Les secrets de Drouot devant le tribunal

C’est un procès fleuve qui va débuter ce lundi après-midi au tribunal de correctionnel de Paris. Quarante-quatre « cols rouges », quatre commissaires-priseurs, un directeur de vente et un employé sont cités à comparaître pour association de malfaiteurs, vols ou complicité de vols en bande organisée.

Qui sont ces cols rouges ? A Drouot, la salle des ventes parisiennes, on les appelait aussi les « savoyards ». Reconnaissables à leur veste noire à col rouge (d’où leur surnom), ils appartenaient à l’Union des commissaires de l’Hôtel des ventes (UCHV), corporation fondée en 1834. A l’origine, la plupart de ses membres étaient originaires de villages de Haute-Savoie. A Drouot, ils assuraient la manutention et le transport des objets mis en vente.

Des objets qui disparaissent

En 2009, le scandale éclate : plusieurs de ces cols rouges sont suspectés d’avoir dérobés des objets soit chez des particuliers (à l’occasion d’inventaires établis après un décès par exemple), soit à Drouot même. Dans les lots volés on trouve un tableau de Courbet, des fauteuils d’Eileen Gray, des bijoux, des dessins de maître, des meubles et autres objets précieux.

Problème : s’il est facile de laisser tomber un objet du camion, encore faut-il pouvoir en tirer profit. Certains cols rouges affirment que ces objets volés étaient écoulés à Drouot avec la complicité de commissaires-priseurs qui les incluaient dans leurs catalogues de vente.

Lorsque ces combines sont mises au jour, tous les regards convergent vers Drouot. Les plus pessimistes pensent que la salle des ventes parisiennes va imploser. Et d’annoncer déjà la fin de ce temple des enchères.

Drouot victime ?

Dès le début de l’instruction cependant Drouot Patrimoine (la société qui exploite l’Hôtel des ventes) décide se porter partie civile, estimant être victime dans cette affaire. « Drouot entend se faire entendre comme une victime de ces vols », commente son avocat, maître Karim Beylouni :

« Cette affaire a causé un préjudice matériel et un préjudice d’image. Le marché des ventes publiques repose sur la confiance. Si vous la brisez, vous mettez en péril son activité. Or, contrairement à ce qui pu être dit, jamais la direction Drouot n’a eu connaissance des vols qui avaient été commis. D’autre part, elle n’était pas l’employeur des cols rouges, ceux-ci étant membres de l’UCHV. »

Reste le rôle des commissaires-priseurs. Pouvaient-ils ignorer que les objets qu’ils vendaient avaient été dérobés ? Quatre d’entre eux n’ont-ils pas été mis en examen ? Pour Karim Beylouni, « ils représentent une minorité, ils sont quatre sur une centaine organisant des ventes à Drouot. Le tribunal devra déterminer s’ils ont agi sciemment, s’ils sont complices ou si au contraire ils ont agi par négligence. Quoi qu’il en soit, il est évident que ce n’était pas de leur intérêt d’agir frauduleusement. »

La concurrence en profite

Ce qui certain en tout cas , c’est que dans cette affaire, Drouot a laissé des plumes. En 2013, le produit de ses ventes s’élevait à 407 millions d’euros. Pour 2014 et 2015, ce produit est tombé à 385 millions d’euros. Une glissade qui se produit au moment où ses principaux concurrents triomphent : en 2015, les ventes de Christie’s (maison de vente basée à Londres et propriété de François Pinault) a vu son chiffre d’affaires parisien progresser de 28% alors qu’Artcurial pouvait se targuer d’avoir doublé ses ventes en l’espace de 5 ans.

Les audiences du Tribunal correctionnel risquent en tout cas d’être agitées. Face aux parties civiles et à une vingtaine de plaignants, cols rouges et commissaires-priseurs devront répondre aux nombreuses questions qui continuent à agiter le milieu des ventes publiques. Les débats devraient durer 3 semaines et le verdict prononcé le 4 avril .

Bernard Géniès

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