● De l’eau dans la cour d’Honneur.
C’est ce que l’on verra le 6 juillet au soir, lorsque les trompettes de Maurice Jarre retentiront pour annoncer le début du premier spectacle. Ce sera Antigone de Sophocle monté par le grand maître japonais Satoshi Miyagi avec sa troupe. Des artistes exceptionnels qui s’appuient sur la tradition du théâtre nippon pour mieux parler du monde. Ils avaient ébloui le festival de 2015 avec une version enchantée, costumes de papier blanc, ombres, encerclement du spectateur, avec quelques épisodes du grand poème de l’Inde, le Mahabharata. On a revu Satoshi Miyagi l’année dernière à Paris, au Musée du quai Branly, avec un autre admirable spectacle, Depuis 2007, il dirige le Shizuoka Performing Act Center, fondé en 1997 par Tadashi Suzuki. Ce sera l’une des rares créations qui naîtra à Avignon l’été prochain. Il va s’inspirer des marionnettes sur l’eau qui sont une grande tradition de l’Asie. Ce sera donc dans la cour d’Honneur inondée du 6 au 12 juillet.
● L’Afrique subsaharienne au centre
L’an dernier, en faisant le bilan de la 70ème édition et en lançant quelques pistes pour l’été prochain, l’équipe du festival avait annoncé que l’Afrique serait au cœur de l’édition 2017. Il y a effectivement un certain nombre de spectacles venus d’Afrique, mais on s’étonne qu’aucun grand écrivain d’aujourd’hui -ou d’hier- ne figure au programme. On finira bien, le 26 juillet, dans la cour d’Honneur, par une lecture de textes de Léopold Sedar Senghor, avec sa Femme noire. Angélique Kidjo et Isaach de Bankolé seront les maîtres d’œuvre de cette soirée de lectures et de musique, de chant. Ils ont invité Manu Dibango et Dominic James, notamment.
Mais cela aurait eu de la gueule, un grand spectacle de littérature africaine en ouverture. Le Printemps des poètes a consacré son édition 2017 aux «Afriques» et les auteurs puissants sont légion. On aurait aussi pu imaginer voir ici la reprise du très beau spectacle de Christian Schiaretti La Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire, qui n’était pas un Africain du continent, mais qui était l’essence même du génie de l’Afrique. Quarante-cinq comédiens burkinabés ou issus d’Afrique, français et belges, c’eût été quelque chose… Ou la reprise de Une saison au Congo, histoire de Lumumba, par la même troupe.
Mais nous ne sommes pas la programmatrice du cycle!
L’Afrique se présente en dansant. Retenons donc venu de Port-au-Prince -Haïti donc- et Bamako, Kettly Noël et son Tichelbé. Béatrice Kombé, morte il y a dix ans, sera célébrée par Nadia Beugré et Nina Kipré, d’Abidjan, avec Sans repères, Seydou Boro et Salia Sanou de Ouagadougou, avec Figninto-L’oeil troué. Ce sera du 9 au 15 juillet, salle Benoît XII.
● L’Afrique du Sud aussi
Ensuite, toujours dans le cycle africain, un concert exceptionnel des Basongye de Kinshasa avec Basokin. Mais un soir seulement, cour du collège Vernet, le 16 juillet.
D’Afrique du Sud, on verra The last king of Kakfontein, de Boyzie Cerwana, un chorégraphe très connu à travers le monde. Le festival le classe dans la catégorie «indiscipline», ce qui veut dire que les frontières sont poreuses entre danse, théâtre, performance. À la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, du 17 au 23 juillet.
Danse toujours, au Cloître des Célestins, avec Sergé Aimé Coulibaly, qui se partage entre Bobo-Dioulasso et Bruxelles. Lui aussi, très connu en Europe et dans le monde, il propose Kalakuta Republik, du 19 au 25 juillet, au Cloître des Célestins.
La belle Rokia Traoré, représentant Bamako, mais elle aussi vedette internationale, sera du 21 au 24 juillet dans la cour du musée Calvet avec Dream Mandé-Djata qui mêlera musique et récit. Bref, pas un seul écrivain ou auteur/comédien africain dans cette ligne qui devait nous proposer des découvertes et de la belle langue…
● Monsieur Py dans ses œuvres
Avez-vous lu Les Parisiens copieux ouvrage publié par Actes-Sud l’été dernier et qui a suscité, lors de la rentrée littéraire de septembre 2016, quelques papiers navrés des critiques littéraires de la place de Paris. Qu’à cela ne tienne. Olivier Py se moque bien des critiques et persévère. Il a adapté son pavé déjà fort dialogué, théâtral, et en fait un spectacle qui, selon ses actuelles estimations, ne devrait durer que quatre à cinq heures et se donnera à La Fabrica du 8 au 15 juillet.
