“Vous n’avez rien compris aux selfies”

André Gunthert occupe la chaire d’histoire visuelle à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Le chercheur, par ses travaux et avec ses élèves, est le premier à avoir fait de l’image numérique un objet d’étude à part entière. Une image qui s’est démocratisée, démultipliée, socialisée au mitan des années 2000, avec l’apparition des réseaux sociaux.

“La photographie est devenue une pratique de niche au sein d’un univers plus vaste, celui de la communication électronique”, écrit André Gunthert dans son dernier ouvrage, “L’Image partagée” (éditions Textuel) qui vient de paraître. Le chercheur, classé à gauche, y offre une lecture radicalement nouvelle de ce phénomène, au-delà des idées reçues.

Le selfie, cet autoportrait au smartphone, est parfois regardé avec mépris du haut du balcon de la société. Destiné à être partagé, souvent afin de faire rire et réagir, il n’a pourtant rien de futile.

Au contraire, raconte André Gunthert, c’est une révolution “comme on n’en a pas connu depuis des siècles”. Pas seulement iconographique, mais bien sociologique, sociale – voire politique. Voici ce que les détracteurs du selfie n’ont peut-être pas saisi du phénomène, selon le chercheur que nous avons interrogé :

1 Le selfie n’est pas récent

« On pourrait penser que le selfie est le produit d’une prise de vue innovante par une nouvelle technologie, celle des smartphones. Mais cette pratique existait, bien avant l’image numérique.

L’exemple du film “Thelma et Louise”, sorti en 1991, est parlant. Les deux personnages, deux femmes, se prennent en photo avant leur virée sur la route. Elles attrapent leur Polaroïd et immortalisent le début de leur road-trip. Elles n’ont besoin de personne pour faire leur photo. Et surtout pas d’un homme. Le selfie leur permet d’affirmer leur liberté, leur autonomie.

Susan Sarandon et Geena Davis dans « Thelma et Louise »

Le selfie a existé dans l’ombre, sans être reconnu comme un genre entier, ni même susciter l’attention. L’intérêt pour cette pratique naît en 2013, lorsqu’une série d’articles le désigne comme le support du narcissisme des adolescents. Le succès est tel que les éditeurs des “Oxford Dictionnaries” le sacrent mot de l’année.

Très vite, les critiques pleuvent. On avait déjà vu ce scénario lors de l’apparition des webcams, des blogs ou des réseaux sociaux. Les jeunes ne respectent rien, c’est bien connu. Un Tumblr montre même qu’ils se prennent en photo lors de funérailles. C’est bien la preuve que le selfie, c’est le mal : il ne respecte pas les codes sociaux.

C’est alors que, par réaction, cette pratique plutôt discrète devient une forme de contre-culture, un signe de contestation bon enfant, bientôt imité par l’establishment.»

2 Le selfie n’est ni futile, ni vide de sens: c’est de l’hypercontextualisation

« Le selfie n’est pas une image : c’est la marque de ma présence dans une situation. Thelma et Louise, en se prenant en photo avec un Polaroïd, fabriquent le souvenir d’un moment précis. Ce n’est pas un simple autoportrait. C’est une contextualisation dans le temps et dans l’espace. Le réalisateur Ridley Scott en fait un symbole: on retrouve ce cliché à la fin, tragique, du film.

Le selfie traduit la capacité de traduire une situation sous forme visuelle.

Ce cliché montre une réinterprétation du réel – le philosophe Michel de Certeau parlait de “l’invention du quotidien”. Avec la communication électronique, les repères auxquels ont est habitué disparaissent.

Le selfie répond à l’effondrement du contexte (comme les mimiques du visage, les signes d’émotion dans la voix) par une hypercontextualisation. On se prend en photo pour fournir des indications de situation (“Je viens d’arriver à l’aéroport”) ou encore pour des vérifications d’apparence (“Regardez ma nouvelle coupe de cheveux”).»

3 Les selfies devant la Joconde témoignent d’une forme de respect

« Prenez des touristes qui se photographient devant la tour Eiffel. Ils concrétisent quelque chose qui est aussi vieux que le tourisme : partager l’expérience d’un monument ou d’un site.

Quand on les voit tous reproduire le même geste, c’est perçu négativement. Pourtant, quand un professeur de lettres impose à toute une classe la lecture de “Germinal”, personne ne s’étonne ! Germinal”, c’est un monument de notre culture, qu’il importe de partager.

Voir la tour Eiffel, c’est la même chose : c’est faire l’expérience individuelle d’une référence culturelle. Faire un selfie devant un monument est donc une très bonne manière de manifester cette appropriation.

Quand des touristes se prennent en photo devant la Joconde, c’est un signe d’intérêt et de respect. La Joconde devient soudain leur Joconde. Cette image leur est précieuse. Ils vont la garder, la montrer à leurs amis, en disant : “Regardez, j’ai vu la Joconde, en voici la preuve”

4Dans le selfie, l’image n’est pas le plus important : c’est la conversation

« L’image devient une conversation. Les réseaux sociaux, ce n’est pas des conversations à propos des photos, mais des conversations avec les photos.

La photo connectée n’existe pas sans destinataire. On ne fait pas un selfie pour soi, mais pour les autres.

Il y a eu d’emblée un malentendu avec le selfie, car on s’est arrêté à la surface du phénomène : à l’image elle-même. Sous l’iceberg se niche une ramification de pratiques beaucoup plus larges.

L’usage fondamental du selfie, c’est l’image connectée, partagée, depuis les smartphones, en temps réel à mes proches sur les réseaux sociaux. Le selfie ne s’apparente pas au portrait : sa vocation est très souvent de communiquer.»

5 Le selfie choque, car il incarne la désacralisation ultime de l’image

« Snapchat, la dernière application de messagerie qui connaît un succès foudroyant auprès des ados, illustre bien ce concept. Sur Snapchat, on ne fait pas des photos de soi pour apparaître sous son meilleur jour. Son image, on la triture, on la surligne, on la salit, et in fine, on la laisse s’effacer au bout de quelques minutes, au maximum 24 heures.

Sur Instagram, de manière assez classique, on produit des images. Sur Snapchat, on lance une conversation, en raturant sa propre image.

L’acteur Jared Leto adoptant les codes de Snapchat

C’est la première application qui ne respecte pas l’image. Ailleurs, l’intégrité de l’image est préservée : les commentaires et interactions sont placés en dessous, à côté. Sur Snapchat, on écrit sur l’image – et les ados adorent, encore davantage qu’Instagram, en terme de volume d’interactions.

Sur Snapchat, on rature l’image et on programme sa destruction. C’est sans doute le summum de la subversion, la désacralisation ultime de l’image.

L’image n’a pas vocation à être belle, mais à faire parler. Et à rigoler, aussi.

La dérision, le lol, sont devenus des vecteurs très importants de la conversation, et pas seulement en ligne. Le rire est un vecteur de sociabilité plus puissant que la respectabilité. Dans une conversation normale, on plaisante. Discuter avec majesté et sérieux, c’est plus rare quand on est au café. Ces images sont réalisées pour faire réagir, et souvent dans la dérision.

Une preuve de plus que les critères de réussite d’une image partagée ne sont pas vraiment esthétiques : les seules jauges sont celles du nombre de likes et de commentaires suscités. Des jauges sociales.»

6 Le selfie n’est pas un acte narcissique

« Le narcissisme ? Cela relève de la psychiatrie. Pour les Américains, le “narcissisme” est perçu comme un trouble pathologique du comportement.

En faisant du selfie un problème psychologique, on passe totalement à côté de sa dimension sociale (et sociologique). On individualise le phénomène – et du coup il est tentant de le corriger chez le “patient”. Or, pour moi les selfies racontent une évolution de la norme sociale.

