C’est un second compromis qui se prépare. Alors que la nouvelle mouture du projet de loi de réforme du code du travail doit être adoptée mercredi en Conseil des ministres, les députés socialistes préparent déjà la prochaine étape : celle des amendements. «Le gouvernement a compris qu’il fallait laisser du mou aux parlementaires, explique le socialiste Christophe Sirugue, futur rapporteur du texte à l’Assemblée nationale. Ma ligne de conduite n’est pas de démolir le texte mais d’entendre ce que disent mes collègues du groupe.» Dans un rôle de «démineur», dit-il, le député de Saône-et-Loire multiplie les rendez-vous avec Matignon et le ministère du Travail pour préparer la discussion parlementaire qui débutera fin mars-début avril en commission des affaires sociales.
Lundi, devant la presse, Manuel Valls s’est montré «évidemment» ouvert à «des évolutions» au Parlement. Mais le Premier ministre a tracé les lignes jaunes : députés et sénateurs pourront modifier le texte dans un «souci de […] juste équilibre» entre «dialogue social» d’un côté et «souplesse» et «compétitivité» pour les entreprises de l’autre. La bataille entre le gouvernement et sa majorité devrait ainsi porter sur l’article concernant les licenciements économiques. Ce fameux «30 bis», arrivé au dernier moment dans l’avant-projet de loi sous la pression du ministère de l’Economie. S’ils étaient demandeurs au départ d’un «retrait» de ce passage du texte, les députés socialistes de la commission des affaires sociales devraient désormais discuter d’une batterie d’amendements pour restreindre la définition du licenciement. Ils vont ainsi proposer que le motif du licenciement d’un salarié refusant un accord de maintien dans l’emploi reste «économique» et non pas «personnel» comme le propose le nouveau texte. Ils veulent également renforcer le rôle du juge et trouvent «trop floue» la définition donnée d’une «dégradation de la situation économique et financière». Ils comptent également élargir le périmètre de cette définition, aujourd’hui limitée à la France, et regarder les résultats économiques de l’entreprise «au moins» à l’échelle européenne si ce n’est mondiale. Problème : Matignon ne veut pas toucher à ce périmètre, casus belli pour le Medef.
Par ailleurs, des signaux aux TPE-PME devraient aussi être envoyés. «Elles ont un vrai problème de complexité administrative, souligne Sirugue, des procédures lourdes, pas sécurisées. On va faire des propositions.» Le futur rapporteur compte également «muscler» le compte personnel d’activité et fait la liste des sujets que ses collègues vont vouloir porter dans la discussion parlementaire. L’ex-ministre Benoît Hamon va ainsi tenter une nouvelle reconnaissance du burn-out dans la loi. A l’aile gauche du PS, on veut porter – notamment – des amendements pour «lutter contre le salariat déguisé dans l’économie numérique», fait savoir le député de la Nièvre, Christian Paul. Après avoir auditionné cette semaine les responsables de FO, de la CGT, de l’Unef, de l’UNL et des professeurs en droit du travail, ces députés socialistes qui appellent toujours à un retrait du projet de loi pour «le réécrire» devraient présenter, en début de semaine prochaine, leurs propositions pour «une autre réforme».
Lilian Alemagna