Harry Potter : Daniel Radcliffe était terrorisé par Alan Rickman

«La première fois que j’ai rencontré Alan sur le tournage de Harry Potter(…) j’ai eu très peur. Il m’a paru vraiment très intimidant», raconte Daniel Radcliffe. Actuellement en promotion aux côtés de Mark Ruffalo et Jesse Eisenberg pour son rôle de jeune prodige dans Insaisissables 2, l’acteur s’est rappelé sa première rencontre avec le regretté Alan Rickman, disparu le 14 janvier dernier. Un premier contact quelque peu «effrayant»…

Le sorcier le plus célèbre de tous les temps n’a peur de personne. Pas même de «Celui dont on ne doit pas prononcer le nom». Ou presque… Au micro de Yahoo Movies, Daniel Radcliffe a avoué avoir longtemps eu peur de Severus Rogue. «Il m’effrayait beaucoup quand j’étais enfant», a confié l’acteur de 26 ans.

Plein d’autodérision

Très impressionné par l’inquiétant professeur de potions (qui n’a jamais manqué une occasion de le sermonner dans la saga), le comédien se souvient surtout des intonations glaçantes d’Alan Rickman. «Il avait une grosse voix, vraiment très intimidante», se rappelle le héros de J.K. Rowling.

Un malaise heureusement très vite corrigé avec l’âge puisque comme l’explique l’acteur: «Alan Rickman n’était pas effrayant dans la réalité. C’était quelqu’un de vraiment très drôle, plein d’autodérision, fragile, et fort de qualités insoupçonnées.»

Trois mois après la disparition d’Alan Rickman, Daniel Radcliffe est toujours aussi ému lorsqu’il est question de parler de celui qui lui a tout appris du métier. Lors de la première de son film Swiss Army Man en janvier dernier, il n’avait d’ailleurs pas manqué de rappeler combien son mentor, Alan Rickman était un homme incroyable. «Il était une véritable source d’inspiration pour les jeunes acteurs (…) Il était très à l’écoute et vraiment bon conseiller (…) Il était vraiment extraordinaire.»

« Les Ardennes », « Fritz Bauer »… Les films à voir (ou pas) cette semaine

Le choix de « l’Obs »

♥♥♥ « Le Bois dont les rêves sont faits », par Claire Simon. Documentaire français (2h26).

On croit rêver. C’est l’été à Paris, et on fait les foins ! La faucheuse et la botteleuse, attelées à un tracteur, ­dessinent de longues lignes dorées et donnent l’illusion de la campagne dans un champ au bout duquel se dressent les tours de la capitale. On est là, et on est ailleurs. Preuve que le bois de Vincennes, étendu sur près de 1.000 hectares, est une principauté des songes et des illusions. Gilles Deleuze en fut le roi-philosophe dans l’université expérimentale d’après-68 qui fut rasée en 1980. Filmée aujourd’hui par Claire Simon, la cinéaste Emilie Deleuze cherche, entre les arbres, sous un tapis de feuilles, des preuves de cette utopie, des traces de son père qui professait qu’il ne faut pas professer et s’interdisait, sous les futaies, tout cours magistral.

Dans ce passionnant et surprenant documentaire dédié au penseur de « l’Anti-Œdipe », Claire Simon explore chaque recoin du « Bois dont les rêves sont faits » et y débusque des personnages qu’on croirait sortis des contes et légendes. Un fils de GI entretient chaque jour sa forme en soulevant des troncs ; un peintre abstrait plante son chevalet dans l’obscurité et dessine ce qu’il ne voit pas ; un anachorète, pour s’oublier, dort toute la journée dans sa cabane de fortune ; deux jeunes pêcheurs relâchent à l’aube les énormes carpes qu’ils ont attrapées ; un éleveur de centaines de pigeons connaît, par son numéro, chacun d’entre eux ; des Cambodgiens célèbrent le Nouvel An et des Guinéens, leur forêt natale ; des prostituées s’inventent des chambres enherbées et des mecs s’enfoncent dans les fourrés ; des voyeurs côtoient les dragueurs, des batraciens copulent, des cyclistes pédalent, des enfants jouent au rugby…

A mi-chemin entre « Into the Wild », « l’Inconnu du lac » et « The Revenant », le documentaire de Claire Simon s’apparente peu à peu à une fiction où la ville est à la campagne et où Deleuze semble encore vivant.

La cinéaste des « Bureaux de Dieu » et de « Gare du Nord », qui a grandi en pleine nature, a toujours aimé abolir les frontières entre la réalité et l’imaginaire. Et elle a toujours su faire témoigner des inconnus avec la même rigueur, la même exigence que si elle faisait jouer des acteurs. Cette méthode singulière, qui emprunte à la fois au roman et à l’ethnologie, trouve son accomplissement dans ce bois de Vincennes, où se mélangent les couleurs de peau, les milieux sociaux, les religions, les générations, les sexualités, les fantasmes, les douleurs et les bonheurs. Glissant sur son vélo d’une saison l’autre et à pied d’un sous-bois à une clairière, Claire Simon devient elle-même un personnage de son propre film. Elle rejoint le peuple de la forêt, la tribu des Vincennois, la horde des nouveaux sauvages. Suivez-la, vous ne le regretterez pas. Jérôme Garcin

Les autres films

♥♥♥♥ « Les Ardennes », par Robin Pront. Drame belge, avec Jeroen Perceval, Kevin Janssens, Veerle Baetens (1h33).

Bon sang, quel film ! Un polar noirissime, situé au cœur des Ardennes, où les nuits sont plus glauques, les rues plus sinistres, la boue des routes plus épaisse, la violence des sentiments plus dangereuse. Au cœur de cette zone de mort, deux frères. Après une jeunesse de délinquance, l’un décide de se ranger ; l’autre, sortant de prison, a la rage. Jetés dans un monde qu’ils ne comprennent pas, ils s’affrontent autour d’une femme. On est dans ces bas-fonds où la drogue, l’alcool et la misère se combinent. Ce premier film de Robin Pront, 29 ans, est tiré d’une pièce de Jeroen Perceval, qui tient le rôle principal. L’auteur y aborde les thèmes de la fatalité et de la loyauté, à travers des personnages ravagés, dealers étiques, travelos assassins, voyous paumés. Un mot résume ce voyage au bout de la nuit : puissance. On en sort secoué. François Forestier

♥♥ « Fritz Bauer, un héros allemand », par Lars Kraume. Drame historique allemand, avec Burghart Klaussner, Ronald Zehrfeld, Lilith Stangenberg (1h45).

Fritz Bauer, personnage oublié de l’histoire allemande, méritait d’être remis en lumière. Procureur de la RFA, il a passé toutes ses années d’après-guerre à traquer les ordures nazies. C’est grâce à ses efforts qu’Eichmann a été traduit en justice et pendu. Mort en 1968, à 64 ans, dans des circonstances louches, il a dérangé les Israéliens, qui ne voulaient plus entendre parler de l’Holocauste ; les Allemands, qui ne voulaient entendre parler de rien ; les historiens, qui désiraient travailler en paix. Le film montre Fritz Bauer dans ses activités quotidiennes. Il est rageur, antipathique, tenace. Mais l’intrigue se déplace en partie sur un personnage d’assistant gay (qui n’a pas existé), et se termine sur la chute de celui-ci, pour délit d’homosexualité : du coup, le cœur du drame se déséquilibre – sans nécessité. Sur le même sujet de la justice d’après-guerre, un film comme « le Labyrinthe du silence » (2014) avait plus de force.

« Le Labyrinthe du silence » : l’Allemagne face à son passé

Reste que la mise en lumière de ce héros allemand est bienvenue dans une Europe de nouveau hantée par ses vieux démons. F.F.

♥♥ « Desierto », par Jonás Cuarón. Thriller mexicain, avec Gael García Bernal, Jeffrey Dean Morgan, Alondra Hidalgo (1h34).