Ne vous y trompez pas : le selfie, c’est une pratique de classe.

Cette appropriation de réalité par le second degré raconte une évolution sociale qui n’a rien à voir avec la psychiatrie. Le selfie, c’est une image qui est faite pour être partagée. On l’envoie toujours à quelqu’un, jamais à soi-même. Pour cela, le miroir suffit.

Les selfies sont devenus omniprésents dans les conversations intimes, amoureuses – ce qu’on appelle les sextos. On a mis son image sur l’oreiller. Ces images, on les adresse à quelqu’un, par l’intermédiaire des messageries privées, sans que le monde extérieur s’en aperçoive : ça n’est pas une manifestation narcissique.

La psychologue Jean M. Twenge, auteur de “Generation Me”, avait propagé le mythe d’un tsunami narcissique submergeant le monde, une thèse relayée par les médias. Mais une étude menée dans “Psychological Science”, parue en 2008, a montré que les jeunes n’avaient pas fondamentalement changé de comportement ces trente dernières années.»

7 Le selfie n’est pas laid

« Lorsque l’image était faite par un professionnel, c’était normal d’attendre qu’elle soit maîtrisée, belle, parfaite. Le selfie, où le bras apparaît dans le cadre, c’est du bricolage, mais à dessein : le bras appose le cachet de l’authenticité. Ce défaut est devenu la signature du genre.

Les jeunes stars comme Rihanna réalisent des selfies très réussis sur Instagram, très authentiques. Les clichés sont souvent un peu ratés, mal éclairés, de guingois.

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Une photo publiée par badgalriri (@badgalriri) le 25 Mai 2015 à 0h41 PDT

Mais ces photos racontent une histoire à ses fans. Elle dit : me voici au saut du lit, ce que vous voyez, c’est mon intimité. Cela ne l’empêche pas de faire la couverture de Vogue avec une image parfaite. Les photos officielles persisteront.

La beauté fait partie de l’ancien modèle de l’image. Celles qui se trouvaient dans les cathédrales, dans les églises. Sacralité et beauté étaient liées. L’évolution de l’image raconte celle de la société.

Avant, seuls les artistes avaient le droit de bouleverser les normes.

Marcel Duchamp détournant des objets de la vie quotidienne pour en faire de l’art avec ses “ready-made”, c’était très subversif. Mais c’était Duchamp. En 1910, le grand public, exclu, restait confiné dans une logique du spectacle : admirer l’oeuvre. C’est tout. On n’avait pas le choix.

Aujourd’hui, tout le monde peut détourner les oeuvres, diffuser sa production en ligne, et devenir prescripteur. Ce qu’on accordait à Duchamp, un ado a maintenant le droit de l’exercer.

Faut-il regretter ce déploiement du “goût barbare”, au sens de Pierre Bourdieu? Non. La conversation reste un domaine autonome, distinct de la création. C’est une victoire de l’usage sur le contenu.»

8 Le selfie bouscule avant tout l’élite

« Le selfie gêne, car il n’est pas dans l’ordre des choses. Il n’est pas respectable. Qui cela dérange-t-il le plus? Qui affirme “Le selfie, c’est le mal”? Les représentants d’un monde installé, protégé. Ceux qui bénéficient à plein des leviers offerts par ce que Guy Debord appelle la société du spectacle. Bien sûr que ça les dérange que des gens se collent à eux pour être dans l’image !

Prenez le Prince Harry. Alors qu’une jeune fille lui demandait de poser à ses côtés lors d’un voyage en Australie, il lui a répondu : “Non, je déteste les selfies. Sérieusement, vous devriez laisser tomber. Je sais que vous êtes jeune, mais les selfies, c’est mal. Prenez plutôt une photographie normale.”

Je comprends très bien le prince Harry. Il pense : “Je ne partage pas la représentation, allez jouer ailleurs. Moi qui suis le prince, j’ai le droit au spectacle. Vous, vous avez le droit de me regarder.”

On a retrouvé cette même réaction lors du Festival de Cannes de 2013, lorsque Thierry Frémaux a qualifié le selfie de “laid, vulgaire, ridicule et grotesque” et tenté – vainement – de l’interdire aux stars lors de la montée des marches.

Catherine Deneuve n’en pensait pas moins : pour l’actrice,“le selfie banalise tout”. Cannes, c’est le symbole même de cette industrie qui produit du spectacle.

Regardez Cannes juste avant la querelle du selfie : on voit la vedette, seule, entourée d’une nuée de photographes professionnels. Un an après, tout a changé : le selfie impose une nouvelle proximité avec le public.

Le Festival de Cannes avant / après le selfie (montage A. Gunthert / AFP)

La scénographie de la célébrité a changé. On voit de grandes stars – qui ont adopté ces codes – au milieu du public. Tout le monde est hilare. C’est cette proximité que le prince Harry fuit.

Avec le selfie, nous, les sans-grades, sommes rentrés dans l’image.

Il n’y a plus de distinguo entre le regardant et le regardé. Ce n’est pas de l’irrespect : c’est une nouvelle forme d’affection qui passe par une appropriation visuelle.

Les stars qui imitent un mouvement venu du bas, c’est un phénomène rare. En général, l’élite dirigeante inventait les codes, le peuple imitait. Napoléon III décide de se promener dans la forêt de Fontainebleau? La cour, puis la bourgeoisie, tout le monde enfin va se balader au même endroit. Le selfie inverse cette logique: Rihanna fait les mêmes photos que ses fans.

Le selfie représente le symbole de l’autonomisation des pratiques culturelles.

Le selfie a bouleversé la scénographie de la vie sociale, la mise en scène de soi que nous explique le sociologue Erving Goffman, en bousculant la hiérarchie et le protocole. En haut de l’échelle, cela peut être perçu comme insupportable.

On est bien au-delà du narcissisme : le selfie, c’est une question de lutte des classes et de représentation.

Pourtant, l’élite va devoir se soumettre à ces règles. Dans quelques années, j’en fais le pari, il y aura des selfies royaux et princiers.»

9 Le selfie est une révolution. De l’iconographie, mais surtout de la société

« La désacralisation de l’image dérange. Qu’on soit d’accord ou pas, il faut le prendre en compte. C’est un message. Un changement dans les représentations, c’est quelque chose de rare, encore plus rare qu’une révolution technologique. Le prince Harry et sa défiance par rapport aux selfies, c’est une révision de plusieurs siècles d’histoire de la représentation.

Selfie à Brixton (Royaume-Uni), avril 2015 (cc Flickr / UlyssesThirtyOne)

On est bien dans une révolution qui n’est pas seulement une révolution iconographique, mais sociale, voire… politique.

Pourquoi le selfie est-il porteur d’un message subversif ? Les selfies, plébiscités par les jeunes, représentent le triomphe d’une forme de second degré.

Prenez la photo de mariage. Pierre Bourdieu a analysé à quel point la photo de mariage au milieu du siècle dernier incarnait la famille: respectable, rigide, guindée, verrouillée au plus haut degré. L’image que les couples réalisent alors d’eux-mêmes transmet une représentation hautement artificielle, lisse, crispée des conventions.

Aujourd’hui, la photo de mariage s’est désacralisée. On voit de jeunes couples photoshopper leur cérémonie en incrustant des dinosaures ou des robots – tout l’arsenal de la culture geek y passe.

Le second degré a gagné. Si les jeunes générations ne respectent plus les institutions, on peut se demander si ce ne sont pas elles qui ont perdu en respectabilité.

En bref, les selfies racontent quelque chose sur les évolutions de notre société, des signes que l’on peut apercevoir si on les prend au sérieux.

