Jim Harrison, l’écrivain qui parlait aux ours est mort

Jim Harrison : Les Françaises ont les plus belles fesses du monde

Le Nouvel Observateur.Quels livres vous ont influencé le plus, et à quel moment de votre vie?

Jim Harrison. C’est quand nous sommes jeunes et vulnérables que nous sommes le plus influençables. A l’époque, je lisais Dostoïevski, ainsi que les poètes symbolistes français, et je ne m’en suis toujours pas remis. Apollinaire aussi: je vais souvent visiter sa statue près de l’église Saint- Germain-des-Prés.

A part le vin et le fromage, quelle est pour vous la spécialité des Français?

J. Harrison. J’adore la cuisine française, et aussi celle de l’Italie du Nord. Depuis mes 14 ans, je m’intéresse à la littérature française. Les Françaises peuvent aussi se targuer d’avoir les plus beaux culs.

Quel est le meilleur vin que vous ayez jamais bu?

J. Harrison. Pour moi, le meilleur est le romanée-conti 1953, à égalité avec le petrus 1985. Malheureusement, ces vins sont le luxe des plus fortunés. Aujourd’hui, je préfère le Domaine Tempier Bandol.

I comme Ivrogne : petit abécédaire littéraire du vin

Jim Harrison (Sipa)
Jim Harrison en 1996 (©Baltel/Sipa)

Quels sont vos paysages favoris ?

J. Harrison. Les denses forêts de la péninsule nord du Michigan, qui ont tendance à déprimer la plupart des gens. J’aime aussi les montagnes du Montana, où les neiges qui fondent se transforment en rivières, rivières qui donnent naissance aux truites, mon obsession…

Comment expliquez-vous que vous soyez si populaire en France?

J. Harrison. Je ne sais pas… Pourquoi un pays choisit-il d’adopter un écrivain étranger? Peut-être est-ce parce que je parle de territoires sauvages et que les Français n’ont pas besoin d’entendre parler de New York, vu qu’ils ont déjà Paris (ville tellement plus intéressante que New York).

Parlez-vous aux chiens, aux chevaux, à d’autres animaux?

J. Harrison. Oui, je parle aux chiens, mais aussi aux ours, et ce depuis mon enfance. Pas plus tard qu’hier soir, à 3 heures du matin, j’ai eu envie d’écrire à ma chienne Zilpha pour lui expliquer pourquoi je n’étais pas là pour sa promenade matinale. Normalement, elle me répond d’un sourire, comme une belle femme qui ne peut pas parler parce qu’elle vient d’un pays qui n’a pas encore été inventé!

Préféreriez-vous manger en compagnie d’Homère, de Heidegger ou du grand cuisinier espagnol Ferran Adrià?

J. Harrison. Plutôt avec Catulle ou Virgile ! Mais en aucun cas avec Adrià. En effet, si je veux manger de la mousse, je préfère aller en Angleterre et boire quelques gouttes d’océan…

Avez-vous beaucoup de livres en projet?

J. Harrison. Ne plus écrire, c’est inconcevable pour moi. L’écriture représente une grande partie de ma vie. C’est ce que je suis, ma colonne vertébrale. Je suis un pasteur, un rabbin du langage. Oui, je souhaite écrire encore beaucoup de livres. En ce moment je travaille sur des essais portant sur des écrivains qui comptent énormément pour moi. Ce ne sont pas forcément les meilleurs, mais ce sont ceux qui m’ont le plus aidé. Je vais souvent visiter les lieux où ils ont vécu. L’année dernière, je me suis rendu à Isle-sur-la-Sorgue, où j’ai vu la tombe et le café de René Char, que je vénère et que j’ai étudié lorsque j’avais 19 ans.

Etes-vous un bon cavalier ?

J. Harrison. Avant, j’étais un cavalier plutôt médiocre, mais je me suis blessé le dos lors d’une chute de cheval, et depuis je ne peux plus monter. Mais j’aime observer les chevaux et leur parler.