Dans le désert de Sonora, passé la frontière avec les Etats-Unis, un groupe de migrants est pris en chasse par un redneck avec un fusil à lunette. Un par un, les clandestins tombent… Jonás Cuarón (le fils d’Alfonso, le réalisateur de « Gravity ») observe quatre personnages : un homme, une femme, un tueur et le désert. Structure classique (danger, fuite, confrontation), situation connue (les assassinats d’immigrants), références habituelles (« Duel » de Spielberg, « Runaway Train » de Konchalovsky), c’est du cinéma dans le moule, bien réalisé, efficace. Il manque peut-être une once de lyrisme sur le désert, mais, pour un premier film, le drame touche juste. D’autant que le sujet des migrants, aujourd’hui, est brûlant… Dans le rôle du salaud, Jeffrey Dean Morgan (habitué de la série « Grey’s Anatomy ») est une révélation : plus haïssable, on ne fait pas. F. F.

♥♥ « Paulina », par Santiago Mitre. Drame argentin, avec Dolores Fonzi, Oscar Martinez, Esteban Lamothe (1h43).

Tout commence par un long dialogue entre la belle Paulina (Dolores Fonzi, admirable) et son père, grand magistrat, qui ne comprend pas le choix de sa fille d’abandonner une carrière d’avocate pour partir enseigner dans une campagne défavorisée. Sur place, Paulina découvre une réalité plus coriace qu’elle ne l’imaginait et une violence dont elle se retrouve la victime. Difficile d’en dire davantage sans déflorer le deuxième film du cinéaste argentin d’ »El Estudiante » et les questions ambiguës qu’il charrie sur les rapports de classe et la justice sociale. Voir Paulina sacrifier ses droits jusqu’à l’absurde pour sauver ses bourreaux fait d’elle une sainte d’un genre nouveau, sans religion autre que ses convictions politiques, mue par un rejet de ses origines bourgeoises qui frise le masochisme. Une super-héroïne du progressisme qui, à défaut d’être toujours convaincante, passionne. Nicolas Schaller

♥ « Marie et les naufragés », par Sébastien Betbeder. Comédie française, avec Pierre Rochefort, Vimala Pons, Eric Cantona, André Wilms (1h44).

Marie est fort jolie, mais elle est aussi dangereuse. Bien que mis en garde par Antoine (Eric Cantona), son ex, romancier un peu en panne, Siméon (Pierre Rochefort) se déclare séduit. Il est prêt à tout pour gagner le cœur de la belle (Vimala Pons), lui qui, depuis sa dernière rupture amoureuse, partage un appartement avec Oscar, musicien somnambule. Autour de ce quatuor, rejoint sur le tard par un sympathique fêlé joué par André Wilms, Sébastien Betbeder a bricolé un vague scénario et s’en est remis à la fantaisie et au charme de ses interprètes. Saupoudrant les scènes de traits d’humour parfois bienvenus mais jamais suffisants, nappant le tout de quelques notes de musiquette, le jeune réalisateur semble exprimer une confiance en ses propres moyens qui le conduit à se satisfaire de peu. Dans les entrelacs de l’intrigue et sous une désinvolture qui n’atteint pas l’élégance à laquelle elle prétend se lit le leitmotiv de trop de productions françaises : « Ça ira bien comme ça. » Eh bien, non, justement, ça ne va pas. Pascal Mérigeau

« Le Livre de la jungle », par Jon Favreau. Film d’aventures américain, avec Neel Sethi (1h46).

Après « Cendrillon » l’an dernier, « le Livre de la jungle », autre classique Disney, fait l’objet d’un remake en prises de vues réelles. Un réalisme à relativiser, puisque tout est aussi artificiel qu’un cartoon. Hormis le jeune acteur-sosie Neel Sethi, affublé d’une coiffure et d’un slip rouge identiques à ceux du Mowgli animé des années 1960, la moindre séquence est surchargée d’effets numériques (animaux qui parlent, forêt qui brûle, etc.). Le kitsch étouffe la truculence et la légèreté du film originel qu’il tente désespérément de reproduire. Sommet d’embarras : l’instant jazzy de la chanson de l’ours Baloo prend ici la tournure d’un fado sous Temesta. Guillaume Loison

C’est raté

« Hardcore Henry », par Ilya Naishuller. film d’action russo-américain, Avec Sharlto Copley, Danila Kozlovsky, Haley Bennett (1h34).

Entièrement tourné à la GoPro et en caméra subjective, « Hardcore Henry » adopte le point de vue (le mot est fort) d’un tueur bionique lancé dans la jungle moscovite qui, de zones industrielles en bouges à putes, décime des hordes de méchants Russes et de bimbos siliconées avec une violence qui n’a d’égale que son inconséquence. Le héros est immortel, la réserve de munitions, infinie. Ça canarde, charcle, trépane durant une heure trente. « Hardcore Henry » n’est pas un film, c’est un long-métrage de jeu vidéo. Un shoot’em up boosté à la bande-son techno-hard rock sauf qu’on a beau chercher le joy­stick, il n’y en a pas. D’où l’inintérêt total de la chose, d’une vulgarité crasse, abrutissante au possible et garantie sans cinéma. On a passé l’âge de ces conneries. N. S.

« Par amour », par Giuseppe M. Gaudino. Drame italien, avec Valeria Golino, Massimiliano Gallo, Adriano Giannini (1h49).

Si Anna, Napolitaine mère de trois enfants, n’était interprétée par Valeria Golino, on se demanderait pourquoi Michele, vedette d’une série télé de troisième zone, s’intéresse d’aussi près à elle. Il drague éhontément celle qui est chargée des cartons sur lesquels ses répliques sont inscrites. Anna, elle, ne voit pas grand-chose. Elle ignore notamment les activités de son insupportable mari, usurier dont les trafics acculent leurs voisins à la misère (ce qu’elle ne remarque pas davantage). Le monde d’Anna est en noir et blanc, sauf quand l’émotion la submerge ou quand ses souvenirs d’enfance remontent à la surface. Il y a alors des couleurs partout, et aussi des chansons qui sont épouvantables. Voilà ce que le réalisateur, venu du documentaire, a trouvé pour « faire cinéma ». Il aurait été préférable qu’il s’en passât. Le film révèle sur le tard le motif de l’intérêt manifesté par l’acteur pour Anna. Mais on n’y croit pas plus qu’à tout ce qui a précédé. C’est pour ce rôle que Valeria Golino a reçu le prix d’interprétation à la dernière Mostra, preuve qu’une actrice peut être remarquée dans un film qui ne présente rien de remarquable. P. M.

« Stairway to heaven » de Led Zeppelin : un plagiat de « Taurus » du groupe Spirit ?

Après avoir conduit Led Zeppelin au paradis des charts, « Stairway to heaven » les conduit dans le chaudron d’un tribunal. Le titre mythique du groupe britannique paru sur son quatrième album est depuis longtemps l’objet d’un soupçon de plagiat qui va être enfin examiné devant la justice le 10 mai prochain, à Los Angeles.

C’est à « Taurus », un morceau du groupe « Spirit » que le mythique « Stairway to heaven » ressemble effectivement. Du moins cette similitude est le plus sensible à l’écoute des arpèges joués à la guitare au début du morceau de Led Zep comparée au titre de Spirit.

Lorsque ce dernier s’était produit sur scène le 26 décembre 1968 (soit un an après l’enregistrement de « Taurus ») la bande constituée alors par Jimmy Page (guitare), Robert Plant (chant), John Paul Jones (basse, claviers) et John Bonham (batterie) assurait la première partie de Spirit. Or ce n’est qu’en décembre 70, janvier 71 que « Stairway to heaven » a été enregistré dans un studio londonien.

A vous de comparer les morceaux de « Led Zeppelin »….

… et de « Spirit » :

Le fondateur et guitariste de « Spirit », Randy California (Randy Wolfe de son vrai nom), avait confié ceci au magazine « Listener » :

Eh bien, si vous écoutez les deux chansons, vous pouvez faire votre propre jugement […]. Je dirais que c’était une arnaque. Ces gars ont fait des millions de dollars sur ça et n’ont jamais dit : ‘Je vous remercie, » n’ont jamais dit : ‘Peut-on vous reverser un peu d’argent ?’ […] Peut-être qu’un jour leur conscience les incitera à faire quelque chose à ce sujet. Je ne sais pas. Il y a de drôles de relations d’affaires entre les maisons de disques, les managers, les éditeurs et les artistes. Mais quand les artistes font ça à d’autres artistes, il n’y a aucune excuse. Je suis en colère ! »

Et ce jour-là, California a ri en concluant cet amer constat.

