Le gouvernement américain vient de déclassifier des centaines de vidéos d’essais nucléaires menés dans les années 1950 et 1960. Les images ont été numérisées et restaurées par le laboratoire national Lawrence Livermore (LLNL), dont les experts travaillent sur ce projet depuis cinq ans. « Nous avons mené cette restauration juste à temps, ces films se décomposaient et étaient sur le point de devenir inexploitables », explique le physicien expert des armes nucléaires Greg Spriggs, à la tête de l’équipe dédiée au département de l’Énergie, responsable de la sécurité nucléaire aux États-Unis.
Les 210 essais nucléaires atmosphériques américains menés entre 1945 et 1962 ont été filmés sous différents angles, et environ 10 000 films ont été tournés avec des caméras ultra performantes enregistrant 2 400 images par seconde (cent fois plus qu’une vidéo classique). Éparpillés dans de nombreux coffres-forts sur l’ensemble du territoire américain, les coffrets ronds contenant les films sont aujourd’hui difficiles à retrouver. Malgré « plusieurs années de recherches », seuls 6 500 ont été localisés par l’équipe, qui a pu en numériser 4 200. Mais les moyens semblent manquer : « Nous n’avons pu en analyser qu’une petite fraction, 400 à 500 », explique Greg Spriggs.
Des données inédites découvertes
« Je suis très surpris par la bonne conservation des films, compte tenu de leurs conditions de stockage non optimales », explique Jim Moye, expert en restauration de films, pour qui il faut agir vite pour protéger les autres documents vidéo : « Nous n’avons pas l’éternité pour sauvegarder ces films, ils vont disparaître. » « Dans certaines boîtes, nous sentions une odeur de vinaigre, caractéristique de la décomposition des films », renchérit Greg Spriggs, qui rappelle que « peu importe l’attention que vous apportez à la conservation des films, un jour ou l’autre ils se décomposent ». La numérisation était donc indispensable.
Pour les experts, l’enjeu est autant stratégique qu’historique : « La plupart des données publiées à l’époque étaient erronées, car la technologie utilisée dans les années 1950 était moins performante », assure encore Greg Spriggs. « Nous avons trouvé de nombreuses données qui n’avaient pas été analysées, et nous découvrons de nouveaux éléments sur ces détonations, qui n’avaient jamais été vus avant », se réjouit-il. « Nous avons donc décidé de rescanner et réanalyser tous les films, pour fournir des données plus fiables aux futurs chercheurs », ajoute-t-il. Le laboratoire a créé une liste de lecture sur YouTube, incluant un grand nombre de vidéos.