Maryse Joissains a raté son coup de poker. La présidente de la Communauté du pays d’Aix (CPA) n’a pas réussi à faire plier les élus de la future métropole Aix-Marseille-Provence, qui ont finalement désigné ce lundi matin le premier président. C’est Jean-Claude Gaudin qui prend la tête de l’institution, qui verra officiellement le jour le 1er janvier. Le maire de Marseille a été élu par 119 voix après une séance épique qui a clos un week-end de farce politico-médiatique opposant anti et pro-métropole.
Tout démarre vendredi soir, après que le tribunal administratif de Marseille a suspendu deux arrêtés préfectoraux fixant le nombre et la répartition des sièges de la future métropole. A l’origine de la procédure, quatre maires de communes proches de Marseille – Eguilles, Cabriès, Pertuis et Gardanne – qui jugeaient que les grandes villes étaient sur-représentées parmi les 240 conseillers métropolitains, les petites cités ne disposant, elles, que d’un siège. Sans se prononcer sur le fond, le juge a renvoyé la balle au Conseil d’Etat, mais en attendant sa décision, la validité de l’assemblée de ce matin était sur le tapis. Suffisamment pour annuler la réunion, a estimé Sylvia Barthélémy : samedi, la présidente (UDI) de la Communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne, qui a convoqué l’assemblée de ce matin, avait jugé «inenvisageable dans un tel chaos» sa tenue. Fin du premier acte.
«Tu veux des coups ?»
C’était sans compter sur Maryse Joissains. Farouche opposante à la métropole, la maire LR d’Aix, qui a elle-même déposé un recours directement devant le Conseil d’Etat, a voulu lancer son pavé dans la mare en utilisant son statut de doyenne des six présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) concernés par la métropole. Ironie du sort, la loi la désigne en effet comme présidente de cette première séance. Dans la foulée de l’annonce de Sylvia Barthélémy, elle a publié un communiqué, dimanche, pour demander la tenue coûte que coûte de l’assemblée. Non pas pour élire le futur président, comme le prévoit l’ordre du jour, mais pour suspendre elle-même la séance. Les élus se questionnent : vu le flou ambiant, y aller ou pas ? C’est Jean-Claude Gaudin qui tranche dans la soirée, invitant ses partisans à se présenter pour l’assemblée. Les autres décident de suivre. Fin du deuxième acte.
Ce lundi matin, en s’installant à la tribune, Maryse Joissains avait encore le sourire : dans la salle, la quasi-totalité des élus avaient répondu présents. «Nous ne sommes pas ennemis, a cru bon de préciser l’élue. Mais nous sommes un certain nombre à contester cette métropole. Le jugement du tribunal administratif est exécutoire, il m’appartient que cette décision de justice soit respectée. J’ai ouvert la séance et j’entends bien la fermer sans qu’il n’y ait de vote !» Dans la salle, le brouhaha s’installe. «On ne va pas dire que, parce qu’on est à Marseille, on ne peut pas respecter une décision de justice !» poursuit la présidente de séance. Les huées fusent. Tour à tour, plusieurs élus demandent la parole. Face au blocage, les pro-métropoles demandent alors à la présidente de séance de partir. «Oh, tu veux des coups ?» rétorque alors Maryse Joissains à l’élue qui lui demandait de laisser sa place. La maire d’Aix ne mettra pas ses menaces à exécution, décidant finalement de quitter l’assemblée, suivie par ses partisans.
«Ne pas être surpris»
Guy Teissier, président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) et suivant dans l’ordre d’âge, reprend la séance. Il faut recalculer le quorum suite au départ des frondeurs. Il reste 169 élus dans la salle, suffisamment pour procéder à l’élection. Jean-Claude Gaudin fait le plein de voix dans son camp, raflant même quelques votes chez les élus de gauche, même si ces derniers se sont majoritairement abstenus. Les élus Front national avaient, eux, décidé de quitter la salle. Hervé Fabre Aubrespy, le maire de Cabriès, candidat de dernière minute – alors même qu’il était de ceux qui avaient déposé un recours – n’a obtenu lui que 13 voix.
«Aujourd’hui, ce qui compte, c’est qu’on soit préparé pour ne pas être surpris le 1er janvier 2016, a tranché Jean-Claude Gaudin pour sa première intervention à la tribune. Je souhaite travailler avec les six présidents d’EPCI, avec les 92 maires de notre périmètre.» Avant, plus tard dans la journée, de commenter la sortie de sa partenaire aixoise : «Vous ne pouvez pas dire à la va vite à 200 élus qui se sont déplacés : « Vous allez entendre mes formules et après ça, la séance est levée. » Les gens qui portent des écharpes tricolores doivent respecter la loi, même si ça ne leur plaît pas.» De son côté, Maryse Joissains n’a pas l’intention d’en rester là. «Quand on m’attaque à la kalachnikov, je ne vais pas sortir le fleuret moucheté», a-t-elle rétorqué après sa sortie. Les premiers recours en justice contre le vote ne devraient pas tarder.
Stéphanie Harounyan Correspondante à Marseille