Prix Nobel de la littérature, musicien aux 125 millions d’albums vendus, Bob Dylan n’a plus rien à prouver. Si l’artiste de 75 ans n’a pas publié de morceaux de sa composition depuis Tempest en 2012, il poursuit sa route. Le 30 mars sortira son triple album intitulé Triplicate. Trente chansons où l’auteur-compositeur originaire du Minnesota revisite des «standards» de la musique américaine. Dans une interview accordée au journaliste Bill Flanagan pour le site bobdylan.com, la légende dévoile comment ce courant musical et son époque l’ont marqué.
Dans ce long entretien, Bob Dylan traverse les époques, raconte quelques bribes de son passé, et révèle surtout sa sensibilité pour le genre qu’il aborde dans Triplicate. «Ces morceaux sont parmi ceux des plus poignants jamais sortis et je voulais leur rendre justice. Aujourd’hui que je les ai vécus et revécus, je les comprends mieux.» On retrouve des reprises d’artistes tels que Frank Sinatra, Chet Baker ou encore Harold Hupfield dans Triplicate.
Des morceaux que Bob Dylan n’aurait pas pu composer, pas par manque de talent mais par pudeur. «Je n’aurais jamais pu écrire Where is The One – une chanson d’amour – mais c’est comme si elle avait été faite pour moi. […] Il faut se mettre à nu, et même après l’avoir fait il faut se demander quel est le but. Quelqu’un d’autre se devait d’écrire ces morceaux pour moi. […] Ces morceaux sont froids et clairvoyants, il y a beaucoup de réalisme en eux et une foi dans la vie ordinaire comme dans les débuts du rock’n’roll.»
Ceux qui ne connaissent pas cette facette de Bob Dylan y découvrent un personnage très attaché aux années 1950. Il raconte sa ferveur à regarder la série I Love Lucy, une sitcom avec une héroïne féministe qui a révolutionné le genre, et qu’il regarde continuellement sur la route.
Un album de puriste
Bob Dylan ne s’est pas facilité la tâche pour produire son album. Alors qu’aujourd’hui le numérique simplifie les techniques de production, l’artiste a préféré la bonne vieille méthode selon laquelle tous les musiciens enregistrent ensemble, dans la même pièce… Quand Bill Flanagan lui demande s’il a eu du mal à enregistrer sa voix au-dessus des cuivres, Dylan lui répond «No Challenge» et avoue que pour jouer un morceau au rythme particulièrement ardu, «seulement une minute» lui a suffi à le maîtriser.
L’auteur de Like a Rolling Stone n’en n’est pas à son coup d’essai pour les reprises de standards. Ses deux albums précédents, Fallen Angels et Shadows in The Night, en étaient déjà constitués. Mais cette fois pour Triplicate, il a souhaité créer une véritable atmosphère, un récit qui s’écoute dans un certain ordre. «Les thèmes étaient décidés à l’avance pour avoir une logique théâtrale. Chaque disque est une introduction au suivant», explique Bob Dylan. Triplicate s’annonce comme un album érudit où l’artiste chante d’un timbre limpide, bien loin de sa voix nasillarde, pour faire honneur au style des années 1950.