Ça ne plaisante plus, en revanche, depuis deux ans de procédure judiciaire ouverte après la plainte de Michael Skidmore, représentant du guitariste de Spirit, Randy Wolfe/California, décédé en 1997. Procédure au terme de laquelle un magistrat a considéré qu’il y avait assez de concordances entre les deux morceaux pour considérer qu’il y avait un lourd soupçon de plagiat. Le juge Gary Klausner estime en effet que si le plaignant « n’est pas pas parvenu à présenter la preuve d’une similarité frappante », il « a réussi à soulever une question digne d’être traduite en justice ».

Quant aux survivants de Led Zeppelin et à leurs avocats, ils arguent que l’auteur-compositeur « n’a effectué aucune demande de droit d’auteur, et que les progressions d’accords étaient tellement ‘cliché’ qu’elles ne méritent pas la protection du copyright. »

Un débat très complexe (comme d’habitude en de tels cas) promet d’animer la cour en mai. D’autant que d’autres auditeurs attentifs ont cru déceler également des similitudes entre « Stairway to heaven » et la chanson « Almost cut my hair » (1970) de Crosby, Stills & Nash (and Young), sur l’album ironiquement intitulé… « Déjà vu ».

Jean-Frédéric Tronche

Près de 200 écoles de Seine-Saint-Denis bloquées pour dénoncer l’absence de remplaçants

Près de 200 écoles maternelles et primaires de Seine-Saint-Denis sont bloquées ce mercredi par les parents d’élèves pour dénoncer le non-remplacement des instituteurs absents. Une «mobilisation exceptionnelle» selon les organisateurs, des associations et des collectifs de parents (dont la FCPE de Seine Saint-Denis). Si aucune donnée officielle n’est communiquée, les organisateurs estiment à 400 le nombre de classes du primaire sans enseignant chaque jour dans le département. L’année dernière «certains enfants n’ont pas eu classe pendant des semaines, certains – parfois les mêmes – ont connu une dizaine d' »enseignants » différents», peut-on lire dans leur communiqué, qui exige «un enseignant formé devant chaque classe tous les jours de l’année scolaire».

Les parents d’élèves rencontreront cet après-midi la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem pour réclamer «un plan d’urgence», passant notamment par une hausse des recrutements dans l’académie dès 2016, selon le Parisien.

Le véhicule sans chauffeur existe, il roule dans une centrale nucléaire

Combien de temps consacrez-vous à la marche à pied dans votre entreprise ? A la centrale nucléaire de Civaux, ils l’ont calculé : une heure dix-sept en moyenne par jour et par salarié. C’est précis, et c’est beaucoup. «En salaire chargé, c’est l’équivalent de près 4 millions d’euros par an», précise Christophe Sébastien, responsable développement durable sur le site. Mais ce n’est pas si surprenant. Plus d’un kilomètre sépare l’actuelle entrée nord de l’ancienne entrée sud de l’enceinte, qui elle-même s’étend sur 220 ha. Il y avait bien un service de bus, en réalité un seul bus, en activité deux heures le matin, deux heures le midi et deux heures le soir et qui réalisait une boucle de 3,2 kilomètres à l’intérieur de la centrale. «Quand il n’y avait plus de bus, on marchait», poursuit le responsable. Et quand il y en avait, ils marchaient aussi, vu la fréquence de quinze minutes entre chaque passage. Il y avait aussi des vélos électriques en libre-service. Mais trop fragiles. Ils n’ont pas supporté l’usage un peu rude des salariés, explique évasivement un responsable EDF. «Des fois, certains montaient à trois dessus», rigole un agent. La maintenance annuelle coûtait plus cher que les bicyclettes elles-mêmes, et le service a été abandonné.

Temps «métal»

Tout ça, c’est fini. Le site de Civaux vient de se doter du premier service de navettes autonomes en France, et un des premiers au monde. Six minibus sans chauffeurs de 15 places commencent à sillonner le site de 4 heures à 22 heures, longent les réacteurs, les salles des machines, les locaux techniques, les deux immenses cheminées et éparpillent les 700 salariés aux quatre coins du site —un effectif qui peut monter à 2 000 en cas de maintenance, ce qui est le cas actuellement puisqu’une des deux cheminées est à l’arrêt. La fréquence de passage est descendue à 5 mn en heures creuses, 3mn30 en heures de pointes.

Au vu de la taille du site, cette question du transport est cruciale. D’autant que, comme l’explique un responsable, sur un site nucléaire, le temps «métal» —celui qui est réellement dévolu aux tâches professionnelles— est également grignoté par toutes les procédures de contrôle le matin à l’embauche. Et Christophe Sébastien ne voulait plus de bus thermique et de ses 18 000 litres de gasoil brûlés tous les ans. «J’avais tout regardé, les tramways, le filoguidé, un système à caténaire, mais c’était beaucoup trop cher, explique-t-il. Et puis, il y a deux ans, lors d’une présentation, je suis tombé sur cette navette autonome.» Un véhicule électrique muni de multiples capteurs et d’un GPS précis au centimètre près qui roule sans conducteur selon un parcours prédéfini, s’arrête quand surgit un obstacle —un piéton, au hasard— et le contourne. Une solution attrayante car elle ne réclame aucune modification de l’infrastructure routière.

Arma —le nom de cette navette— est la création de Navya, jeune entreprise d’une cinquantaine de salariés, basée de Villeurbanne et principal pionnier sur ce secteur. «J’ai lancé un appel à concurrence, les autres ne pouvaient pas s’aligner», lance, laudateur, Christophe Sébastien qui a piloté le projet pour EDF. Une expérimentation en condition réelle essentielle pour l’entreprise car elle pourrait très vite déclencher de nouveaux contrats. Arma est actuellement en test dans la ville suisse de Sion et devrait d’ici quelques semaines, si les obstacles législatifs sont levés, relier la gare au centre-ville. Une étape supplémentaire cruciale, puisqu’il s’agira d’un service exploité sur voie publique, contrairement à l’enceinte privée de Civaux qui n’est pas soumis aux textes réglementant la circulation routière. La ville de Perth, en Australie, devrait aussi faire rouler fin juin une Arma sur la voirie. «On a d’autres clients», assure le président de Navya, Christophe Sapet, qui reste discret. Tout en énumérant les multiples débouchés : aéroports, campus universitaires, ports, hôpitaux et tous les grands sites industriels qui s’étendent sur des kilomètres. Lui voit des navettes autonomes partout.

«Premières fois»

Il n’est pas le seul. Transdev était également présent ce mardi sur le site pour l’inauguration officielle. En partenariat avec Navya, l’opérateur gère le service de navettes sur Civaux. Yann Leriche, un de ses responsables, a parlé de «révolution». Pour lui, comme pour de nombreux observateurs du secteur, cette innovation pourrait être ce fameux chaînon manquant dit du «dernier kilomètre», cette courte distance qui sépare notre habitation d’un service de transport en commun et qui, faute de solution, nous incite à prendre la voiture. En zones peu denses, où il n’y aura jamais de bus, de tram ou même d’un service de bus à fréquence élevée, la navette est une solution, assure Yann Leriche. A condition de lever quelques interrogations. La vitesse maximale d’Arma est de 45 km/h, mais elle plafonne actuellement à 18 km/h, par précaution. «Comment améliorer la vitesse commerciale sans transiger sur la sécurité, c’est la question que l’on se pose», explique le responsable de Transdev. Pour les mêmes raisons de prudence, le véhicule s’arrête souvent, ralentissant le service. 

Chez Navya, on admet avoir encore à apprendre, à expérimenter. «Tout ce qu’on fait en ce moment, c’est des premières fois», explique Henri Coron, directeur du business développement au sein de la PME. «Mais en septembre, on aura un million de kilomètres parcourus au compteur.» Et autant de mégaoctets de données à analyser.

Richard Poirot

Les identitaires sont-ils vraiment républicains ?

