Entre impopularité du pouvoir socialiste et rejet de l’ensemble des gouvernants

Les lendemains d’élections suscitent généralement un élan de confiance et de sympathie à l’égard des nouveaux gouvernants qui leur donne une légitimité pour agir. La science politique baptise ce moment exceptionnel, pendant lequel tout semble possible, « l’état de grâce ». François Hollande qui est arrivé au pouvoir à l’issue de l’élection du printemps 2012 n’a pas échappé à cette règle. Mais son crédit s’est dissipé particulièrement vite, dès l’automne 2012, et rien n’a pu enrayer cette dynamique dans la durée. L’impopularité de François Hollande a été massive et a touché tous les électeurs. Parmi les électeurs de la gauche, la déception est d’abord venue des choix politiques effectués. L’enterrement de la promesse du droit de vote des étrangers, les reculs sur les contrôles au faciès ou encore plus tard les polémiques autour de la déchéance de nationalité pour les terroristes ont été très mal perçus par la « gauche culturelle » (ou la gauche morale). Le pacte de responsabilité, la loi Macron et la loi travail ont crispé la gauche sociale, celle qui attendait beaucoup du discours du Bourget. Au final, le mariage pour tous reste l’une des rares mesures dont les électeurs de la gauche en 2012 créditent le quinquennat qui s’achève. Au sein de l’électorat du centre, l’impopularité de François Hollande atteint évidemment un niveau plus élevé. Certes, une partie des mesures économiques mises en œuvre visait explicitement à satisfaire cet électorat, mais le « ras-le-bol fiscal » et l’incapacité du pouvoir socialiste à redresser les comptes publics ont finalement provoqué le rejet.Au sein de l’électorat de droite, la situation est plus simple : François Hollande n’a jamais bénéficié de l’état de grâce. Dès l’été 2012, il était fortement impopulaire dans cet électorat car perçu comme illégitime1 . À cette époque, les électeurs de Marine Le Pen étaient d’ailleurs plus favorables au nouveau président que les électeurs de Nicolas Sarkozy. La suite du quinquennat n’a rien changé à cette donne, la majorité des électeurs et des responsables politiques de droite estimant François Hollande indigne de la fonction. Cependant, l’impopularité de François Hollande ne résulte pas seulement de « l’usure du pouvoir » et de la déception engendrée par les politiques menées. Le rejet touche aussi les autres formations politiques. Jusque-là, quand un parti était au pouvoir, il suscitait de moins en moins de confiance au fur et à mesure de son mandat, tandis que la popularité du principal parti d’opposition remontait. Depuis 2012, le grand parti de la droite classique (l’UMP puis Les Républicains) est autant rejeté que le Parti socialiste. Au mois de décembre 2016, selon le baromètre Sofres, le Parti socialiste recueillait 27 % d’opinions favorables ; Les Républicains 31% En décembre 2012, le Parti socialiste était à 43 % d’opinions favorables, l’UMP à 27 %. Cette crise de confiance va au-delà de nos deux grands partis de gouvernement et n’épargne pas les autres : en décembre 2016, le Front national recueillait 20 % d’opinions favorables, le Parti de gauche 25 %, le MoDem 27 % et les Verts 36 %. Ce rejet de toutes les alternatives politiques peut évidemment s’expliquer par les difficultés que connaît la France sur le front du chômage depuis les chocs pétroliers des années 1970, difficultés qui ont encore été renforcées par la « grande récession » de 2008. Cependant, il peut aussi se comprendre comme le produit de l’absence d’alternatives économiques alors que l’emploi se précarise, que le pouvoir d’achat stagne et que les inégalités sociales se creusent. Les marges de manœuvre des dirigeants nationaux semblent se rétrécir au profit des intérêts des grandes multinationales ou des options portées par les institutions supranationales comme l’Union européenne. Pourtant, les citoyens exigent toujours des choix forts et de l’ambition, en France comme ailleurs. Dans toutes les démocraties occidentales, ce décalage entre les demandes des électeurs et les marges de manœuvre des gouvernants alimente la contestation des élites en place. Il explique en partie les surprises électorales récentes, du Brexit en Grande-Bretagne à l’élection de Donald Trump aux États-Unis.

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