Etes-vous jamais tombé amoureux de l’un de vos personnages?

J. Harrison. Oui, j’admets être tombé amoureux de Dalva, qui m’est apparue pour la première fois dans un rêve, nue. C’était extrêmement excitant, c’est le moins qu’on puisse dire. Il faut faire attention à l’amour; dans mon dernier roman, «Une odyssée américaine», mon vieux Cliff tombe amoureux de l’une de ses anciennes étudiantes et sa vie tourne au cauchemar: il doit acheter des médicaments pour son pauvre pénis! Cela est arrivé à bon nombre d’entre nous lorsque nous essayons, terrifiés, de satisfaire le désir des femmes.

Vous préoccupez-vous de votre santé?

J. Harrison. Bien sûr que oui ! Dès le matin, je commence la journée avec 9 cigarettes et 9 cafés ! Ma santé n’est pas très bonne. J’ai du diabète, de l’hypertension, des problèmes cardiaques, des calculs rénaux, et un état de mélancolie permanente!

Jim Harrison (Andersen-Sipa)JIM HARRISON (1936-2016), ici en 1998. (©Andersen / Sipa)

Allez-vous souvent au cinéma?

J Harrison. Je suis obsédé par les films depuis que je suis jeune ! J’ai grandi dans un petit village où la place de cinéma ne coûtait que 12 pennies (12 centimes de dollar !). Je n’ai pas de télé chez moi, mais j’ai un projecteur et je termine souvent une longue journée en regardant un film.

Croyez-vous au surnaturel?

J Harrison. Naturellement j’y crois. J’ai reçu des instructions spéciales directement envoyées par les dieux. J’ai publié un livre aux Etats-Unis intitulé «A la recherche des petits dieux». Un seul Dieu ne peut, à lui seul, créer 19 milliards de galaxies. D’ailleurs, s’il existe 19 milliards de galaxies, pourquoi moi, je n’aurais pas une âme? Aussi infiniment petite soit-elle. Peut-être aussi petite qu’un photon, ou encore mieux, que l’un de mes neurones? Ne pas croire en la résurrection a toujours été inconcevable pour moi. Mais je constate de plus en plus les dangers du monothéisme en ce bas monde.

Vieillir, est-ce un problème pour vous?

J Harrison. Pas du tout. Comment peut-il en être autrement? De toute façon, les plus belles femmes du monde peuvent être séduites avec une montre chinoise bon marché!

Propos recueillis par Didier Jacob,

traduction Dana Burlac

Une Odyssée américaine, par Jim Harrison,

traduit de l’anglais par Brice Matthieussent,

Flammarion, 320 p., 21 euros.

Du même auteur, «Retour en terre», 10-18, 330 p., 8 euros.

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Jim Harrison (Sipa)
Jim Harrison en 2004 (©Baltel/Sipa)

Ce que raconte Jim Harrison dans « Une Odyssée américaine »

Ancien prof de lettres, Cliff vient d’être largué par sa femme après trente-huit ans de mariage. L’occasion d’un amour sabbatique? Il noie son chagrin avec Marybelle, une étudiante qui a perdu depuis longtemps sa timidité. Mais Cliff se console surtout dans les bras de l’Amérique, qu’il traverse de part en part de manière hélas non écologique (il roule dans un gros 4 X4 Tahoe).

C’est l’occasion d’un nouveau roman d’aventures en Technicolor, où l’hommage aux grands écrivains le dispute à l’évocation des horizons immenses, et où Harrison démontre une nouvelle fois que nul ne parle mieux que lui de cette vie qu’il aime tant, quand il raconte par exemple une partie de pêche à la mouche et décrit ce geste d’une infinie douceur – celui de rendre à la rivière fabuleuse, comme on couche un enfant qui s’endort, la truite de trois livres, à peine prise, qui s’éloigne tranquillement.

Source: « le Nouvel Observateur » du 26 mars 2009.

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Les 1ères pages d' »Une odyssée américaine » de Jim Harrison

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