La police a dispersé par la force mardi une manifestation de partisans de la laïcité devant le parlement turc, au lendemain d’une sortie controversée de son président qui s’est déclaré contre l’inclusion dans une nouvelle Constitution de ce principe fondateur de la Turquie moderne.
« La Turquie est laïque et le restera », ont scandé une centaine de manifestants réunis devant l’une des entrées de l’Assemblée nationale à Ankara avant que la police antiémeutes n’intervienne à coups de gaz lacrymogène, selon un photographe de l’AFP sur place.
La police a procédé à plusieurs interpellations.
D’autre manifestations étaient prévues mardi dans d’autres villes de Turquie pour protester contre Ismail Kahraman, membre du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur au pouvoir) du président Recep Tayyip Erdogan.
« En tant que pays musulman, pourquoi devrions-nous être dans une situation où nous sommes en retrait de la religion ? Nous sommes un pays musulman (…) Avant toute autre chose, la laïcité ne doit pas figurer dans la nouvelle Constitution », a dit M. Kahraman.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, l’AKP est accusé par ses détracteurs de vouloir islamiser la société turque. Cette formation a libéralisé le port du voile islamique autrefois strictement interdit dans la fonction publique et les universités.
La déclaration de M. Kahraman a provoqué une levée de boucliers des partis d’opposition, d’habitude à couteaux tirés, qui ont appelé à sa démission.
« La laïcité est la garantie de la liberté de culte », a lancé le chef de file de l’opposition laïque au Parlement, Kemal Kiliçdaroglu, lors d’un discours devant ses députés du CHP (parti républicain du peuple), accusant le régime islamo-conservateur de vouloir « détruire la République ».
Selon lui, il est hors de question de renoncer à la laïcité « tant que le CHP existe au Parlement ».
L’AKP « a montré son vrai visage », a assuré pour sa part Figen Yuksekdag, coprésidente du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde).
L’AKP a néanmoins pris ses distances avec les propos de M. Kahraman, indiquant par la voix d’un de ses dirigeants, Mustafa Sentop, que le président du Parlement « n’a pas parlé au nom » du parti.
Cité par l’agence de presse Dogan, l’intéressé a lui aussi déclaré mardi qu’il n’avait fait qu' »exprimer (ses) opinions personnelles ».
Depuis la reconduction de l’AKP au pouvoir, en novembre dernier, l’une des priorités du gouvernement est de doter la Turquie d’une nouvelle loi fondamentale pour remplacer celle héritée de la junte militaire après le putsch de 1980.
26/04/2016 17:33:21 – Ankara (AFP) – © 2016 AFP