Le potentiel du selfie est confirmé par le degré d’irritation que le phénomène produit. En sociologie, on appelle cela une “panique morale”.

Comme le rock ou la musique pop dans les années 1960, qui ont d’abord beaucoup choqué, et qui étaient les manifestations de mouvements profonds de la jeunesse partout dans le monde, révélés par mai-1968, aux effets durables.

Plus la société se crispe face à ce genre de phénomènes, moins on s’aperçoit que le mouvement est déjà engagé. De ce point de vue, je pense que le selfie est un signe avant-coureur plutôt fiable. Au-delà d’une révolution, l’image, c’est le miroir d’un bouleversement profond des codes sociaux.»

Propos recueillis par Aurélien Viers

Vins de Vouvray : clochemerle sur les bords de Loire

La douceur angevine aurait-elle quitté les bords de la Loire entre Vouvray et Montlouis-sur-Loire ? Ces deux terroirs situés à l’est de Tours, distants l’un de l’autre de 6 kilomètres et qui élaborent tous deux de savoureux vins blancs à base du cépage chenin (sec, demi-sec, liquoreux et effervescent), sont le lieu d’un conflit symbolique entre le syndicat de l’appellation Vouvray et deux vignerons réputés (Jacky Blot et François Chidaine) de ladite appellation, également figures emblématiques, c’est le noeud du problème, du vignoble de Montlouis-sur- Loire.

Le 5 janvier dernier, lors d’une visite d’inspection, les services de l’Inao constatent que les raisins issus de leurs parcelles de Vouvray sont, en fait, vinifiés dans leurs caves de Montlouis-sur-Loire, c’est-à-dire en dehors de l’aire de l’appellation, ce que n’autorise nullement le cahier des charges de cette dernière. Résultat ? Une déclassification séance tenante de leur millésime 2014 sous la bannière, beaucoup moins qualitative, de vin de France.

Problème : les bouteilles des deux vignerons incriminés étaient vendues jusqu’alors entre 15 et 25 euros et jouissaient d’une flatteuse réputation en France comme à l’international. D’où une stupéfaction dans le landerneau vinicole. Jean-Luc Dairien, directeur de l’Inao, souligne :

La qualité du travail des ces deux vignerons n’est pas remise en question par cette décision. Mais, en l’espèce, la traçabilité des raisins n’est pas garantie. »

Du côté des intéressés, on subodore, en revanche, une volonté de leur porter atteinte, en raison de leur engagement sans faille, depuis de longues années, pour l’appellation Montlouis-sur-Loire, qui aujourd’hui détrône celle de Vouvray.

Parole contre parole

« Avant la naissance des AOC en 1936, les vins de Vouvray et de Montlouis étaient vendus sous la même dénomination vin de Vouvray, rappelle François Chidaine, également président de l’appellation Montlouis-sur-Loire. Tandis que Vouvray détenait déjà une véritable notoriété, Montlouis était un petit vignoble totalement moribond qu’il a fallu reconstruire. A partir des années 1980, Jacky Blot et moi-même avons été les artisans de ce renouveau en posant les exigences qualitatives de ce terroir qui ont fait ce que Montlouis est devenu aujourd’hui. »

Avec 60% de sa production réalisés en vins effervescents, Vouvray fait en effet aujourd’hui figure de belle endormie aux yeux des spécialistes. A l’inverse, Montlouis-sur-Loire a su attirer de jeunes vignerons, séduits par les pratiques viticoles en bio et biodynamie qui s’y sont développées ces dernières années.

Jacky Blot, actuellement propriétaire de 5 hectares, se défend :

A mon arrivée dans le vignoble de Vouvray en 1998, lors de l’acquisition de mon premier hectare, j’ai demandé à pouvoir vinifier à Montlouis, où je possède une cave. Le syndicat de Vouvray était, à l’époque, vent debout contre ma requête. J’ai finalement obtenu l’autorisation pour une durée permanente de la part de l’Inao. »

De son côté, François Chidaine, propriétaire de 10 hectares, a vinifié à Vouvray pendant une dizaine d’années avant de revenir à Montlouis où il jugeait son outil de production mieux adapté :

Des rumeurs annonçaient que nous allions faire l’objet d’un contrôle et que nous étions dans le collimateur du syndicat, mais, pour être franc, nous n’y avons pas cru. »

Il soupçonne clairement que la décision prise par l’Inao ait été fortement motivée par le Syndicat des Vignerons de l’Aire d’Appellation Vouvray. Jean-Michel Pieaux, président de l’appellation Vouvray, plaide pour sa part :

On ne modifie pas le cahier des charges d’une appellation pour deux individus qui ne le respectent pas. Ils ont été prévenus au printemps 2014 par un courrier du syndicat les invitant à se mettre en conformité, mais ils n’en ont pas tenu compte. »

Un air de déjà vu

Pour l’heure, nos deux vignerons réfractaires envisagent de porter l’affaire en justice, forts d’une jurisprudence similaire de décembre 2013 sur l’appellation Pomerol dans laquelle le Conseil d’Etat avait donné raison aux vignerons requérants, qui eux aussi vinifiaient en dehors de l’aire de l’appellation. Pour Jean-Luc Dairien :

Une AOC n’est pas un musée, elle a vocation à évoluer. De nombreux cas similaires sont constatés sur l’ensemble du vignoble français. Le rôle de notre organisme est de prendre en compte la réalité économique des acteurs viticoles qui, bien souvent, souhaitent réunir leurs activités de vinification de différentes appellations sur une seule installation. »

Il poursuit : « Nous avons mis en place un groupe de travail sur ce sujet et les premiers résultats de ses travaux devraient voir le jour d’ici à deux, trois ans. » Une bonne nouvelle pour nos deux vignerons qui, en attendant, pourraient bien voir leurs bouteilles estampillées vin de France devenir de véritables collectors.

Olga Delon

# Comment choisir les meilleurs millésimes

Parmi les plus représentés dans ces foires aux vins 2015, les millésimes 2009 à 2014 ne possèdent pas tous le même niveau de qualité. Quelques repères pour éviter les mauvaises surprises.

2009

On l’achète les yeux fermés, ce millésime ayant été exceptionnel dans toutes les régions en raison d’un climat idéal pour la vigne.

2010

Excellent millésime pour le Bordelais, la Bourgogne, le Rhône et l’Alsace.

2011

Moins clément pour le Bordelais et la Bourgogne, ce millésime se révèle très intéressant dans le Languedoc.

2012

Très compliqué au niveau climatique, ce millésime est extrêmement hétérogène en termes de résultats. En fonction du travail effectué par le vigneron, on peut dénicher de belles pépites, à boire dans leur jeunesse.

2013

Une année plutôt fraîche dans l’ensemble des vignobles. Le millésime est plus favorable aux vins du Sud (Rhône, Languedoc-Roussillon). A éviter sur le Bordelais.

2014

Millésime en demi-teinte en fonction des maturités atteintes pendant l’arrière-saison, plus ensoleillée que l’été. Une année remarquable pour les vins de Loire, rouges comme blancs.

L’hémorragie des écolos se poursuit

La plaie est grande ouverte. Après le choix fait samedi, à près de 75%, par les militants écologistes du Nord-Pas-de-Calais-Picardie de partir aux régionales de décembre sans le PS, mais avec tout ou partie du Front de gauche, la lente hémorragie d’élus au sein d’Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV) va se poursuivre. Dans le sillage des présidents de groupes parlementaires, Jean-Vincent Placé (Sénat) et François De Rugy (Assemblée nationale), partis fin août en pleine université PS de La Rochelle, c’est au tour de la trésorière nationale du parti, Marie-Pierre Bresson, et de Christophe Rossignol, ancien membre de la direction, de claquer la porte d’EE-LV.