La République, c’est une certaine idée de l’universel, de la tolérance, de l’ouverture. L’identité, c’est souvent le repli sur soi, la crispation sur une représentation figée de soi-même et de son histoire. De plus en plus d’intellectuels et d’hommes politiques cherchent pourtant aujourd’hui à cadenasser la première avec la seconde. Dans la «République identitaire» (préfacé par Michel Wieviorka), Beligh Nabli, directeur de recherche à l’IRIS et enseignant à Sciences-po en droit public, analyse ce qui lui semble une dérive dangereuse.

BibliObs. Les gens qui défendent la République pensent qu’elle est faite pour émanciper. Vous écrivez: «La société française est plus multiculturelle que jamais mais demeure enserrée dans un ordre républicain qui se veut unitaire.» Pour vous, elle est donc un corset?

Beligh Nabli. Vivre ensemble suppose des règles, des valeurs et des normes communes: c’est la raison d’être de la Loi de la République, «expression de la volonté générale», celle du «peuple un et souverain». Si l’allégeance à une quelconque communauté infra ou transnationale est impensable, le problème réside dans le fait que les responsables politiques agitent l’épouvantail communautariste tout en nouant des relations étroites avec des représentants de communautés présumées. Pire, certains s’adonnent à des formes de pratiques clientélistes/communautaristes, tout en tenant un discours national-républicain. Le rapport du FN aux harkis est un exemple caractéristique, mais loin d’être isolé.

Je crois aussi dans l’idéal républicain comme projet d’émancipation des individus (porté en particulier par l’école), mais cette promesse républicaine n’est pas tenue pour un trop grand nombre de nos concitoyens… Du reste, la mobilisation qui anime actuellement la Place de la République ouvre la voie à un possible et authentique «Printemps républicain», progressiste et social, rien à voir avec l’appel éponyme d’essence laïco-identitaire lancé par «Marianne», «Causeur» et consorts. Ces derniers sont tenants d’un identitarisme plus réactionnaire que progressiste, dévoyant le principe de laïcité de la loi de 1905 puisque leur objectif consiste à étendre la neutralisation religieuse à l’espace public.

Cette rigidité contraste avec l’assouplissement et l’ouverture de notre propre ordre juridique qui consacre à la fois l’unité de la République et des différenciations assimilables à de réelles discriminations positives (justifiées par des situations particulières ou la satisfaction de l’intérêt général), mais reconnaît aussi l’existence d’un droit local d’Alsace-Moselle (dérogatoire en matière de laïcité), d’une citoyenneté européenne, de «langues régionales», de «populations d’outre-mer», de «Lois du pays» de Polynésie, et même d’une «citoyenneté de Nouvelle-Calédonie»…

Qu’êtes-vous en train de nous dire ? Qu’il faut continuer sur ce chemin et reconnaître une citoyenneté à géométrie variable au sein du peuple français ?

Certainement pas. L’enjeu réside au contraire dans l’adoption d’une position pragmatique qui consiste à ne pas nier le pluralisme identitaire de notre société tout en réussissant à définir une «identité Une», c’est-à-dire commune, inclusive et supérieure.

Aujourd’hui, la définition de cette identité Une (et non unique) par le discours politico-médiatique dominant se résume le plus souvent à l’identité majoritaire sans réussir à inclure les identités minoritaires. Est-ce qu’être français, ça doit forcément être lié au fait d’avoir des origines blanches, rurales, et catholiques? Pourquoi tout rapporter à la question des origines et des racines, alors que la tradition républicaine française fait reposer la citoyenneté sur la volonté ? La République est un volontarisme, non un essentialisme ou un culturalisme.

“Le socle idéologique du FN vient de la guerre d’Algérie”

Dans votre livre, vous restez très général. Vous êtes virulent à l’égard de cette «république identitaire», que vous dénoncez, mais vous ne dites jamais explicitement qui la promeut. Pourquoi cette prudence?

Ma posture n’est pas celle de la mise en accusation, mais j’identifie bel et bien deux types d’acteurs particuliers de cette République identitaire.

La République identitaire se caractérise par la montée d’un anti-intellectualisme – synonyme notamment d’un rejet des sciences sociales – alors que le système médiatique a consacré des figures journalistiques et «intellectuelles» identitaristes engagées dans une bataille culturelle décomplexée, de l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus (et son «Grand Remplacement») au politologue de gauche Laurent Bouvet (et son «insécurité culturelle»), en passant par l’académicien symbolique de ce mouvement: Alain Finkielkraut.

Cette vision de la France et du monde (qui joue d’ailleurs le jeu des «terroristes-ennemis de la République») a largement investi le champ politique. La polarisation de l’ordre politique et social autour des questions identitaires en général et de la question de l’identité nationale en particulier traverse l’ensemble de l’échiquier politique et participe au brouillage idéologique actuel qui remet en cause les clivages traditionnels entre extrême droite, droite et gauche. Ainsi, des membres du gouvernement actuel (MM. Valls et Cazeneuve) n’ont pas hésité à souligner «les racines chrétiennes de la France», s’alignant ainsi sur un discours identitaire dont l’origine remonte à l’extrême-droite.

Vous écrivez «l’identité expliquerait tout, y compris le vote ou le passage à l’acte terroriste». Cela signifie que selon vous, à l’inverse, on ne peut faire aucun lien entre l’identité et le comportement dans les urnes ou le terrorisme?

Qu’un lien présumé ou réel existe, c’est une chose ; qu’on l’érige en critère décisif est plus gênant, voire dangereux. Vouloir expliquer des phénomènes sociaux, politiques ou criminels à travers le prisme des «origines» témoigne d’une dérive culturaliste, voire essentialiste. Cette paresse intellectuelle se vérifie dans la tentative d’explication du «basculement djihadiste» de jeunes Français, qui ignore par trop le terreau social, le sentiment de vide (spirituel et politique), voire la volonté de rédemption qui les précipite dans cette forme de nihilisme radical et criminel. Il suffit ici de rappeler que les attentats de Paris et de Bruxelles ont été commis, non pas par des théologiens ou mêmes d’anciens fervents pratiquants, mais surtout par d’ex-délinquants qui ont grandi dans des familles déstructurées et des territoires défavorisés. L’exclusion favorise la radicalisation…

A propos d’Islam, vous dénoncez la «présomption d’anti-républicanisme qui pèse sur les musulmans». Tout le monde sera d’accord là-dessus : il ne faut pas laisser le soupçon s’instiller contre tout un groupe, il faut lutter contre les amalgames, etc. Mais, du même coup, vous ne parlez pas du fait inverse, tout aussi vrai : il existe également des Français aujourd’hui, qui luttent contre la République au nom de l’Islam…

Permettez-moi d’abord de noter que l’unanimisme autour de la «République» a quelque chose de factice: non seulement cette idée demeure largement indéterminée, mais il est permis de s’interroger sur l’éthique de conviction de certains républicains autoproclamés. Sans revenir sur la stratégie de la «banalisation-républicanisation» du FN ou la mue de l’UMP en «Les Républicains», le déficit d’exemplarité de nos représentants sape la crédibilité du discours républicain. Et l’affaire Cahuzac laisse penser que la gauche est loin du dévouement à la chose publique et du respect de la «vertu civique» inhérente à la morale républicaine…

Quant à votre question, il est indéniable que, chez les djihadistes, il y a une volonté de cibler en particulier la République française, perçue à la fois comme porteuse d’une laïcité oppressante (par exemple à travers les lois d’interdiction du voile à l’école et du niqab dans l’espace public) et comme une puissance interventionniste dans le monde musulman. Ce discours vengeur et victimaire tente de mobiliser les musulmans à travers une vision instrumentale de l’Islam érigée en idéologie totalitaire au service d’une «volonté de puissance» incarnée par le projet de Califat. Il n’empêche, de fait, les musulmans sont les premières victimes, au sens symbolique et réel du terme, de cette entreprise politico-criminelle.

Djihadisme : Olivier Roy répond à Gilles Kepel

Vous évoquez la dérive djihadiste comme un phénomène qui «demeure marginal». Certes, mais il ne semble pas du tout en déclin. Que faut-il faire pour lutter contre cette dérive ?

