Rien ne va plus entre la CGT et François Hollande. Au congrès de Marseille, les militants ont critiqué avec véhémence le chef de l’État, à la « solde de la finance », évoquant une « rupture » avec le président de la République pour lequel le premier syndicat français avait appelé à voter en 2012. « Trahison » : sur la tribune du palais des Congrès de Marseille mais aussi dans les couloirs, le mot est répété à l’envi par les militants dès qu’on évoque le chef de l’État.
« Il est sur des régressions sociales permanentes en direction de ceux qui lui ont fait confiance. La CGT a appelé à voter pour le candidat Hollande et c’est d’autant plus dérangeant, car elle a ainsi contribué à son élection. Et maintenant, on est trahi », résume David Gistou, secrétaire général de l’union départementale de l’Aveyron, interrogé par l’Agence France-Presse. « Il y a eu le discours du Bourget (du candidat Hollande, NDLR), les gens y ont cru. On s’aperçoit que c’est encore pire que la politique libérale de Sarkozy. C’est d’autant plus douloureux que ça vient d’un gouvernement dit de gauche », relève de son côté Lina Desanti (Tarn-et-Garonne). « Le candidat ennemi de la finance se montre au service du Medef. »
Lois Macron, Rebsamen, sur la sécurisation de l’emploi, les cégétistes égrainent les réformes du quinquennat qui « ont impacté les droits des salariés ». Mais la loi travail cristallise leur « colère » : « c’est le bol qui a fait déborder le vase », estime David Gistou, une « arme de guerre offerte au patronat » (Amar Benjamin, éducation et recherche). « Il y a un mécontentement de l’ensemble des salariés sur la politique de Hollande, une rupture totale avec le PS. On ne l’a pas élu pour avoir la loi El Khomri », relève Jacques Bugon (La Réunion).
« On dit que la CFDT va passer devant »
La CGT réclame le retrait de ce texte, qui offrirait « un code de travail » dans chaque entreprise au détriment des salariés, selon elle. Ce texte est « une honte de la part d’un gouvernement qui se proclame du socialisme. C’est une nouvelle charge qui nous ramène vers le passé, remet en cause le droit du salarié de disposer d’un cadre juridique », a lancé en tribune Hidri Rim, une ex-Fralib. Lors de l’ouverture du congrès lundi, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a aussi eu la dent dure contre la politique de « Hollande et Valls ». « La finance, elle rigole, elle sabre le champagne et (Pierre) Gattaz (patron du Medef) se frotte les mains. Jamais les inégalités n’ont été aussi importantes en France, en Europe et dans le monde », a-t-il regretté.
Fait marquant, lors de l’ouverture, la délégation du PS a été copieusement huée et sifflée par des délégués. Le mécontentement n’est pas que social. « Je comptais beaucoup sur le vote des étrangers, c’est dégueulasse de nous avoir fait miroiter ça », relève Laib Delila (Toulouse). Autre rupture, les promesses environnementales faites lors de la COP 21 à Paris. La CGT a annoncé mercredi qu’elle boycotterait la conférence sociale environnementale organisée par François Hollande lundi et mardi prochains, qu’elle a qualifiée d’« opération d’affichage et communication » d’un gouvernement « au plus mal ».
La confédération avait aussi boycotté les deux dernières conférences sociales organisées par le président, en 2014 et 2015. « Les conférences sociales, on en a eu plusieurs et à chaque fois, on en sort avec des reculs pour le monde salarié », commente Dominique Launay, responsable CGT (transport). Au PS, on analyse ce ton « radical » par les difficultés de la confédération dans son leadership : « On dit que la CFDT va passer devant », a commenté mardi sur i>Télé le premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis, dénonçant en outre « une gauchisation » de la confédération. « Ce qu’ils sont en train de faire peut leur permettre peut-être de conserver des bastions », de son côté indiqué à l’Agence France-Presse un haut responsable gouvernemental.