Ah la grève, les manifestations… La droite, certains responsables patronaux et une partie des socialistes qui confondent ces temps-ci social-démocratie et libéralisme auront beau pester contre «le désordre» ou «le conservatisme» de ceux qui ont battu le pavé mercredi contre le projet de réforme du code du travail, ils pourront toujours râler contre les «blocages» que créent les arrêts de travail dans les entreprises, jouer du chantage aux «conséquences dramatiques sur l’économie française» et épingler une France «championne du monde des grèves». C’est vrai (1), mais ils auraient tort de s’en plaindre : dans une démocratie sociale adulte, la grève est signe de bonne santé. Le moment où se mesure le rapport de force avant de poursuivre les négociations.
Certains pourront toujours critiquer les «reculs» ou «renoncements» du gouvernement au lendemain des premières manifestations contre la réforme du code du travail. Outre le fait qu’il s’agit là, une fois de plus, d’une vision binaire de la politique – ça passe ou ça casse –, ils auraient tort là aussi. En prenant en compte la mobilisation des jeunes mercredi, en mettant sur la table d’autres propositions – surtaxe possible des CDD – et en recevant à Matignon les organisations de jeunesse vendredi, l’exécutif assume son ADN social-démocrate.
Au passage, petite remarque à ceux qui critiquent les arrêts de travail en France mais ne cessent de louer les modèles économiques allemand et scandinaves : les vice-champions du monde de la grève sont les Danois (2). Sûrement un effet de la flexisécurité louée en France, à droite commme à gauche. Et, en 2015, les Allemands ont multiplié le nombre de leurs jours de grève par plus de cinq – 2 millions de jours contre 392 000 en 2014 –, soit un record depuis dix ans. Ce qui n’a pas empêché nos voisins d’engranger de nouveau d’excellents résultats économiques.
(1) Au total, 132 jours par an pour 1 000 employés sur la période 2005-2014, selon une étude de l’institut de recherche économique WSI, proche des syndicats allemands.
(2) 124 jours par an pour 1 000 employés sur la période 2005-2014, selon la même étude.
Lilian Alemagna