Notre ami Jérôme Garcin, de L’Obs et du Masque et la Plume s’est trompé en écrivant: «Au Festival d’Avignon, qu’il dirige depuis trois ans, même dans le «off», même sous la contrainte et même si la compagnie théâtrale était en redressement judiciaire, on ne voudrait pas d’un texte pareil.» Et bien, il se le programme lui-même!
Jérôme Garcin relevait quelques perles. «Voici en effet, parmi cent autres, quelques dialogues du livre, relevés sous abri, un jour de canicule: «C’est pour être à la hauteur de ton midi que j’ai inventé une nuit polaire», «Tu ne m’as rien appris, mais tu as rendu possible le pacte de mon âme avec l’imprescrit», «Je voudrais poémiser le présent», «Il faut être superficiel par profondeur» ou «La gloire est la clé d’un malheur sans fenêtres» (n’est-elle pas plutôt, la gloire, le toit en chaume d’un bonheur sans Velux?).»
Bref, avis aux amateurs! Hier, 22 mars, il a déclaré, dans le lieu même où il va présenter le spectacle, que son livre moquait les Parisiens, mais qu’aujourd’hui, à Paris, il trouverait tout autre chose à dire. Rendez-vous à la Fabrica, du 8 au 15 juillet.
● Christiane Taubira, guest star
En deux ans, c’est devenu une tradition du festival, un feuilleton est proposé quotidiennement et gratuitement au public. Après le narcissique Alain Badiou, relisant à sa façon La République de Platon, ce fut l’année dernière le désopilant récit de l’histoire du festival par Thomas Jolly et sa bande. On va moins rire cette année. C’est à Christiane Taubira qu’Olivier Py a confié le feuilleton. L’ancienne Garde des Sceaux, très assidue dans les salles de théâtre, va travailler avec Anne-Laure Liégeois. Elles nous le promettent: On aura tout. On aura tout vu?
● Et le théâtre?
Citons l’artiste unique qu’est le Géorgien Rezo Gabriadzé, maître des marionnettes, qui sera à la Maison Jean-Vilar du 11 au 17 juillet avec sa merveilleuse pièce Ramona, passion de deux locomotives…
Citons Frank Castorf et ses comédiens allemands enthousiasmants, troupe augmentée des Français Jeanne Balibar et Jean-Damien Barbin pour une création de l’an dernier, d’après Le Roman de Monsieur de Molière de Mikhaïl Boulgakov, du 8 au 13 juillet au Parc des Expositions, réflexion sur l’artiste et le pouvoir.
Soulignons la double présence de Guy Cassiers avec Le Sec et l’Humide de Jonathan Littell, du 9 au 12 juillet à Vedène, et avec une adaptation des Suppliantes d’Elfriede Jelinek par Cassiers et Maud Le Pladec, du 8 au 14 juillet, au Parc des expositions.
● Pas de festival signé Py sans spectacle-fleuve!
Cette année vous aurez droit à huit fois deux heures de spectacles à consommer en deux jours -et on peut acheter un billet seulement pour une journée!- C’est l’Italien Antonio Latella qui a entrepris de faire réécrire les classiques grecs par huit auteurs. Santa Estasi-Atridi: otto ritratti di famiglia soit, en français, Sainte Extase- Les Atrides: hui portraits de famille. À voir au Gymnase du Lycée Mistral, soit en comité de jauge moyenne, du 19 au 26 juillet.
● Combien d’heures de surtitrages à lire et à mal voir les spectacles?
On n’aura pas la cruauté de compter. Mais les surtitrages, aussi bien faits soient-ils -bonnes traductions, concision, bien contrastés (en lumière par rapport aux plateaux)- coupent le spectateur du spectacle lui-même, détournent du jeu des acteurs et des décisions du metteur en scène.
● Quelques grandes soirées
Lemi Ponifasio revient avec Standind in time, classé «indiscipline». Ce grand artiste des Iles Samoa et d’Auckland, Nouvelle-Zélande, dirige des femmes maories pour une soirée qui devrait être aussi puissante que son extraordinaire I am présenté en 2014 dans la cour d’Honneur, pièce inspirée de la guerre de 14. Cour du lycée Saint-Joseph, du 7 au 10 juillet.
Israel Galvàn le solaire sévillan occupe la cour d’Honneur avec une Fiesta tout en flamenco qui devrait réconcilier tous les publics. Du 16 au 23 juillet.