L’objet de cet essai est l’emprise de la question identitaire – y compris à travers le débat sur la laïcité – sur l’ordre politique et social, c’est pourquoi le phénomène djihadiste n’est qu’une illustration de cette polarisation.

Le djihadisme est un radicalisme, dont les racines puisent notamment dans nos propres failles, dans la crise systémique que subit la République elle-même. Déconstruire les fantasmes et l’attractivité du discours djihadiste suppose aussi de nous reconstruire. Notre société est traversée par un vide idéologique et spirituel prolongé par le creusement des inégalités sociales et territoriales. Elles forment autant de terreaux fertiles à la radicalisation djihadiste de notre jeunesse.

Dans votre conclusion vous expliquez la difficulté aujourd’hui, à trouver un «nous» qui rassemble. Ce serait quoi un «nous les Français», idéal?

Il y a un «fait multiculturel» – à ne pas confondre avec la «doctrine multiculturaliste» – qu’on ne saurait nier. Sa reconnaissance doit s’accompagner de l’affirmation de valeurs supérieures car communes. L’adhésion à ce socle commun suppose de restaurer la cohésion sociale et (donc) de replacer la question de l’égalité au cœur de notre projet de société. La lutte contre les inégalités sociales et les discriminations ne s’affiche plus sur l’agenda politique officiel.

Peut-on offrir l’austérité budgétaire et la flexi-sécurité comme seul horizon à une jeunesse plongée dans le marché global ? Il faut également dépasser la logique mémorielle et commémorative pour inscrire la République dans une logique dynamique de revitalisation de sa matrice progressiste, celle-là même qui est inscrite dans notre devise: liberté, égalité, fraternité.

Or ce triptyque est actuellement fragilisé: notre société vit avec le spectre d’une dérive liberticide; l’action publique en faveur de la lutte contre les inégalités et les discriminations est soit neutralisée, soit inefficace – alors que ces inégalités ne cessent de croître; enfin, la fraternité demeure l’impensé de notre devise, alors même que la solidarité pourrait être un rempart contrel’individualisme consumériste, et devenir le ciment de ce Nous.

Propos recueillis par François Reynaert

La République identitaire – ordre et désordre français,

par Beligh Nabli, Editions du Cerf, 174 p., 19 euros.

« Depuis 50 ans, on nous emmerde avec l’identité »

Le tableau retrouvé dans un grenier de Toulouse est-il un vrai Caravage ?

Le regard direct et la main assurée, une jeune veuve tranche la tête d’un général assyrien dont le visage se fige dans un rictus de douleur. Tel est le sujet de « Judith et Holopherne », oeuvre présumée de Michelangelo Merisi dit « Le Caravage », l’un des maîtres italiens du début du XVIIe siècle.

La toile a été dévoilée au public mardi 12 avril chez l’expert Eric Turquin dans le 2e arrondissement de Paris. Plusieurs indices conduisent à penser qu’il s’agit d’un authentique Caravage. D’après le cabinet d’expertise, on peut déceler la main du maître dans ce tableau, « probablement exécuté à Rome entre 1604 et 1605 ».

« Ce n’est pas une copie. Ce #Caravage peint à la serpe, sans corrections. Il est authentique » (Eric Turquin, expert) pic.twitter.com/sVbSNYDRIg

— Jean-François Guyot (@JFGuyot) 12 avril 2016

« La technique d’élaboration est violente, le coup de pinceau brutal, et ensuite, lors du peaufinage, les parties saillantes ne sont pas corrigées. Ainsi les reflets sur les ongles ou dans les yeux. Ou encore le trait vermillon de la soie noire […]. Ceci est caractéristique de la manière du maître », détaille Eric Turquin au « Figaro ».

Le Caravage a peint un premier « Judith et Holopherne », aujourd’hui exposé à la Galeria nazionale antica de Rome.

Judith décapitant Holopherne, de Caravage, vers 1598

Judith décapitant Holopherne, de Caravage, à la Galerie nationale d’art ancien, à Rome.

Plusieurs lettres attestent de l’existence d’une seconde version de la scène biblique peinte par le maître italien. Celle-ci a d’ailleurs fait l’objet d’une copie par le peintre flamand Louis Finson, contemporain du maître du clair-obscur.

Le tableau représentant Judith et Holopherne avait disparu pendant 400 ans. Le testament du peintre Finson en 1617 le mentionnait #Caravage

— Emmanuelle Jardonnet (@Emma_Jardonnet) 12 avril 2016

Le tableau aurait appartenu au XIXe siècle à un général napoléonien puis serait resté à l’abandon pendant plus de 150 ans. La toile a été découverte par hasard en avril 2014 dans le grenier d’une maison de la région toulousaine alors que ses propriétaires cherchaient l’origine d’une fuite d’eau.

Une controverse artistique

Le débat met le monde de l’histoire de l’art en émoi. Ainsi, la spécialiste italienne du Caravage, Mina Gregori, confie au « Quotidien de l’Art » qu’il ne s’agit pas d’un original du maître lombard mais que l’oeuvre « présente une qualité indéniable ».

« Aucun tableau du #Caravage retrouvé n’a jamais donné lieu à un consensus total, il y a toujours des controverses » Eric Turquin

— Emmanuelle Jardonnet (@Emma_Jardonnet) 12 avril 2016

Sur recommandation du musée du Louvre, « Judith et Holopherne » a été classé le 25 mars 2016 « Trésor national » par la ministre de la Culture, Audrey Azoulay. En conséquence, l’oeuvre est interdite d’exportation pendant 30 mois, période pendant laquelle un propriétaire français pourrait se porter acquéreur. La toile est estimée à 120 millions d’euros.

S’il est établi que le tableau a été peint par Le Caravage, il s’agira, selon l’expert parisien Eric Turquin, de « la toile la plus importante, et de loin, révélée ces 20 dernières années, d’un des génies de la peinture universelle. »

M. H.

Envol annoncé du fichier des passagers aériens

Le Passenger name record (PNR) est devenu le mantra de la lutte antiterroriste. Au lendemain des attentats de Paris, le 13 novembre, puis de ceux de Bruxelles, le 22 mars, Manuel Valls a tapé du point sur la table en enjoignant au Parlement européen de voter séance tenante la création de ce fichier qu’il bloque depuis 2007 et qui est destiné à recueillir les données personnelles de tous les passagers aériens, qu’il voyage de, vers ou à l’intérieur de l’Union. Le Premier ministre français peut être content : après en avoir débattu cet après-midi, les députés européens devraient voter mercredi, à une large majorité, la directive «relative à l’utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière», de son petit nom.

En réalité, il s’agit de créer, non pas un superfichier européen, l’équivalent du Système d’information Schengen (SIS), mais d’autoriser et d’harmoniser la création de 28 fichiers nationaux, qui chacun essaiera d’établir des profils de suspects potentiels en fonction de leurs voyages aériens, et ce, à partir des dix-neuf données personnelles détenues par les compagnies aériennes : identité, moyen de paiement, itinéraire complet, passager fidèle, bagages, partage de code, etc. Les terroristes ne seront pas les seuls à être ainsi «profilés» : la liste des infractions qui permettra d’utiliser le PNR est large (traite d’êtres humains, exploitation sexuelle des enfants, trafic de drogues, cybercriminalité)…

«Aucun système centralisé»

Voilà pourquoi le Parlement européen a longtemps bloqué ce texte qui autorise rien de moins qu’un profilage généralisé de tout un chacun uniquement parce qu’il voyage et non parce qu’il fait l’objet d’une enquête policière ou judiciaire. Second problème : les renseignements obtenus ne seront pas automatiquement partagés entre les pays européens. Il faudra que chacun demande spécifiquement à ses partenaires telle ou telle donnée. On peut s’interroger sur l’intérêt de se lancer dans cette usine à gaz, puisque même si les pays sont autorisés à créer un fichier commun, «il n’y a aucun système centralisé», grince Sophie in’t Veld, eurodéputée libérale néerlandaise : «On se demande à quoi ces 28 fichiers vont servir s’il s’agit bien d’identifier des gens à partir de leur parcours.»

