Faut bien l’avouer : on a longtemps pratiqué l’asperge dans sa version Modes et travaux 1969, c’est-à-dire endimanchée et chapeautée comme une bourgeoise de préfecture dans sa tranche de jambon, sa farandole de macédoine et son onction de mayonnaise. C’était un rituel de printemps programmé et réglé comme la vidange de la 504. L’asperge débarquait un dimanche, entre Pâques et le 1er mai, sur un plat fleuri où elle faisait des bouquets en étoiles avec sa jupe de jambon. Elle était souvent «molle de la pointe», comme disait avec un zeste de lubricité l’oncle Bob avant d’enchaîner sur les performances respectives de la 504 et de la R16. Rien que d’y penser, s’imaginant noyé dans la fumée des Gitanes maïs sur la banquette arrière, on avait déjà mal au cœur. «Tu n’aimes pas les asperges ?», qu’elle s’inquiétait la tante Germaine. «Si, si», qu’on faisait car on n’allait pas lui dire que c’était la perspective de la 504 nicotinée qui nous filait la gerbe. Et que c’était reparti pour une cure d’asperges qui nous faisait le pipi aussi désagréablement odorant que les vespasiennes de la place nationale. La faute à l’acide asparagusique contenu dans ce légume.
Il nous a fallu pas mal de bottes pour comprendre que l’asperge pouvait se manger dans le plus simple appareil, débarrassée de la charcutaille et de la mayo, blanche mais aussi verte et surtout cuite al dente. Essayez donc une poignée d’asperges crues coupées en petits tronçons (1 à 2 cm), réservez les pointes. Faites dorer à feu vif les tronçons à l’huile d’olive dans une poêle ou un wok (environ cinq minutes). Ajoutez les pointes, de la coppa émincée, et continuez la cuisson environ dix minutes. Déglacez d’un trait de vinaigre balsamique, donnez un tour de moulin à poivre et servez bien chaud avec de généreux copeaux de parmesan.
Vous pouvez également tenter les «asperges rôties aux anchois», une recette débusquée dans un épatant opuscule1 consacré à l’huile d’olive et à tous ses usages (cuisine, beauté, bien-être…). Il vous faut 24 asperges vertes ; 6 branches de thym ; 6 filets d’anchois à l’huile ; 6 tranches très fines de poitrine fumée ; 4 cuillères à soupe d’huile d’olive ; poivre du moulin ; un demi-citron ; ficelle de cuisine. Préchauffez votre four à 210 degrés. Coupez les extrémités dures des asperges. Ficelez-les quatre par quatre avec un anchois, un brin de thym et 1 tranche de poitrine fumée. Salez très légèrement et donnez un tour de moulin à poivre. Arrosez d’huile d’olive et enfournez pour 8 à 10 minutes de cuisson. A la sortie du four, arrosez d’un trais de jus de citron.
(1) Que faire avec ? L’huile d’olive (ed. Hachette cuisine, Elle à table, 6,95 euros)
Jacky Durand