Sous les draps de la Chinafrique

L’offensive chinoise est un fait majeur dans l’économie africaine. Au quotidien, le marché hôtelier constitue pour le voyageur l’un des principaux marqueurs de cette réalité.

Une capitale d’Afrique francophone, été 2015.

La présence chinoise, de plus en plus importante – BTP, hôtellerie et quincaillerie au premier chef – semble ne pas être affectée par les récents événements politiques de la capitale. Ou plutôt elle semble, comme dans de nombreux pays d’Afrique, préférer les ignorer. On continue à traiter business comme partout ailleurs. Désormais, les négociants français sont les derniers à parfois souffrir un barrage de la langue en Afrique francophone : leurs interlocuteurs chinois leur proposent assez rapidement l’anglais – mais disposent finalement toujours d’un responsable qui amorce ou aboutit, suivant les nécessités, les négociations en français.

Comme dans de nombreux hôtels ou restaurants chinois en Afrique, le décorum semble immuable : lampions rouges à l’entrée, carrelage au sol dont le rapport qualité-prix laisse deviner la rapidité de construction et la standardisation qui a présidé aux travaux, fresque orientalisante sur les murs aux motifs pseudo-traditionnels, chaises industrielles en faux bois laqué… La cuisine de l’hôtel cherche à peine à offrir quotidiennement autre chose que des plats chinois. Rapport qualité-prix garanti face aux restaurants de cuisine occidentale. Mais si loin des «maquis» dont l’existence ne semble même pas effleurer les gérants chinois de ces hôtels-restaurants. Le buffet chinois est même devenu, dans certains restaurants d’hôtel, une attraction «à volonté» certains soirs de la semaine dans certaines capitales africaines.

L’hôtel est un huis-clos volontaire et recherché. De la chambre au restaurant, en passant par le salon du hall où s’effectuent des négociations jusqu’aux loisirs : tout est fait pour assumer une vie «insulaire». Dans le périmètre des murs de l’hôtel, parmi l’archipel des bâtiments, l’un d’entre eux le casino. Dans la salle de jeux comme au restaurant, les croupiers comme les serveurs sont des Africains dirigés par un Chinois ; les clients sont presque exclusivement des Chinois et des Occidentaux – à l’exception d’un ou autre invité Africain qui accompagne souvent des Occidentaux ou plus rarement des Chinois. Cette sociologie renforce le sentiment d’une sorte de «gated community» érigée au sein de l’hôtel.

A l’entrée des hôtels comme dans les rues, on peut croiser en quelques minutes des dizaines de petits moto chinoises qui noient désormais le marché des transports, inventant quasi-littéralement un marché du transport urbain en deux-roues.

La communauté chinoise s’ancre efficacement dans la capitale : le nombre d’hôtel au nom chinois se multiplie ; plusieurs d’entre eux offrent un espace privilégié d’hébergement de membres de la communauté.

En s’égarant dans certaines zones d’hôtel, on découvre des portes pas comme les autres. Le système général est le même que pour les autres chambres : la porte proprement dite est précédée d’une grille. Sauf que les portes et les grilles apparaissent de meilleurs qualité, plus neuves, plus solides, et qu’elles se distinguent surtout par des motifs chinois sur les ferronneries ou autour des judas.

Pour les plus distraits, un rapide zapping des chaînes télévisées suffit à rappeler cette évolution : CCTV4, l’emblématique chaîne chinoise, fait ici jeu égal avec Canal+, TV5 Monde Afrique, France 24 et Al Jezeera. Aucune d’entre elle n’est sous-titrée. La chaîne nationale est noyée face à cette concurrence et les chaînes privées du pays peinent à être trouvées : au fond, seule la diffusion satellitaire de la RTS rappelle la place des médias TV africains… alors que Dakar est distant de plusieurs milliers de kilomètres, si loin de ce poste de télévision et inconnu de l’essentiel des habitants de cette capitale.

Avis aux lecteurs-voyageurs : cette description est inspirée d’un authentique hôtel chinois, où ont été prises les photos. Africa4 vous invite à identifier ce lieu. Un indice (peu connu) : l’hôtel est tenu par des Chinois de Taïwan et non des Chinois du régime de Pékin.

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