Surtout, beaucoup se demande en quoi le PNR aurait permis d’éviter les attentats, la quarantaine de terroristes qui ont frappé l’Europe ces derniers mois étant déjà connus des services et aucun d’entre eux n’ayant emprunté l’avion pour frapper les cibles choisies, mais plus prosaïquement, la voiture, le taxi ou le métro… Après tout, les vols ne représentent que 8 % du trafic intra et extracommunautaire : l’Europe n’est pas une île.

En fait, tous ceux qui défendent les libertés publiques estiment que ce fichage va trop loin pour une efficacité quasi-nulle. C’est le cas du G29, l’organe qui regroupe les Cnil européennes, ou encore de Giovanni Buttarelli, le Contrôleur européen de la protection des données, qui l’assure : «Le PNR a peu d’utilité pratique : après les attentats de Charlie Hebdo, une réunion tenue au Parlement européen avec les officiers des services de renseignement a conclu qu’il pourrait être utile pour la prévention de délits mineurs.»

Jean Quatremer De notre correspondant à Bruxelles (UE)

Manuel Pellegrini, la classe sans com

Manuel Pellegrini, l’entraîneur de Manchester City, est un excellent technicien. On peut évidemment accoler plusieurs «mais» à cette assertion. Néanmoins, partons de ce constat : quand le Real Madrid décide de s’en séparer en 2010, c’est pour engager José Mourinho, champion d’Europe en titre avec l’Inter Milan. Et quand City met le Chilien sur la touche pour la saison prochaine, c’est pour faire de la place au génie Pep Guardiola. Autant dire qu’on ne remplace pas ce type-là par le premier entraîneur venu.

La dégaine d’Yves Duteil, avec quand même des petits airs d’Al Pacino dans Donnie Brasco. Dans la philosophie, un côté Marcelo Bielsa – seulement dans la doctrine –, l’ex-entraîneur argentin de l’Olympique de Marseille : le plus important, c’est le football, pas l’image. Or, un entraîneur, s’il veut désormais s’imposer dans un grand club type multinationale, doit savoir travailler sa com et la jouer fine en coulisses. Un job, en parallèle du vrai job, pour lequel Pellegrini est plutôt incompétent. Donc incomplet, donc remplacé par Pep Guardiola qui, lui, maîtrise toutes les facettes du métier. «Jamais une fuite dans la presse sur qui que ce soit, ni de magouilles», résume Javi Gómez, du quotidien espagnol El Mundo, à propos de l’entraîneur chilien. Il confirme donc ce qu’on lit dans les (rares) longues interviews accordées par Pellegrini : ce coach est aussi un gentleman et une sorte de gentil tonton.

José Mourinho le cartonne

En Espagne, il a entraîné trois clubs : Villarreal, le Real Madrid et Malaga. En 2006, il emmène le premier en demi-finale de la Ligue des champions. Si Juan Román Riquelme, son meneur de jeu génial, marque son penalty contre Arsenal, c’est la finale. Avec le troisième, il manque de récidiver en 2013. Les Andalous finissent par craquer dans les arrêts de jeu du match retour contre le Borussia Dortmund. La poisse ? Lui affirme que non. Dans une interview accordée à un canard chilien (traduite par So Foot en septembre), il dit : «Je ne crois pas en la malchance mais en la constance qui, bien souvent, n’est pas valorisée.» Et assure : «Ce que j’ai fait à Villarreal est bien plus fort qu’un titre de champion.»

Villarreal ? Malaga ? Du jeu avec beaucoup de mouvement et de petits gabarits, des buts, du plaisir. Des idées. Même la sélection espagnole, qui raflera tout de 2008 à 2012, s’en inspire. Avec le Real (2009-2010), il bat un record de points en championnat (96), mais finit vice-champion, derrière l’exceptionnel Barça de Pep Guardiola. En Coupe, il se fait sortir par un club de troisième division. En Ligue des champions, par Lyon en huitièmes de finale. Pellegrini n’aura pas de deuxième année pour essayer de faire mieux.

A lire aussi :Le PSG, pour conjurer le mauvais seuil

Un journaliste espagnol très au fait du «job en parallèle du vrai job» schématise : quand Florentino Pérez, le président du Real, sent que le coach n’a pas (plus) l’ascendant sur son vestiaire, il tranche toujours dans le vif. A son goût, Pellegrini ne le tenait pas. Ce n’est pas son point fort de gérer les egos, d’autant qu’il aurait tendance à fuir les conflits. Et José Mourinho, machine de guerre, était le fantasme de toutes les grandes multinationales. Le Chilien prend la porte.

Ce confrère remarque qu’il arrive souvent au président merengue de subtilement dézinguer ceux qu’il estime avoir échoué. Le petit crachat sur le cadavre. Il n’a rien balancé sur celui de Manuel Pellegrini. Ce dernier est tellement droit qu’il n’a pas osé. Pour ce genre de molard, il faut au moins s’appeler Mourinho, qui à son arrivée, lance : «Si le Real se débarrasse de moi, je n’irai pas entraîner Malaga. J’irai dans un grand club en Premier League ou en Serie A. Parce que je suis dans une situation où je peux choisir. Il y en a qui ne peuvent pas choisir.» En prime, il le surnomme «Pellegrino». Et le taquine désormais quand l’envie l’en prend.

Cours de chant

Manuel Pellegrini, 62 ans, est issu d’une famille de la haute. Son surnom est «l’Ingénieur», parce qu’il a fait des études et brièvement bossé dans le domaine. Il n’a joué que dans un club : l’Universidad de Chile, en division 1 chilienne. Il se décrit lui-même comme un défenseur teigneux. Nerveux. La petite histoire raconte qu’il avait promis de raccrocher le jour où il se ferait malmener dans le jeu aérien, son point fort. Iván Zamorano, un gamin, le torture. Il raccroche à 34 ans, en 1986, sans pouvoir deviner que ce gamin signerait quelques années plus tard au Real Madrid et à l’Inter Milan et qu’il serait surnommé «l’Hélicoptère», pour son jeu de tête hors du commun.

Pour devenir coach, Pellegrini dit qu’il a travaillé sur lui-même, par peur de ne rien pouvoir transmettre en la jouant brute épaisse. Sur le banc, il a d’abord gagné en Amérique du Sud, et signale qu’après avoir entraîné en Argentine, la pression devient relative en Europe. C’est un type calme, effacé par moments, qui assure ne pas être fier de gueuler de temps à autre sur les arbitres.

Il rassure son défenseur argentin Pablo Zabaleta, alors jeune papa, quand il l’écarte momentanément de l’équipe. En mode «certes je te mets de côté pour un temps car tu n’es pas concentré à 100%, mais avoir un enfant est la plus belle chose au monde». A Villarreal, il prend des cours de chant pour travailler sa voix, estimant qu’elle fait partie intégrante de son boulot. Là-bas, dans un tout autre registre, il mangeait quasiment tous les jours dans le même resto italien, à la même table.

Cette saison, son City, avec qui il a remporté un championnat (2014) et deux coupes nationales (2014, 2016), est décevant. Aussi bien dans la manière – laborieux, prévisible –, que dans les résultats – quatrième de Premier League à deux points du podium. Depuis des mois, les Citizens se font logiquement plier par les gros et se vengent tant bien que mal sur les petits.

Il y a bien ce quart de finale historique ce mardi soir, mais quelque chose ne fonctionne pas. A commencer par la défense, qui lorsqu’elle est privée du Belge Vincent Kompany (ce sera le cas contre le Paris-SG), fait plein de choses ridicules. Exemple le plus récent, le but gag encaissé mercredi dernier à Paris.

Syndrome Premier League

En Europe, même dynamique : quand il a croisé la route de la Juventus en phase de poules, le seul gros bras avant de jouer Paris, il s’est incliné deux fois. En fait, City n’a jamais impressionné personne en Ligue des champions, même avec le Chilien. Explication la plus convenue : les Citizens, nouveaux riches, sont encore des bleus à l’échelle du continent. De surcroît, ils se sont heurtés ces deux dernières années au monstre barcelonais en huitièmes de finale. D’où la réflexion logique à l’échelle d’un proprio emirati milliardaire : on peut certainement aller encore plus vite en ramenant un bonhomme qui a largement contribué à rendre ce monstre catalan boulimique. Guardiola.

