En ce début des années 1970, Delphine (Izïa Higelin) donne la main à ses parents, exploitants agricoles dans le Limousin. Depuis l’enfance, un garçon lui est promis (Kévin Azaïs, révélé par « Les Combattants »), qui attend timidement qu’elle se décide. Mais Delphine est amoureuse. Amoureuse d’une autre fille, ce qu’en ce temps-là, dans la France profonde, il convient de cacher et de taire (même si le film montre aussi, avec toute la discrétion souhaitée, qu’il arrivait qu’à Paris on envoie les homos en hôpital psychiatrique).
Cet amour impossible prend fin bientôt. Delphine part alors pour Paris, où elle découvre que des femmes, qui a priori lui ressemblent peu, luttent pour faire valoir leurs droits, s’époumonent dans les amphis, courent à perdre haleine dans les rues, ridiculisent les comportements machistes.
Au premier rang de celles-ci, la blonde Carole (Cécile de France), prof d’espagnol, dont la beauté autant que la liberté affichée subjuguent Delphine. Carole vit avec un homme, elle repousse les premières avances de Delphine, et puis…
(Pyramide Films)
Dans les sous-bois et les chemins creux
C’est une histoire d’amour au féminin. Une histoire d’amour qui, de Paris, se déplace dans le Limousin, lorsque Delphine se voit contrainte de revenir à la ferme, après qu’un accident vasculaire eut réduit son père à l’immobilité et au silence. Les deux amoureuses s’aiment dans les sous-bois et les chemins creux. Quand la ferme s’endort, Carole se glisse dans le lit de Delphine, qui se lève à l’aube et ose à peine sourire lorsque Carole, chevelure au vent et seins à l’air, entreprend de courser les vaches.
Pour entretenir le feu que le film a allumé, il fallait qu’entre les deux personnages et les deux actrices, si dissemblables de physique et d’esprit, l’alchimie opère : Cécile de France et Izïa Higelin sont magnifiques l’une et l’autre, sous le regard épuisé de Noémie Lvovsky, la mère de Delphine, qui refuse d’apercevoir une réalité qu’elle n’est pas en mesure d’admettre. Il fallait aussi, peut-être et surtout, une sûreté de mise en scène et un doigté exceptionnels : la maîtrise dont fait montre Catherine Corsini n’est jamais affichée, à l’image des sentiments qui unissent les personnages.
La cinéaste ne recule devant rien, il lui arrive même de se porter au-devant des difficultés : on le sait, au cinéma (comme dans la vie…), ce sont les gares qui, souvent, accueillent les scènes les plus déchirantes ; celle qu’a imaginée et dessinée Catherine Corsini est une des plus belles qui soient. A montrer dans les écoles de cinéma.
Pascal Mérigeau
♦ A voir : « La Belle Saison », par Catherine Corsini, comédie dramatique française, avec Cécile de France, Izïa Higelin, Noémie Lvovsky, Kévin Azaïs (1h45).