Dans un mail envoyé aux adhérents et que Libération s’est procuré, Marie-Pierre Bresson, adjointe à Lille auprès de Martine Aubry, annonce qu’elle «par[t]», écœurée du choix des siens de tourner le dos à l’union de la gauche dès le premier tour malgré le risque Front national dans cette grande région du Nord. «Mon engagement politique puise ses origines dans ce combat contre le FN. Il précède EE-LV et ne s’y est pas dissous, écrit-elle. Je pars, mais en réalité, c’est EE-LV qui s’éloigne et me quitte.» Car pour cette professeure dans un lycée de Lille-Sud, qui a adhéré aux Verts il y a quinze ans, le choix de s’allier avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, qui «rejette tout préalable en vue du second tour», c’est se «constitu[er] prisonniers volontaires». «Je m’y refuse. Les errements de cette alliance vont conduire à une hésitation au second tour», se désole-t-elle.

«Tragédie»

Proche de Jean-Vincent Placé, actuellement conseiller régional dans la région Centre et numéro 4 cette année sur la liste EE-LV en Ile-de-France, Rossignol dénonce, lui, «la lente agonie d’EE-LV». «Aujourd’hui en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, demain sans doute en Paca, deux régions où le FN peut gagner, quelques dizaines d’adhérents ont décidé de mettre en place une stratégie mortifère de désunion qui risque pour des millions de personnes de se transformer en tragédie», balance-t-il dans sa lettre de démission citée par Le Parisien.

Ces deux nouveaux départs, certes moins forts que ceux de De Rugy et Placé, illustrent la lente désagrégation du parti écologiste. A trois mois des régionales, d’autres responsables locaux, en désaccord avec le choix d’alliance avec tout ou partie du Front de gauche dès le premier tour en décembre, pourraient ainsi les imiter et taper à la porte des listes socialistes. A l’Assemblée nationale, le groupe écologiste – qui ne s’est pas réuni depuis le départ de De Rugy – devrait se déchirer à son retour à Paris cette semaine. Barbara Pompili, élue de Picardie, pourrait annoncer son choix de quitter EE-LV.

Duflot à la manœuvre ?

Que deviendrait alors ce groupe ? De Rugy et Pompili ont transmis des propositions de règles de bonne conduite à leurs collègues pour maintenir le groupe en l’état, avec liberté totale de vote. Mais l’appel lancé vendredi dans Libération d’un nouveau groupe «rouge-rose-vert» pourrait faire exploser l’actuel, si Cécile Duflot décidait d’y embarquer ses proches. «Je pense qu’on arrivera à garder un groupe, dit un membre de la direction. C’est trop important pour les députés qui n’ont que ça. Mais Cécile essaie quand même de tout faire péter.»

Au Sénat, c’est la sénatrice du Val-de-Marne Esther Benbassa qui a lancé l’offensive anti-Placé. Dans une pétition, elle demande que son camarade de l’Essonne ne soit plus président du groupe, puisqu’il n’est plus membre d’EE-LV. Cette «clarification», dont se félicitent les proches de Cécile Duflot, prend la forme d’une douloureuse décantation : les plus à droite du parti, favorables à un retour des écologistes au gouvernement, devraient petit à petit se regrouper au sein du nouveau parti créé par De Rugy et Placé – «Les écologistes !» – et faire partie d’une Union des démocrates et écologistes (UDE) fondée par d’anciens Verts et anciens Modem, comme Jean-Luc Bennahmias. Une lente décomposition.

 

Lire l’intégralité du mail envoyé par Marie-Pierre Bresson, trésorière de EE-LV et adjointe à la maire de Lille, aux adhérents écologistes, le 13 septembre :

«Chères toutes, chers tous,

Les Anglais ont cette jolie formule pour ne pas céder à la première impulsion : «sleep on it». Le lendemain pourtant, c’est pareil.

Je pars. Ni facilement, ni légèrement et pas de gaîté de cœur, mais je pars.

J’étais lycéenne à quelques kilomètres de Dreux quand, en 1983, Jean-Pierre Stirbois y est devenu adjoint FN, avec la complicité du RPR. J’étais rue Monsieur le Prince à Paris le 5 décembre 1986 quand Malik Oussekine a été tué. Je n’ai jamais oublié qu’il était mort parce qu’un ministre de l’Intérieur fonçait derrière le FN avec ses voltigeurs motorisés. Spontanément descendue dans la rue en avril 2002, je n’ai eu aucune hésitation à voter Chirac.

Mon engagement politique puise ses origines dans ce combat contre le FN. Il précède EE-LV et ne s’y est pas dissous. 30 ans que ça dure. Il y a 15 ans, j’ai fait le choix de m’engager avec enthousiasme dans un parti écologiste prometteur, et je ne crois pas avoir ménagé mes efforts pour contribuer à son développement. Nous étions un beau collectif, avec des projets à foison et des réussites obtenues les unes après les autres, grâce à cette science du compromis qui est notre incomparable talent. Nous étions aussi inventifs et audacieux que sérieux et opiniâtres. Notre turbulente démocratie interne – parfois fatigante – était l’expression bruyante de notre richesse et de notre vitalité, lesquelles renouvelaient enfin une offre politique terne et anachronique.

Il y a eu d’éclatants succès – pléthore d’éluEs locaux, des groupes parlementaires nationaux et européen élaborant des politiques publiques ambitieuses – et des rendez-vous ratés. Le choix de la présidentielle nous a fait trébucher ; en claquant la porte, nos ministres ont achevé de nous faire tomber. Mois après mois, demi-succès électoral après semi-échec électoral, nous nous asséchons. Le monde n’a jamais eu autant besoin d’écologie, mais nous avons abandonné l’écologie.

Ce qui est à l’œuvre aujourd’hui en Nord-Pas-de-Calais-Picardie ne me convient pas. Nous n’y avons pas recherché tous les moyens d’un indispensable accord de premier tour ; toute légitime qu’elle soit, nous nous arc-boutons sur une critique nationale au lieu de valoriser un copieux bilan régional et rendons hypothétique l’accord de deuxième tour.

Tout cela ne serait pas si grave si n’étaient concernés que les 600 adhérents EE-LV de la grande région NPDC Picardie, mais ce sont ses 6 millions d’habitants qui vont souffrir, d’abord parce que l’écologie va disparaître de la région – alors que c’est elle qui les protège –, mais aussi parce que, artisans d’une défaite annoncée, nous courons le risque de livrer la région à la droite ; pire, à l’extrême droite.

Celui que nous choisissons comme partenaire privilégié, le PG, rejette tout préalable en vue du second tour. Nous nous sommes constitués prisonniers volontaires. Je m’y refuse. Les errements de cette alliance vont conduire à une hésitation au second tour, donc c’est non. Avec le FN en embuscade, la première fraction de seconde d’hésitation est coupable.

Je suis professeure dans un lycée de Lille Sud, je m’efforce de donner à mes élèves des clés pour comprendre le monde. Avec d’infinies précautions, je recolle avec eux les morceaux épars de la République. Je veux que mes élèves continuent à ressembler au monde entier et pouvoir accueillir les prochains en provenance de Syrie, d’Irak ou de Libye. Je ne veux pas que Marine Le Pen puisse décider de l’avenir de ces lycéens, je ne veux pas de cet éléphant au milieu de mes porcelaines fines.

Le vote de l’AG d’EE-LV contient ce risque. C’est non. Je pars, mais en réalité, c’est EE-LV qui s’éloigne et me quitte.

Écologiquement vôtre,

Marie-Pierre Bresson.»