Flash-back en janvier 2014, quelques mois après l’arrivée du Chilien en Angleterre. Au sortir d’une volée infligée par les hommes de Pellegrini à son équipe (1-5), l’entraîneur de Tottenham s’enflamme : City joue le meilleur football du monde. Pellegrini la joue modeste, mais tout n’est pas qu’affabulation. A cet instant de la saison (23journée de championnat), les Citizens ont déjà dépassé la barre des 100 buts toutes compétitions confondues. Un record.

Sur le contraste entre les deux périodes, les Cahiers du foot développaient une intéressante théorie il y a un an, partant du postulat suivant : le championnat anglais n’a jamais été aussi ouvert. Tout pour l’attaque, quoiqu’il en coûte. Du coup, ça dérègle tout. Même les plans d’un excellent technicien comme Manuel Pellegrini, qui finit par subir le syndrome Premier League et se faire embarquer. En Europe, le contrecoup : à force de jouer comme des dingues, les clubs anglais perdent le sens commun contre des adversaires plus rationnels.

Sinon, Pellegrini a attendu très longtemps pour répondre à José Mourinho. A la fin, ça donne des coups de pression de garçon qui ne veut pas se battre à la récré. «Quand il gagne, Mourinho veut s’attribuer le mérite de tout. Moi, je ne fais jamais ça. Quand j’ai gagné la Premier League, je n’ai pas dit un mot.»

Ramsès Kefi

Pourquoi la guerre est une éternelle « connerie »

« Nous sommes en guerre», ne cessons-nous d’entendre de la bouche belliqueuse de nos dirigeants. «Ce n’est pas mon avis», réplique Henri Bartholomeeusen, avocat belge et président du Centre d’Action laïque à Bruxelles. C’est lui qui a rédigé la préface d’un ouvrage intitulé «Quelle connerie la guerre !» Cette «anthologie illustrée d’écrits sur la tolérance, le pacifisme et la fraternité universelle», parue le 7 janvier 2016, symboliquement un an après les attentats de «Charlie Hebdo», conçue pendant ceux du 13 novembre, est un hommage silencieux aux morts d’une guerre qui n’en est pas vraiment une.

Alors qu’on se remet à donner la chasse aux pacifistes, ce livre rappelle que Montaigne, Voltaire, Camus, Jaurès, Prévert, Brassens, Aron, Yourcenar, Ferré et tant d’autres fustigeaient la guerre dans leurs essais, traités, chansons. Du retentissant «Déserteur» de Vian exhortant «Monsieur le Président» à partir à la guerre lui-même s’il y tient tant que ça, au journal intime d’une allemande inconnue qui dit sa haine du mâle nazi, ce beau livre blâme tantôt la guerre, tantôt ceux qui la font, et prône la tolérance, la fraternité, la solidarité, tous ces mots que les politiques d’aujourd’hui ont bien souvent mis aux oubliettes.

En rassemblant ces grands textes, Jean-Pol Baras, président de la Fondation Henri La Fontaine, Denis Lefebvre, historien et journaliste, et Plantu, caricaturiste au «Monde», rappellent cette vérité simple: la guerre est une «connerie».

« Fléau » pour Voltaire, «torture» pour Henri La Fontaine: chacun a ses mots pour parler du pire. Certains tolèrent la guerre quand elle est indispensable. D’autres jugent que la guerre peut être un moyen de faire la paix. D’autres la rejettent en bloc. «Certaines réponses apportées ne satisferont pas le pacifiste», prévient Henri Bartholomeeusen. Et puis tant pis, même si c’est une utopie, «il n’y a pas de fatalité», nous dit le préfacier citant Romain Rolland, pour qui «la fatalité c’est ce que nous voulons». Et comme disait Martin Luther King :

Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.»

Virginie Cresci

La tolérance selon Voltaire

«Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, et de tous les temps: s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui a tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature; que ces erreurs ne fassent point nos calamités.

Tu ne nous a point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère, que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution.

Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langage divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.»

Traité sur la tolérance, par Voltaire 1769,

chapitre XXIII, «Prière à Dieu», Paris, Flammarion, 1989

Comment et pourquoi Voltaire a écrit son « Traité sur la tolérance »

PlantuLe Boulevard Voltaire pendant la marche du 11 janvier 2015. ©Plantu 2016

Henri La Fontaine contre la barbarie

« La guerre est une torture pour des millions et des millions d’êtres humains, et la torture a été frappé à mort. La guerre est un sacrifice humain à un fétiche fait de la main des hommes, à un fétiche de fer et d’acier, trempé de sang humain et de larmes de mères, d’épouses, de pères, de sœurs et d’enfants, et les sacrifices humains ont été frappés à mort. La guerre doit être frappée à mort et à jamais. Le recours à des moyens de contrainte morale, politique, économique ou armée est le triste privilège et la tâche pénible de l’humanité entière confiés à l’initiative de ses plus hauts magistrats dans le cas spécifique d’un Peuple faisant retour à la barbarie, atteint de folie ou devenu criminel.

L’heure est venue de fermer la porte sur le passé, ce passé, ou de ne l’entrouvrir que pour se rappeler les horreurs, des millions de siècles révolus, son éclat, sa gloire, sa prétendue splendeur furent illusoires pour les masses immenses qui les ont subies. Il nous a éblouis et nos ancêtres, parce que eux et nous marchions dans des ténèbres. Il nous a éblouis et nos ancêtres, parce que eux et nous marchions dans des ténèbres. Il nous faut tourner le dos à la nuit sombre de l’ignorance, et de préjugé et de haine et de rivalité et regarder en face le jour qui se lève, la nouvelle renaissance, la renaissance totale, le début d’une ère nouvelle, celle de l’humanisme.»

Extrait d’une note manuscrite préparatoire d’Henri La Fontaine (1854-1943), avocat spécialisé dans le droit international, membre du parti ouvrier belge et créateur de la Ligue belge du Droit des femmes, Prix Nobel de la paix 1913.

Jaurès contre les “paniques folles”

« LE plus grand danger à l’heure actuelle n’est pas, si je suis dire, dans les événements eux-mêmes. Il n’est même pas dans les dispositions réelles des chancelleries, si coupables qu’elles puissent être; il n’est pas dans la volonté réelle des peuples; il est dans l’énervement qui gagne, dans l’inquiétude qui se propage, dans les impulsions subites qui naissent de la peur, de l’incertitude aiguë, de l’anxiété prolongée. A ces paniques folles les foules peuvent céder et il n’est pas sûr que les gouvernements n’y cèdent pas. […]

Pour résister à l’épreuve, il faut aux hommes des nerfs d’acier ou plutôt il leur faut une raison ferme, claire et calme. C’est à l’intelligence du peuple, c’est à sa pensée que nous devons aujourd’hui faire appel si nous voulons qu’il puisse rester maître de soi, refouler les paniques, dominer les énervements et surveiller la marche des hommes et des choses, pour écarter de la race humaine l’horreur de la guerre.

Le péril est grand, mais il n’est pas invincible si nous gardons la clarté de l’esprit, la fermeté de vouloir, si nous savons avoir à la fois l’héroïsme de la patience et l’héroïsme de l’action. La vue nette du devoir nous donnera la force de le remplir.»

Edito de «L’Humanité» intitulé «Sang-froid nécessaire» publié le 31 juillet 1914, jour de l’assassinat de Jaurès au café du Croissant par un fanatique nationaliste.

jaurès plantu
Jean Jaurès au café du Croissant où il a été assassiné. ©Plantu 2016

L’été 1914, le plus stupide de l’Histoire

Zweig, l’exilé

« Très cher ami, je vous écris à un des moments les plus difficiles de ma vie. Aujourd’hui seulement, je m’aperçois des ravages terribles que la guerre a provoqué dans mon univers humain et spirituel: tel un exilé, dépouillé et sans ressource, je suis obligé de fuir la maison en feu de ma vie intérieure, pour aller où – je n’en sais rien. […]

Moi, je ne peux que souffrir en silence. Je redoute terriblement les journées et les années à venir. Comment sera ma vie, qui jusqu’à présent se faufilait librement entre les préjugés, comment vais-je pouvoir respirer au milieu de toute cette malveillance? Ma vie me semble à présent déchirée et privée de sa joie spirituelle la plus élevée; qui me rendra mon sentiment européen et le sens de l’humanité? Ces centaines de milliers de morts vont élever leurs voix, ils vont s’emparer de toute notre espace, de tout notre bonheur, à nous les vivants ! Mon monde, le monde que j’aimais est de toute façon détruit, tout ce que nous avons semé est foulé aux pieds. A quoi bon recommencer une nouvelle fois ?»

