Les livres sont à la page, ils ont aussi leur hashtag. Chaque vendredi, #VendrediLecture fait partie des Trending Topics, les sujets les plus discutés sur Twitter. 1800 internautes de France et de Navarre se retrouvent sur les réseaux sociaux pour partager leur lecture du moment et commenter l’actualité littéraire.
Des bloggeurs, lecteurs avertis ou occasionnels, des bibliothèques, journaux, le Musée du Louvre, l’Opéra de Paris ou encore l’Education nationale, tout le monde peut partager un livre, une actualité, une remarque, une blague, une photo en rapport avec les livres.
Une #VendrediLecture, ça use, ça use.
Une #VendrediLecture, ça use l’inculture.— VendrediLecture (@VendrediLecture) 17 mars 2016
#VendrediLecture se définit comme «le premier événement littéraire sur les réseaux sociaux», lit-on sur leur site internet. Confondu au départ avec les blogs littéraires, c’est avant tout «un lieu de partage, de discussion, mais pas un club de lecture. On ne veut surtout pas donner un avis, critiquer un livre, on veut que les gens discutent entre eux», explique Nathalie, présidente de l’association. L’idée, dans ce foisonnement de livres, c’est que les internautes regardent ce que les autres lisent, et le lisent à leur tour.
Le #VendrediLecture français est né en 2011. Il a été créé par deux bloggeuses qui participaient au #FridayReads américain. Le premier jour où elles lancent le hashtag français, plus de quarante personnes y participent. Désemparées par l’ampleur de l’événement, elles lancent un appel sur Facebook et recrutent quinze membres bénévoles de 20 à 60 ans. En 2013, une association de loi 1901 est créée pour pouvoir faire des partenariats avec des maisons d’édition telles que le Livre de poche, 10/18 ou Michel Lafon, qui envoient chaque semaine cinq à sept livres redistribués par tirage au sort à tous les participants de #VendrediLecture.
La présidente Nathalie, marseillaise de 35 ans, est venue au Salon du Livre pour rencontrer ses coéquipiers de #VendrediLecture, qui sont répartis dans toute la France, de Paris à Lyon, en passant par Albi, et même à l’étranger avec trois membres québécois. Pour gagner sa vie, Nathalie fait des compte-rendus de réunions pour des entreprises, mais le vendredi la bénévole met sa casquette #VendrediLecture et recense tous les participations, anime les comptes Facebook et Twitter, répond aux questions en tout genre des twitto-lecteurs. Nathalie n’a aucune formation littéraire ni de community management. «Je fais tout au feeling», avoue-t-elle. Et ça marche plutôt bien. Plus de 14.700 «j’aime» sur Facebook, et 18.560 followers pour #VendrediLecture sur Twitter.
Qui sont les #VendrediLecteurs ?
Les écrivains sont «plutôt frileux» lorsqu’il s’agit d’utiliser #VendrediLecture, explique Nathalie. Seuls Sire Cedric, Edouard Louis et Maxime Chattam utilisent quelquefois le hashtag dans leurs tweets.
Parmi les lecteurs, on compte une majorité de Français, mais aussi des Suisses, des Belges, des Québécois et des Français habitant à l’étranger, notamment au Japon et en Finlande.
Que lisent-ils ? Principalement des romans qui sont dans l’actualité, ainsi que des BD et mangas. En tête : Stephen King, «le Trône de fer» de George R. R. Martin, et Delphine de Vigan lors de la parution de son dernier roman «D’après une histoire vraie». Les prix Goncourt génèrent également beaucoup de tweets ainsi que les rentrées littéraires, les adaptations de films, et les décès d’écrivains célèbres.
Il est rare qu’un tweet déclenche un buzz considérable. Une exception tout de même : cet été, quand Nicolas Sarkozy a tweeté une photo de lui lisant Hemingway: «Un bon livre pour l’été, l’idéal pour se reposer et se ressourcer. Bon vendredi à tous ! NS #VendrediLecture». Le tweet a été moqué, repris et détourné, faisant au passage une bonne pub à #VendrediLecture.
#VendrediLecture affiche un certain éclectisme. «On varie les tons, des recettes de cuisine aux blagues en passant par la littérature classique et l’actualité littéraire, le but est de ne pas trop se prendre au sérieux», explique Nathalie qui évoque un «complexe de la lecture» chez les Français, lié à un certain snobisme. Elle constate que beaucoup d’internautes lui envoient des messages concernant leurs lectures, ne se sentant pas légitimes d’évaluer un livre ou complexés par leurs choix. «Mon rôle est de calmer ceux qui sont trop sûr d’eux et se considèrent comme l’élite, et de rassurer ceux qui ont des complexes», développe la présidente.
Avec leurs slogans, «VendrediLecture c’est TOUTES vos lectures» ou «Mettez de la confiture dans votre culture», l’association veut rassembler ceux qui ne se seraient jamais rencontrés sans avoir lu le même livre. «Ce qui marche, c’est qu’on est très nombreux et très différents, indique Nathalie. Les gens qui lisent la même chose à la même heure se croisent sur la toile alors qu’ils sont parfois dans des mondes totalement opposés.»
#VendrediLecture a d’ailleurs la cote, au sens propre du terme. Il est très utilisé par les community managers, surtout dans les bibliothèques qui conseillent un ouvrage sur Twitter avec la cote du livre.
#SloanWilson décrit la société américaine des années 50 à travers Tom, « L’homme au complet gris » (cote 813.5 WIL Sh) #VendrediLecture
— BU Droit-Lettres (@DijonBUDL) 11 mars 2016
Une fois par mois, VendrediLecture lance son club de lecture 2.0 sur Facebook. A bientôt 37 ans, Virginy la vice-présidente qui vient du Sud-Ouest près d’Albi, anime une fois par mois le #ClubVL sur Facebook. «On est loin de la jeune bloggeuse parisienne de 20 ans, pas vrai?», s’amuse celle qui propose tous les mois des thèmes avec une liste de lecture. Les gens discutent à l’intérieur d’un «événement Facebook». Sur Twitter, l’exercice est plus complexe à cause de la limite des 140 caractères, ce qui n’empêche pas quelques lecteurs de faire une critique express en utilisant le hashtag #ClubVL.
À chaque #vendredilecture j’aurais envie de recommander Internet… c’est quand même le livre imagier et animé le plus grandiose jamais écrit.
— Zéphyrin Touristryon (@Zestryon) 18 mars 2016
Pas de polémique, un retour sur le fil d’actu toutes les semaines, un mot clef accueillant, et à l’arrivée une bonne crédibilité, #VendrediLecture est cité comme modèle par Twitter France. Il a aussi inspiré le hashtag #MardiMusique, qui s’est évidemment inspiré de sa réussite. «Le hashtag n’appartient à personne, n’importe qui peut se l’approprier, c’est ce qui fait sa force», conclut l’actuelle présidente qui donnera les clefs à un autre membre l’année prochaine.
Au Salon du Livre de Paris, tout le week-end, Nathalie va chercher des partenariats avec des éditeurs, distribuer les marques-pages de #VendrediLecture, et surtout tweeter.
Virginie Cresci