Lilian Alemagna

L’indemnité vélo devrait tourner autour de 12 à 15 centimes par km, d’après Ségolène Royal

L’indemnité kilométrique vélo, un mécanisme pour inciter les salariés à se rendre au travail à vélo, pourrait être fixée aux environs de 12 à 15 centimes par kilomètre, a indiqué dimanche la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal devant le «Grand Jury» RTL/LCI/Le Figaro. «Je pense que cela devrait tourner aux environs de 12 à 15 centimes», a déclaré Mme Royal qui a toutefois précisé que le dispositif était toujours en discussion et qu’il ferait l’objet d’un décret. Pour un trajet quotidien de 5 km matin et soir, l’indemnité journalière s’éleverait donc à 1,5 euros en partant sur la base de 15 centimes par kilomètres.

Comme Libéle rappelait cette semaine, la loi relative à la transition énergétique a introduit cet été l’indemnité kilométrique vélo (IKV) permettant la prise en charge par l’employeur de «tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant à vélo ou à vélo à assistance électrique entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail». Et qui n’est donc toujours pas appliquée. L’objectif de cette mesure est d’augmenter la part de la bicyclette dans nos trajets quotidiens (moins de 3 % aujourd’hui au niveau national).

Ségolène Royal a rappellé qu’une expérience menée l’an dernier auprès de 8.000 salariés avait «très bien fonctionné» avec un triplement de la part de ceux  utilisant ce mode de transport pour aller de leur domicile à leur travail. Les entreprises volontaires avaient accepté d’octroyer une indemnité de 25 centimes net par kilomètre parcouru en vélo par leurs salariés. L’indemnité devrait en principe être exonérée de cotisations sociales, dans la limite d’un montant fixé par décret. Pour les salariés, elle pourrait être déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu.

Où est passé l’indemnité kilomètrique vélo ?

LIBERATION avec AFP

Adam Laloum : clavier bien inspiré

La silhouette longiligne jusqu’au bout des doigts, presque fragile, le vêtement à peine apprêté quand il entre sur scène, Adam Laloum n’a pas l’attitude d’un conquérant. Et lorsque les derniers accords résonnent sous ses mains, il a le salut modeste, encore étonné de susciter tant d’enthousiasme. Le public, séduit, loue son jeu nuancé et intense, son timbre poétique qui force l’admiration.

Originaire de Toulouse, le pianiste de 28 ans récolte des lauriers et affirme sa singularité au milieu de la pépinière de virtuoses de sa génération. Chambriste, en récital ou avec orchestre, il est de tous les festivals qui comptent et ses disques collectionnent les récompenses (> voir sa discographie). Le prochain album Schubert – Schumann a été enregistré cet été.

Pourtant sa rencontre avec le piano a bien failli être contrariée. Il n’a que six ans quand un professeur décrète qu’il n’est pas fait pour le clavier. Mais le bel instrument trône toujours à la maison, joué par le grand frère Tom, et la légende familiale raconte qu’une tante musicienne amatrice lui redonne le goût du piano.

Avec quelques notions de solfège, l’enfant fait ses premières gammes en autodidacte, déchiffrant toutes les partitions à portée de main, avant de ressentir, à dix ans, le besoin d’aller plus loin et de prendre au sérieux cet objet de désir. Commence alors un parcours classique d’instrumentiste : direction le conservatoire de Toulouse, avant d’intégrer à 15 ans le Conservatoire national supérieur de Musique et de Danse de Paris.

Mais c’est après ses années de formation, qu’il va réellement apprendre en quoi consiste le métier de musicien, notamment en côtoyant des professeurs pour lesquels il a la plus vive reconnaissance : Daria Hovora, Claire Désert, qui le fait jouer en petits concerts privés, Jean-Claude Pennetier, rencontré lors de l’Académie Maurice Ravel qui lui dévoile l’importance de se donner entièrement à son art et Evgeni Koroliov dont il suit régulièrement l’enseignement à Hambourg.

« Il ne brûle pas les étapes »

C’est en jouant le 24ème concerto en ut mineur de Mozart, qu’Adam Laloum remporte en 2009, le prestigieux concours Clara Haskil qui fait la part belle aux musiciens plutôt qu’aux virtuoses, le propulsant comme par surprise sur le devant de la scène. Voilà ce qui rend le jeu d’Adam Laloum si particulier : un mélange de force et de tendresse, de puissance et de délicatesse, d’urgence et de contrôle ; sans esbroufe, sans effet de manche, tout en simplicité et subtilité.

D’année en année, le jeune homme discret et attachant gagne en assurance et en légèreté. Il cache sous une apparence juvénile une tête bien faite et une grande maturité d’esprit. René Martin, directeur artistique du festival de la Roque-d’Anthéron et fondateur du label Mirare, atteste :

Adam a cette richesse qu’on doit avoir quand on mène une carrière. Il ne brûle pas les étapes. Il est très lucide. Il a conscience de ce dont il a besoin sans se laisser happer par les compliments. Après chaque concert, il sait exactement comment il a joué. C’est ce qui lui permet de grandir. »

« On apprend de tout le monde »

La vie d’un concertiste est rude, confesse Adam Laloum : « Il faut être fort mentalement, savoir prendre du recul et s’endurcir pour gérer la pression des concerts qui se suivent avec des programmes très différents, tout en gardant l’exigence artistique. Si l’on n’est pas bien organisé, on peut se retrouver dans des situations très difficiles ». Les moments de pause sont rares. Pas facile de jouir d’un temps libre sans culpabiliser. « Quand on est musicien, on n’a jamais l’esprit tranquille, et la culpabilité est un frein à l’épanouissement ».

L’artiste a toujours développé un penchant pour la musique de chambre qu’il cultive avec bonheur. Avec deux amis du Conservatoire, la violoniste Mi-Sa Yang et le violoncelliste Victor-Julien Laferrière, il fonde en 2012 le trio Les Esprits qui se produit régulièrement en concert :

J’aime cette idée du collectif qui nous empêche de nous centrer sur notre propre nature, nos petites angoisses personnelles. C’est important de côtoyer d’autres musiciens. On apprend de tout le monde. Jouer avec quelqu’un d’autre, ça ouvre l’esprit et l’on se ressource ».

De cette passion et d’un coup de cœur pour un village des Corbières a germé l’idée d’un festival, réunissant une quinzaine d’interprètes, Les Pages musicales de Lagrasse, dont la première édition se déroule en ce début septembre (2 au 12). Endossant le rôle de directeur artistique, Laloum s’enflamme : « C’est une belle réussite, en partie grâce à la générosité des habitants de la commune. Nous attirons chaque soir 150 personnes dans une église qui ne compte pas beaucoup plus de places ».

Quand on lui demande de raconter une de ses plus belles expériences musicales, il répond : « C’était le premier soir du festival, quand j’ai joué après avoir réglé des détails techniques et ensuite, assis dans la salle en écoutant mes amis inspirés et épanouis donner le quintette à deux violoncelles de Schubert ».

La musique, c’est avant tout cela. Des moments de partage et de dialogue entre musiciens qui s’estiment.

