Pas assez noire pour jouer Nina Simone ?

Scandale : Zoe Saldana n’est pas assez noire pour jouer le rôle de Nina Simone. En plus, elle est bien trop jolie. Enfin, elle est libano-porto-ricaine, pas afro-américaine. Elle n’a pas la même coiffure. Elle a un menton (Nina Simone n’en avait pas). Les gardiens de la morale black ont bien raison : il faut donner les rôles de plombiers aux plombiers, les personnages de tueurs aux tueurs, les costumes de nazis à de vrais nazis (ils sont de plus en plus rares, dépêchez-vous les gars), et, dans le costard de Vercingétorix, seul un vrai Gaulois saurait porter les sandales en raphia et laine grasse des Pyrénées du général de Gergovie.

C’est vrai, quoi, à la fin. On en a marre de ces Indiens joués par des Blancs, de ces musiciens qui savent pas où placer leurs doigts sur le piano, de ces pharmaciens incarnés par des sociétaires de la Comédie-Française. Il nous faut de l’authentique, du solide, du réaliste. Nina Simone doit être représentée par… par… Les commissaires politiques du Bureau de la Blackitude n’ont pas encore donné la réponse. Mais ça ne saurait tarder.

Les cothurnes de « Ben Hur »

Là où l’affaire se complique, c’est dans les données multiples. J’explique : un camionneur doit être joué par un camionneur, ok. S’il est asiatique, va falloir trouver un camionneur chinois. Si, en plus, il est homosexuel, il est nécessaire de choisir un camionneur pékinois gay. Supposons que le scénario exige qu’il soit con : pas dur, de trouver un camionneur pékinois gay et con. Oui, mais voilà, il a un pied bot. Et il boit. Et c’est un collectionneur de coccinelles clandestin. Et il se fait fouetter dans les stations-service avec des roseaux de l’étang de Berre. Et il se ronge les ongles en lisant le Petit Livre Plus Tellement Rouge de Lin Piao. Et il ne paie pas ses impôts. Et il est secrètement amoureux de Zoe Saldana. Ah, la vache !

Résultat : le casting director va se casser le bonbon à chercher un routier aux yeux bridés, homo, alcoolique, amateur de coccinelles, masochiste, lecteur de livres marxistes, copain de Cahuzac, boîteux et abruti. Ça fait beaucoup, quand même. Mais, mes frères, l’exigence d’équité est à ce prix. Chacun dans son rôle.

Prenons un autre exemple : dans la nouvelle version annoncée de « Ben Hur » (mais quel est le débile qui a eu l’idée d’en faire un troisième remake ?) qui sortira en septembre, il est obligatoire que les cothurnes de Charlton Heston soient remplies par un mec qui, comme lui, soit à la tête de la National Rifle Association. Et que la mini-jupette de Stephen Boyd dissimule de la même façon la charcuterie du nouveau Messala, Toby Kebbell.

L’embêtant, c’est que le réalisateur du new « Ben Hur » est russe. Oh, la faute de goût ! Qu’est ce qu’un ex-soviétique peut comprendre à cette saga romaine écrite par le gouverneur du Texas (celui-là même qui a fait tuer Billy the Kid). Il aurait fallu trouver un réalisateur amateur de coccinelles sans menton qui aime Nina Simone, euh, non, un cinéaste gay qui, auscultant la jupette, aurait fait dire : « Messala, Ben Hur ! », avec conviction.

Mais c’eut été un autre film, à vrai dire.

François Forestier

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