Un calibre de la chanson française a encensé le jazz davantage que tous ses pairs. Il s’agit de Michel Jonasz. Le compositeur de Joueur de Blues (et autres bijoux), liste, dans la chanson Boîte de Jazz, son penchant avéré pour «Duke Ellington, Oscar Peterson, Lionel Hampton, Scott Hamilton». On écoutera Jonasz avec plaisir à Saint-Clément-des-Baleines (Charente-Maritime, île de Ré), le 18 août sur la scène du Phare. Son show au Casino de Paris, il y a quatre ans, avec deux danseurs noirs, m’avait enthousiasmé (première partie la vocaliste Elisabeth Caumont, sensationnelle). Le natif de Drancy offre un duo complice avec le pianiste Jean-Yves d’Angelo, une légende (il a accompagné Bill Deraime, Maxime Le Forestier, Charles Aznavour, Goldman, Johnny, Eddy, j’en passe). D’Angelo ne sera pas la seule figure du piano à passer sur la scène du Phare. Le pianiste Monty Alexander, né en Jamaïque, fit les beaux jours du jazz des seventies sur le label Pablo. Le surdoué est revenu au reggae. Qu’importe! Monty, la crème des gars, éblouit dans n’importe quel style. La pianiste Éliane Elias, né à São Paulo, émigra sur la côte Est des USA, brilla dans un registre jazz-rock, fusion, moderniste (le groupe Steps Ahead), avant de s’investir dans les formes sophistiquées d’Herbie Hancock, Peter Erskine, Eddy Gomez, Jack DeJohnette. Elle retrouve aujourd’hui un répertoire d’inspiration brésilienne. A côté de la diva, Marc Johnson, dernier contrebassiste du pianiste Bill Evans. Sous le phare des Baleines, Molly Johnson chantera Billie Holiday.
La pluralité des scènes (neuf en tout) alimente le charme du festival, transforme l’événement Jazz au Phare en lieu de vie. Le village menant au site ressemble à une avenue de New-York dans les années cinquante, où, tous les dix mètres, un club proposait trois pointures. Le vacancier se retrouve à table, décortiquant les moules, face à du jazz de haut niveau. En effet, le directeur artistique du festival, Jean-Michel Proust, ancien programmateur du Duc des Lombards (notamment), concocte chaque année une affiche exigeante. Ainsi pourra-t-on écouter la musique du regretté Gerry Mulligan par le quartet du trompettiste Fabien Mary et du saxophoniste Xavier Richardeau Chez Marie, au Théâtre de Verdure, au Café du Phare. Je suis fan de Fabien Mary. L’artiste se produit entre la France et les États-Unis. Développe un jazz d’inspiration hard-bop, percutant, mélodieux, brillantissime, élaboré. On croisera plusieurs cadors du piano (Pierre Christophe, Ahmet Gulbaï, etc.) au Gré du Vent, aux Baleineaux, à La Maline, au Top of the Green. Enfin, Proust a tenu à mettre en valeur l’aspect transmission du jazz. Il a prévu une scène Enfants. Le sens de la comédie, les accessoires détournés et le méli-mélo de genres musicaux du clown Donin teinteront de la couleur du jazz tous les vents de l’enfance .
Bruno Pfeiffer
Jazz au Phare, 6e édition, 14 au 19 août 2015