Lise Tiano

Discographie

2011 : Brahms, pièces pour piano. Mirare

2013 : Schumann, Grande Humoresque et sonate N°1 opus 11. Mirare

2013 : Schumann, Schubert, Brahms avec Lise Berthaud à L’Alto. Aparté

2014 : Brahms : Sonates N°1 et 2 pour Clarinette et piano ,Trio en la mineur pour clarinette, violoncelle et piano avec Raphaël Sévère et Victor-Julien Laferrière. Mirare

2014 : Trio les Esprits : Beethoven,Trio en mi bémol majeur opus 70 n°2, SchumannTrio n°3 en sol mineur opus 110 . Mirare



Dates

1987 : Naissance à Toulouse

2002 : Entrée au CNSMD de Paris dans la classe de Michel Béroff

2007 : Participe à l’Académie Maurice Ravel et obtient le prix Maurice Ravel

2009 : Premier prix du concours Clara Haskil de Vevey

2011 : Premier disque Brahms

2012 : Nominé aux Victoires de la Musique

2012 : Fonde le trio « Les Esprits »

2013 : Disque Schumann

2015 : Création du festival Les pages musicales de Lagrasse

Danse basque, baroque ou contemporaine… « Le Temps d »‘aimer » fête ses 25 ans

Avec une audience impressionnante de près de 20.000 spectateurs pour une ville de 36.000 habitants, le Festival de Danse de Biarritz appelé « Le Temps d’aimer » est devenu en un quart de siècle un phénomène de la Côte basque. Il suscite une avalanche de près de 30 spectacles en dix jours. Et cette année, la programmation est plus éclectique qu’elle ne l’a jamais été.

Danse basque, danse espagnole

Danse basque tout d’abord, là où plus qu’ailleurs, elle doit être défendue, et qu’on verra déferler dans les rues de Biarritz sur une idée de Claude Iruretagoyena qui réunit quatre compagnies basquaises…

La Compania national de Danza (D.R.)

Troupes d’Espagne aussi selon cet axe ibérique obligé, pour un festival sis au pied des Pyrénées et qui a toujours cultivé cette proximité avec le royaume voisin : la Compania national de Danza s’offre dans un programme très international (Forsythe, Naharin, Galili) ; et celle nommée « Elephant in the Black Box » avec des pièces de Nacho Duato et de Jean-Philippe Dury ; plus étonnante encore, la troupe masculine Rojas y Rodriguez présente un ouvrage où à la virilité exacerbée des Espagnols se mêle une sensualité troublante.

Eclectisme

Danse baroque avec la Compagnie l’Eventail et une adaptation du conte de « Peau d’âne » due à Marie-Geneviève Massé ; danse néo-classique avec le Ballet slovène de Maribor et une énième version chorégraphique du « Sacre du printemps » de la main d’Edward Clug, auteur également d’une transposition dansée du « Stabat Mater » de Pergolèse ; danse post-moderne avec un « event » créé à partir de chorégraphies de Merce Cunningham par son disciple Robert Swinston, aujourd’hui à la tête du Centre National de Danse Contemporaine d’Angers, et interprété par les danseurs attachés à cette institution dans un décor d’une petite-fille du peintre Matisse qui ne renie pas son aïeul ; danse contemporaine avec Emanuel Gat, Wim Vandekeybus, Emmanuelle Vo-Dinh ou Lionel Hoche; danse dans les théâtres, les lieux publics, sur la plage même du Vieux Port avec le Ballet de Biarritz et le Ballet junior de Genève interprétant des pièces de Thierry Malandain et de Barak Marschall.

Wim Vandekeybus (Danny Willems)

On y ajoutera un solo naguère créée par les Japonais Ko Murobushi et Carlotta Ikeda et repris en hommage à cette dernière. Ou une pièce du Burkinabé Salia Sanou : l’éclectisme est à Biarritz autant dans les sites que dans les styles.

Raphaël de Gubernatis

Festival de Danse de Biarritz : « le Temps d’aimer ». Du 11 au 20 septembre ; 05-59-22-03-02 ou 05-59-22-20-21.

On a retrouvé Moranbong Band, les Spice Girls de Corée du Nord

Où étaient-elles fourrées ? Moranbong Band, le groupe musical le plus célèbre de Corée du Nord, ne donnait plus de signe de vie depuis une apparition télévisée début juillet. Un mois plus tard, les sites sud-coréens qui tentent de décrypter l’opaque réalité du voisin communiste commençaient à s’inquiéter : qu’est devenu ce collectif d’une douzaine de femmes ? Sont-elles tombées en disgrâce pour une fausse note ou un mot de travers ? Pire : les a-t-on passées par les armes, comme plusieurs membres de l’orchestre philharmonique Unhasu, en 2013 ? L’apparition simultanée d’un groupe féminin concurrent, Chongbong Band, confirmait les pires craintes.

Lundi, la coréosphère a poussé un ouf de soulagement : les actualités télévisées ont à nouveau montré les dames de Moranbong Band, invitées du gala artistique offert par le leader bien aimé Kim Jong-un à un invité de marque, le vice-président cubain, Miguel Díaz-Canel.

Mini-robes et cheveux courts

D’après les médias officiels, Moranbong Band, qui tire son nom d’un quartier de Pyongyang, a été créé en 2012 par Kim Jong-un, qui aurait choisi en personne chacune des chanteuses et musiciennes. L’objectif était de donner aux jeunes une formation moderne, qui corresponde à ses aspirations. L’apparition du groupe dans le panorama musical nord-coréen avait révolutionné la jeunesse : les robes courtes et les coupes de cheveux audacieuses avaient immédiatement été copiées. Au même moment, le Coréen Psy devenait une star planétaire avec son tube sans lendemain Gangnam Style. Le leader suprême a-t-il voulu riposter à cette offensive de la culture capitaliste ?

Moranbong Band est pourtant très éloigné de l’esthétique electro-dance. Avec sa section de violons, le collectif privilégie la musique douce et mélodieuse qu’on entendait dans les cocktails distingués et les ascenseurs des années 60. Le répertoire marie chants patriotiques (Oh patrie remplie d’espoir, Pyongyang est la meilleure, Nous pensons jour et Nuit à notre Leader) et succès pop vieillots, et parfois français : l’Amour est bleu d’André Popp, les Feuilles mortes de Joseph Kosma… Lundi, elles ont offert à l’hôte officiel une version de Guantanamera.

François-Xavier Gomez

Dati, des réfugiés et un Taser : cinq vidéos à ne pas manquer ce vendredi

La rédicive de Rachida Dati contre la journaliste Elise Lucet, des réfugiés nourris comme des animaux en cage et les images de la mort d’une prisonnière aux Etats-Unis avec un Taser. Cinq vidéos à voir ce vendredi.

En Hongrie, des réfugiés nourris de manière inhumaine par des policiers

Dans une vidéo filmée en secret mercredi par une bénévole autrichienne à l’intérieur du plus grand camp de migrants de Hongrie, à Roszke, on aperçoit quelque 150 migrants rassemblés dans un enclos à l’intérieur d’une grande salle. C’est l’heure du repas. Tous se bousculent pour tenter d’attraper des sacs de nourriture que leur lancent des policiers hongrois, de manière totalement inhumaine. «C’était comme de nourrir des animaux enfermés dans un enclos, comme un Guantanamo en Europe», confie à l’AFP Alexander Spritzendorfer, l’époux de l’auteure de la vidéo, diffusée sur YouTube jeudi soir.

Une Américaine tuée par des policiers après l’usage abusif du Taser

Les autorités américaines ont rendu publique une vidéo perturbante montrant des policiers utilisant quatre fois un pistolet électrique contre Natasha McKenna, une détenue noire de 37 ans souffrant de troubles psychiatriques, pourtant entravée. Elle a été victime d’un arrêt respiratoire finalement fatal.

L’affaire Robert Boulin, en cinq étapes

Le mystère entourant la mort de l’ancien ministre en 1979 va-t-il être enfin levé ? Trente-six ans après les faits, l’enquête rouvre. Le dernier verdict de 1991 retient que Robert Boulin s’est suicidé à 59 ans, dans la forêt de Rambouillet (Yvelines), après avoir été mis en cause dans une affaire immobilière à Ramatuelle (Var). Aujourd’hui confiée à un juge d’instruction, l’enquête s’ouvre pour «arrestation, enlèvement et séquestration suivi de mort ou assassinat». Cela fait suite au dépôt d’une plainte, en mai dernier, de la fille du défunt, Fabienne Boulin-Burgeat. Selon cette dernière, Robert Boulin a été assassiné parce qu’il disposait d’informations sur un financement politique occulte. Autant d’incertitudes dans une affaire truffée de rebondissements, dont voici les cinq étapes clés.

