline où apparaissent tous les tweets auxquels on est abonné par un flux filtré par un algorithme comme le fait Facebook. Les coeurs vont aider l’algo à trouver les meilleurs tweets.
Anthony Noto, directeur financier de Twitter, l’avait reconnu l’année dernière: la timeline actuelle «n’est pas l’expérience la plus pertinente pour un utilisateur». L’internaute peut y rater des tweets pertinents enterrés au fond du flux. Faire remonter en haut de la timeline ces tweets intéressants, comme le fait Facebook, «est une manière de mieux organiser ce contenu», a t-il ajouté, ce qui avait suscité une grande crainte chez les utilisateurs historiques du service.
Twitter parie sur les nouveaux utilisateurs (contre les anciens)
L’arrivée du coeur est une nouvelle tentative de Twitter de se simplifier pour attirer de nouveaux utilisateurs. Les tweets sont partout dans les médias, à la télévision, sur les sites d’info, mais le grand public ne comprend pas pour autant comment ce réseau au jargon étrange fonctionne. Avec le favori, c’est un mot de moins à expliquer aux nouveaux utilisateurs.
Tous les trimestres, Twitter passe un sale quart d’heure quand il doit annoncer au monde économique ses chiffres financiers. Alors que Facebook continue de conquérir le monde avec ses 1,5 milliards d’utilisateurs, Twitter stagne à 320 millions d’utilisateurs actifs. En 2012, Twitter prévoyait 400 millions d’utilisateurs avant la fin 2013. C’est pour le moins raté.
En faisant le choix du coeur et du like, Twitter ne prend aucun risque. Ces deux symboles quasi équivalents (sur Facebook France, «like» se dit «j’aime») sont présents partout : Facebook, YouTube, Instagram, Airbnb, Pinterest… et même sur Periscope, le site de streaming vidéo lancé par Twitter.