Icône de la résistance ukrainienne, Nadia Savtchenko défie la justice russe

Jugée en Russie depuis neuf mois, la pilote ukrainienne Nadia Savtchenko, accusée du meurtre de deux journalistes russes, ne connaîtra son sort que le 21 ou le 22 mars. Mais nul doute que le verdict sera lourd, le parquet ayant réclamé 23 ans de prison contre la jeune femme qui observe une grève de la faim, la seconde depuis son incarcération à l’été 2014.

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Au Moyen Age, elle aurait certainement été brûlée vive comme sorcière, tant l’opinion russe en a fait l’incarnation du mal. La femme de 34 ans, au caractère bien trempé, cheveux courts et allure de garçon, en est consciente et s’en joue car elle sait que l’issue réelle du procès n’aura pas lieu dans un prétoire mais dans les couloirs des ambassades. C’est donc un doigt d’honneur qu’elle a adressé mercredi à ses juges au dernier jour des audiences, qui se sont achevées, comme le prévoit le code pénal, par une brève prise de parole de l’accusée. «Dans tous les cas, la Russie me ramènera en Ukraine, morte ou vivante», a-t-elle lancé à la cour. Consciente qu’elle peut y laisser la vie, la pilote, en grève de la faim et de la soif depuis six jours, a décidé ce jeudi de recommencer à boire mais de continuer à refuser de s’alimenter jusqu’au verdict.

La jeune femme, qui avait quitté l’armée pour se porter volontaire dans le bataillon Aïdar, est accusée d’avoir transmis à l’artillerie ukrainienne les coordonnées des deux journalistes tués par un tir de mortier à l’été 2014, dans l’est de l’Ukraine. Elle a été arrêtée très peu de temps après les faits. En Russie, affirme Moscou, sans jamais expliquer pourquoi elle aurait franchi la frontière. En Ukraine, dit-elle, après avoir été capturée par les séparatistes prorusses dans la région de Lougansk.

En Ukraine, où elle est devenue une icône, la jeune femme a été élue députée en son absence aux législatives d’octobre 2014 dans les rangs du parti de l’ex-Première ministre Ioulia Timochenko. Les autorités ukrainiennes ont longtemps espéré que la militaire serait libérée dans le cadre des échanges de prisonniers prévus par les accords dits de «Minsk 2» qui, en février 2015, ont débouché sur un cessez-le-feu, le retrait de certaines armes lourdes et la promesse d’élections régionales dans les territoires tenus par les séparatistes. Mais Savtchenko ne bénéficie pas du statut de prisonnier de guerre, elle est considérée comme une criminelle de droit commun. Et c’est sur cette base que Moscou refuse d’envisager toute libération avant le verdict de la cour, même dans le cadre d’un échange.

L’enjeu est désormais diplomatique. Le président ukrainien, Petro Porochenko, ne manque pas une occasion de rappeler le sort de la pilote d’hélicoptère. Et il a obtenu à plusieurs reprises le soutien des organisations européennes et de Washington. Mercredi soir, la chef de la diplomatie européenne a réclamé l’élargissement de la prisonnière «pour des raisons humanitaires», ajoutant également qu’en la libérant, la Russie se conformerait aux accords de Minsk, qui prévoient «la libération de tous les otages et personnes illégalement détenues» en relation avec le conflit dans l’est de l’Ukraine.

Hélène Despic-Popovic

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