Dati à Lucet : «Si elle veut exister grâce à ça, je lui laisse une minute de gloire»

La députée européenne n’en avait pas assez d’une attaque contre la journaliste Elise Lucet. Après avoir qualifié dans Cash Investigation sa carrière de «pathétique», Rachida Dati en remet une couche ce vendredi sur LCI. «Si elle (Elise Lucet) veut exister, il y a peut-être d’autres sujets sur lesquels effectivement elle pourrait enquêter. Mais la pauvre, si elle veut exister grâce à ça, je lui laisse un peu cette minute de gloire.»

Trois questions déplacées posées à Myriam El Khomri

Sous le feu des projecteurs depuis sa nomination, la ministre du Travail n’a pas été épargnée par les critiques, en particulier à droite. Mais ce n’est pas tant le ton des élus qui agacent que ceux de certains journalistes. Olivier Mazerolle et Jean-Pierre Elkabbach, qui sont les seuls à ce jour à avoir pu interviewer Myriam El Khomri en tant que ministre du Travail lors d’une matinale, n’ont pas hésité à lui poser des questions de mauvais goût, voire déplacées.

LIBERATION

Prix Renaudot 2015 : la première sélection

Jeudi dernier, les jurés du Goncourt sélectionnaient quinze titres pour le prix qu’ils décerneront le 3 novembre prochain. Ce mardi, c’était le tour de leurs homologues du Renaudot, qui ont également jusqu’au 3 novembre pour trouver un lauréat digne de succéder à Marcel Aymé, Céline, Aragon, Malaquais, Cayrol, Guilloux, Butor, Le Clézio, Perec, Annie Ernaux ou encore Emmanuel Carrère.

L’an passé, ils avaient choisi David Foenkinos. L’ambiance avait été électrique. Cette année, tout est possible. Mais en attendant, on a le plaisir de trouver dans la liste le camarade Christophe Boltanski, grand reporter à «l’Obs» et auteur d’un des «premiers romans» les plus remarqués de la saison.

Les 18 romans sélectionnés pour le Renaudot 2015

L’Eté contraire, par Yves Bichet (Mercure de France)

La Septième fonction du langage, par Laurent Binet (Grasset)

La Cache, par Christophe Boltanski (Stock)

Histoire de l’amour et de la haine, par Charles Dantzig (Grasset)

Ce coeur changeant, par Agnès Desarthe (l’Olivier)

Ann, par Fabrice Guénier (Gallimard)

La Saison des bijoux, par Eric Holder (Seuil)

La Petite femelle, par Philippe Jaenada (Julliard)

Les Désoeuvrés, par Aram Kebabdjian (Seuil)

Adieu aux espadrilles, par Arnaud Le Guern (Le Rocher)

Jugan, par Jérôme Leroy (La Table ronde)

Eva, par Simon Liberati(Stock)

Villa des femmes, par Cherif Madjalani (Seuil)

Les uns contre les autres, par Franck Maubert (Fayard)

L’Autre Simenon, par Patrick Roegiers (Grasset)

2084, par Boualem Sansal (Gallimard)

D’après une histoire vraie, par Delphine de Vigan (JC Lattès)

Juste avant l’oubli, par Alice Zeniter (Flammarion)

Les 8 titres en piste pour le Renaudot essai

La Piste Pasolini, par Pierre Adrian (Les Equateurs)

Henri de Régnier, par Patrick Besnier (Fayard)

La Transparence et le reflet, par Serge Bramly (JC Lattès)

Encre, sueur, salive et sang, par Sony Labou Tansi (Seuil)

Dictionnaire chic du vin, par Léon Mazzella (Ecriture)

Manifeste incertain, vol. 4, par Frédéric Pajak(Noir sur blanc)

Victor Hugo vient de mourir, par Judith Perrignon (L’Iconoclaste)

Mille et un morceaux, par Jean-Michel Ribes (L’Iconoclaste)

Retour à Duvert, par Gilles Sebhan (Le Dilettante)

BibliObs

A noter : aux dernières nouvelles, le jury du Prix Renaudot est composé de Christian Giudicelli, Dominique Bona, Franz-Olivier Giesbert, Georges-Olivier Châteaureynaud, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Jean-Noël Pancrazi (président), Louis Gardel, Patrick Besson, Jérôme Garcin, Frédéric Beigbeder.

A noter encore : la plupart de ces livres ont été ou seront très prochainement chroniqués dans les pages littéraires de « l’Obs ».

« The Lesson », « Youth », « Natür Therapy »… Les films à voir cette semaine (ou pas)

Le choix de « l’Obs »

♥♥♥ « The Lesson », drame bulgare de Kristina Grozeva et Petar Valchanov, avec Margita Gosheva, Ivan Barnev, Stefan Denolyubov (1h47).

Au début, ce n’est rien, ou presque : Nadezhda (Margita Gosheva), jeune professeure d’anglais dans un collège d’une petite ville de Bulgarie, constate qu’un peu d’argent lui a été dérobé dans son sac à main, forcément par un de ses élèves. Et puis, un autre rien : Mladen, le mari de Nadezhda, qui depuis qu’il n’a plus de travail passe trop de temps à picoler, n’a pas remis en état le camping-car que le couple a décidé de vendre. Et peu à peu, de circonstances banales en désagréments ordinaires, la situation de la jeune femme devient insupportablement précaire, la contraignant à agir dans une direction que rien, dans sa personnalité et dans sa vie, ne la prédisposait à prendre.

« The Lesson » tire l’essentiel de sa force, qui est grande, de la qualité du regard porté sur cette suite de péripéties fort communes en elles-mêmes : le destin de Nadezhda pourrait être tragique. S’il ne l’est jamais, c’est que le film se décale sans cesse de la réalité qu’il montre. Avec ce premier long-métrage de fiction, Kristina Grozeva et Petar Valchanov ont frappé fort. Et dans le rôle de Nadezhda, Margita Gosheva est parfaite. P. M.

Ils sortent cette semaine…

♥♥ « Natür Therapy », comédie dramatique norvégienne d’Ole Giæver, avec Ole Giæver, Marte Magnusdotter (1h20).

Imaginez une version norvégienne de « Near Death Experience », le film burlesque de Kervern et Delépine, qui serait déplacé dans la forêt glaciale et lyrique de « Into the Wild ».

Martin (Ole Giæver), un homme jeune, sportif, marié, père d’un garçonnet, que son travail assomme et que sa vie privée indiffère, décide de quitter, à petites foulées, sa maison, située dans les faubourgs d’Oslo. Il court vers les montagnes norvégiennes, belles comme dans la pub Volvic et aussi accueillantes qu’un congélateur, s’enfonce dans les bois, entend des voix, parfois s’arrête derrière un arbre pour se masturber, reprend son footing cul nul, s’arrête dans un chalet et le lit d’une randonneuse, dialogue avec un crapaud, s’enterre, ressuscite, bringuebale entre le panthéisme et le pessimisme – avec une pointe de ricanisme.

A la fois réalisateur, scénariste et interprète principal, Ole Giæver, 38 ans, la tête de Michel Houellebecq et les jambes d’Usain Bolt, se déplace si vite de fjords en clairières qu’il donne l’impression de semer en route sa propre caméra. Plus il avance, plus il se déleste et se désencombre, mieux il nous fuit. On le comprend. C’est drôle et triste à la fois. Thérapeutique, somme toute. J. G.