Stefan Zweig dans une lettre à Romain Rolland,

Vienne, 9 novembre 1914

La lettre aux paysans de Giono

« Nous, paysans, nous sommes le front et le ventre des armées: et c’est dans nos rangs que les cervelles éclatent et que les tiraillement se déroulent derrière nos derniers pas. Alors vous comprenez bien que nous sommes contre les guerres. Oui, c’est vrai. Et le mouvement paisible de vos champs s’ajoute à vos cœurs paisibles, et la lenteur de ce que vous confectionnez avec la graine, de la terre et du temps, c’est la lenteur même de l’amitié avec la vie. Vous êtes la paix. Mais je ne vous aime pas depuis de longues années sans vous connaître.

Vos désirs les plus secrets, je les connais. Vos projets les plus profondément enfoncés en vous-mêmes, je les connais. Vous en avez tellement enfouis profond que maintenant vous êtes comme si vous ne projetiez rien; et pourtant vous allez peut-être d’ici peu brusquement agir, tous ensemble. Toute cette grande révolte paysanne qui vous alourdit le cœur quand vous penchés sur vos champs solitaires, je la connais, je l’approuve, je la trouve juste.»

Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix,

Jean Giono, Grasset, Paris, 1938.

« Je ne veux pas mourir comme un bétail » : Lucien Jacques dans les tranchées

Confession d’une actrice devenue infirmière en 14

« Je vis pour la première fois la misère que la folie de la guerre répandait sur les hommes. Y avais-je même seulement réfléchi auparavant? Je me rendis petit à petit compte que ma vie n’avait jusque-là tourné qu’autour de ma petite personne. J’avais certes donné et aidé chaque fois que j’avais pu le faire, mais sans jamais prendre véritablement conscience du nombre d’hommes victimes de l’humeur et des erreurs des dirigeants. En accomplissant ma tâche, j’avais toutes les peines du monde à ne pas pleurer, à ne pas fuit toute cette misère.»

Tilla Durieux (1880-1971), actrice autrichienne qui s’est portée volontaire comme aide-soignante en 1914.

«Meine ersten neunzig Jahre. Erinnerungen», Munich, 2012.

Lettre à la Reine pour les Droits de la Femme

« J’offre un moyen invincible pour élever l’âme des femmes; c’est de les joindre à tous les exercices de l’homme: si l’homme s’obstine à trouver ce moyen impraticable, qu’il partage sa fortune avec la femme, non à son caprice, mais par la sagesse des lois. Le préjugé tombe, les mœurs s’épurent, et la nature reprend tous ses droits. Ajoutez-y le mariage des prêtres; le Roi, raffermi sur son trône, et le gouvernement français ne saurait plus périr.»

Olympes de Gouges, «Les Droits de la Femme»,

Lettre à la Reine, 1791

Le Droit des Femmes ©Plantu 2016

Tract pour la jeunesse de l’Allemagne nazie

« Etudiantes ! Etudiants !

La défaite de Stalingrad a jeté notre peuple dans la stupeur. La vie de trois cent mille Allemands, voilà ce qu’a coûté la stratégie géniale de ce soldat de deuxième classe promu général des armées. Führer, nous te remercions !

Le peuple allemand s’inquiète : allons-nous continuer de confier le sort de nos troupes à un dilettante? Allons-nous sacrifier les dernières forces vives du pays aux plus bas instincts d’hégémonie d’une clique d’hommes de parti? Jamais plus !

Le jour est venu de demander des comptes à la plus exécrable tyrannie que ce peuple ait jamais endurée. Au nom de la jeunesse allemande, nous exigeons de l’Etat d’Adolf Hitler le retour à la liberté personnelle; nous voulons reprendre possession de ce qui est à nous; notre pays, prétexte pour nous tromper si honteusement, nous appartient.

Nous avons grandi dans un Etat où toute expression de ses opinions personnelles était impossible. On a essayé, dans ces années si importantes pour notre formation, de nous ôter toute personnalité, de nous troubler, de nous empoisonner.

Il n’est pour nous qu’un impératif : lutter contre la dictature! Le combat de chacun d’entre nous a pour enjeu notre liberté, et notre honneur de citoyen conscient de sa responsabilité sociale.

L’effusion de sang qu’ils ont répandue dans l’Europe, au nom de l’honneur allemand, a ouvert les yeux même au plus sot. La honte pèsera pour toujours sur l’Allemagne, si la jeunesse ne s’insurge pas enfin pour écraser ses bourreaux et bâtir une nouvelle Europe spirituelle. Nous nous dressons contre l’asservissement de l’Europe par le national-socialisme, dans une affirmation nouvelle de liberté et d’honneur.»

Extrait du 6ème et dernier tract de «La Rose Blanche»,

Février 1943, rédigé par le professeur de philosophie Kurt Huber.

Quelques jours plus tard, trois membres du groupe sont arrêtés par la Gestapo pour avoir distribué à l’université ce tract en plus de 2000 exemplaires. Ils sont condamnés à mort et décapités quatre jours plus tard. «La rose blanche: six Allemands contre le nazisme», Editions de Minuit, Paris, 1995.

« Sur la non-violence », par le Mahatma Ganhdi

Discours à ceux qui aiment Dieu

« Chers Frères, Chères Frérettes,

Chers fidèles, Chères fidélettes,

La foi, ce n’est pas de la conserve. Alors votre mise en boîte mosquévitte, on n’en veut pas. Vous avez pris Dieu en otage. Le manque d’imagination a fait que le message de Dieu est aujourd’hui lettre morte. Dieu nous a donné la responsabilité d’une religion. Comment voulez-vous que nous en soyons à la hauteur, si nous ne sommes pas à la hauteur du quotidien? Comment voulez-vous que nous soyons fidèles à Dieu si nous sommes infidèles à la vie? Comment voulez-vous que Dieu soit miséricorde et amour, si nous prêchons la haine et la violence?

Dieu est un choix de liberté et non une obligation d’aliénation. Votre lecture des versets est versatile, votre compréhension du Coran est douteuse. Dieu enseigne la force des hommes contre la force des armes. Votre recours aux armes est une trahison à la plénitude de l’homme.

Chers frères, Chers frérots,

Libérez-vous de la peur et Dieu vous aidera. Libérez-vous de la violence et Dieu vous comprendra. Libérez-vous du Pouvoir et Dieu vous bénira. Elargissez votre point de vue, contenez votre foi. Car la grandeur de Dieu est la grandeur d’âme de ses fidèles.

Au-delà du voile, par Slimane Benaïssa

(auteur de théâtre né en Algérie en 1943), Manage, 2008.

Les Afghanes ©Plantu 2016

Malala à l’ONU

« Le 9 octobre 2012, les talibans ont tiré sur le côté gauche de mon front. Ils ont également tiré sur mes amis. Ils pensaient qu’une balle pourrait nous réduire au silence. Mais ils ont échoué. De ce silence ont émergé des milliers de voix. Les terroristes pensaient qu’ils pourraient changer ma volonté et arrêter mes ambitions mais rien n’a changé dans ma vie, à part ceci: faiblesse, peur et désespoir sont morts; force, pouvoir et courage sont nés.»

Extrait du discours de Malala Yousafzai

(prix Nobel de la paix 2014 à l’âge de 17 ans)

à l’ONU , 12 juillet 2013

© Fondation Henri La Fontaine-2016

Quelle connerie la guerre ! Anthologie illustrée d’écrits sur la tolérance, le pacifisme et la fraternité universelle,

par Jean-Pol Baras, Denis Lefebvre et Plantu, 284 p.,

Omnibus, 19 euros 95.

Samar Yazbek, la revenante de l’enfer syrien

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