♥♥♥ « Red Rose », drame franco-grec de Sepideh Farsi, avec Mina Kavani, Vassilis Koukalani (1h27).

La cinéaste iranienne en exil Sepideh Farsi et le scénariste Javad Djavahery ont imaginé un dispositif très ingénieux pour évoquer la situation de l’Iran au lendemain des élections de juin 2009. Le soulèvement populaire provoqué par la réélection usurpée de Mahmoud Ahmadinejad et la répression particulièrement violente dont il a fait l’objet sont présents à travers les images filmées avec des téléphones portables, qui scandent le huis clos mis en place par le film.

Une nuit, une jeune femme trouve refuge dans l’appartement d’un homme solitaire : entre Sara (Mina Kavani), 25 ans, et Ali (Vassilis Koukalani), qui a deux fois son âge, une relation se noue. Elle s’apparente bientôt à une histoire d’amour. Entre une révoltée de 2009 et un militant de 1978, qui lui aussi descendit dans la rue et a dû se résigner depuis à ne plus croire à une possibilité de changement, ou du moins à faire comme si. Il n’y a là rien d’artificiel ni de démonstratif, au contraire tout coule de source, et cette eau est limpide et pure.

La conclusion de ce qui constitue une charge d’une violence inouïe contre le régime iranien est vertigineuse, profondément troublante et révoltante. « Red Rose » associe avec une virtuosité et une intelligence extrêmes les ressorts du cinéma classique (scénario exploitant une situation de nature proche du théâtre) et l’immédiateté et la sauvagerie apparente des modes de communication modernes (images captées, diffusées sur les réseaux sociaux). C’est une très belle réussite. P. M.

♥♥ « Les chansons que mes frères m’ont apprises », drame américain de Chloé Zhao, avec John Reddy, Jashaun St. John, Irene Bedard (1h34).

Aux yeux de qui découvre ce premier et très beau film de Chloé Zhao, il n’est pas douteux que la jeune cinéaste chinoise avait essentiellement en tête de rendre hommage aux Indiens d’une réserve du Dakota du Sud dont, des mois durant, elle a partagé la vie.

L’histoire de ces « Chansons que mes frères m’ont apprises » est probablement venue après qu’elle eut formé le projet du film : plus qu’un récit, il s’agit d’ailleurs d’une suite d’événements, qui donne à l’ensemble une allure de chronique. Chronique centrée sur le jeune Johnny Winters et sa petite sœur de 11 ans, Jashaun, deux Indiens Lakota qui vivent seuls avec leur mère depuis que leur frère est en prison et que leur père, un champion de rodéo, est parti voir ailleurs.

De cet ailleurs, il ne reviendra pas : le film s’ouvre par l’annonce de sa mort, dans l’incendie de sa maison. Le père était alcoolique. Johnny gagne un peu d’argent en livrant de l’alcool pour le compte du vendeur clandestin local. Il espère en amasser suffisamment pour partir s’installer à Los Angeles, où sa petite amie va poursuivre ses études. De ce projet, il ne s’est ouvert ni à sa mère ni à sa sœur. De même qu’il y a peu de mots, ce film ne s’encombre pas de péripéties. Chloé Zhao choisit de livrer plutôt des indications et des renseignements sur la vie dans cette réserve, avec assez de maîtrise et de doigté pour ne jamais faire la leçon. Les images sont signées Joshua James Richards, elles sont d’une beauté à couper le souffle. P. M.

♥ « LIFE », comédie dramatique britannique d’Anton Corbijn, avec Robert Pattinson, Dane DeHaan, Ben Kingsley (1h52).

Mettons les choses au point tout de suite : Robert Pattinson est un acteur sans intérêt. Il n’a ni charisme, ni présence, ni empreinte. Il est là, c’est tout. Ici, il joue le rôle du photographe Dennis Stock, qui, en 1955, signa les photos les plus célèbres de James Dean, alors au bord de la célébrité.

Le film de Corbijn retrace les relations compliquées entre les deux hommes, et montre, chemin faisant, la nature torturée de James Dean. Poseur, capricieux, jouant au rebelle (mais sensible à l’attrait de la publicité quand même), Dean a été sanctifié par sa mort brutale, et les images de Stock sont devenues célèbres.

L’ennui avec le film, c’est qu’on a l’impression que l’acteur qui joue James Dean (Dane DeHaan) se livre à une parodie pour stand-up. Du coup, malgré la qualité de la lumière recherchée par Corbijn (« The American », « Un homme très recherché »), le récit ne trouve jamais sa crédibilité. C’est dommage : il y avait là un très beau sujet.F. F.

♥ « Queen of Earth », drame américain d’Alex Ross Perry, avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit (1h30).

Pour filmer la vie de Catherine dans la maison de sa meilleure amie, Virginia, au bord d’un lac et dessiner le portrait psychologique de cette jeune femme au lendemain de la mort de son père et d’une rupture amoureuse violente, Alex Ross Perry crée une mosaïque d’images saisies au plus près.

Il arrive parfois que le passé bouscule le présent, mais si la relation entre Catherine et Virginia évolue dans une direction qui suggère un possible renversement des rôles, c’est bien la première qui demeure au centre du dispositif.

L’ensemble peut tout aussi bien être jugé fascinant que gentiment barbant, mais la virtuosité du cinéaste est incontestable. Elle est nourrie par une multitude de références bien comprises, de Bergman à Woody Allen en mode « Intérieurs ». La composition d’Elisabeth Moss, par ailleurs productrice du film, est assez sidérante. P. M.

♥♥ « Youth », comédie dramatique italienne de Paolo Sorrentino, avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano, Jane Fonda (1h58).

Dans un palace helvétique situé au pied des montagnes et aux portes de l’éternité, deux amis octogénaires s’octroient un supplément de bon temps.

Sir Michael Caine, classe affaires, interprète un chef d’orchestre qui refuse de diriger devant la reine d’Angleterre, mais accepte, dans une prairie, de conduire un concerto pour cloches bovines.

Et Harvey Keitel, style vieil Hollywood, joue un cinéaste démonétisé qui essaie de terminer, dans la procrastination, un scénario pour Jane Fonda, laquelle le lui jette à la figure dans une scène d’anthologie.

Ces deux rois fainéants qui se regardent tantôt le nombril et tantôt la prostate ont inspiré au réalisateur clinquant d’ »Il Divo » et de « la Grande Bellezza » une fable loufoque, où Miss Univers, Maradona, le dalaï-lama font de la figuration, et dont on préconise la diffusion thérapeutique dans les services de gériatrie. J. G.

C’est raté

◊ « Au plus près du soleil », drame français d’Yves Angelo, avec Sylvie Testud, Grégory Gadebois, Mathilde Bisson (1h43).

L’accusée est une femme entretenue. La juge est mariée à un avocat. Le fils de ce couple, adopté, est l’enfant (abandonné par sa mère biologique) de l’accusée (mais c’est une coïncidence). Drame, donc. Bonne situation de départ, puis tout sombre dans le ridicule : l’avocat s’en mêle, la salope devient de plus en plus méchante (et craquante), tout le monde part en croisière… Aïe, aïe, aïe.

On a connu Yves Angelo, le réalisateur, mieux inspiré avec « les Ames grises ». Ici, tout vire au mélo le plus prévisible, malgré des acteurs qui font de leur mieux pour surnager dans cet océan de pathos : Sylvie Testud en magistrate écartelée ; Mathilde Bisson, provocante et séduisante ; et, surtout, Grégory Gadebois (« Mon âme par toi guérie »), absolument remarquable dans un rôle impossible. Plus le film avance, plus les ennuis s’accumulent et chargent la barque. Elle coule. F. F.

François Forestier, Jérôme Garcin et Pascal Mérigeau

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